Saturday Afternoon Fever
Publié le 19 Avril 2014
Le samedi du week-end de Pâques dans la boutique. Comment vous dire. Il n’y a personne. Mais alors personne de chez personne, pas un chat, there is no cat comme dit ma petite apprentie. Je suis telle Robinsonne abandonnée sur son île, mais avec Internet. Il pleut par intermittence. De temps en temps, un touriste perdu vient interrompre ma torpeur et repart sans rien acheter. Le temps file tel l’escargot malade. Je perds peu à peu toute volonté de vivre.
Dans ces moments-là, j’aime me réconforter en pensant au reste de ma vie trépidante qui va à cent à l’heure. Par exemple, là tout de suite je repense à cette semaine où je suis rentrée directement chez moi tous les soirs et où j’ai joué aux Sims jusqu’à minuit. Une vie de fou, une vie d’entrepreneur de haut vol. Ma famille virtuelle est au top, trois enfants, deux salaires, une terrasse en construction. Blottie dans ma couette, au creux de mon petit appart parisien, je vis une existence parallèle et ça suffit à mon bonheur.
Ou alors, je pense à ma vie sentimentale palpitante et passionnée, tous ces amantEs qui s’enchaînent sans se ressembler, tous ces serments brûlants au clair de lune et ces séparations déchirantes sous l’averse. C’est à peu près ça, dans les grandes lignes. Un vivier complètement vide, pas un ex à se mettre sous la dent, pas un crush à entretenir patiemment. Je suis alone avec un grand A, et le pire c’est que ça ne me dérange même pas. J’ai jeté l’éponge, comme on dit. En tous cas pour le moment. Et comme je suis en cure d’abstinence de porno (je vous en parle dans le prochain post), j’ai hâte de voir ce que cette double abstinence va provoquer chez moi.
Sinon, je me plais aussi à évoquer ma vie sociale de folie et ces fêtes sans fin où je brûle la chandelle par les deux bouts. Samedi dernier, j’ai fait une super soirée à la maison avec des amis. A deux heures du matin, les derniers invités sont partis et je suis allée gentiment me coucher. Le lendemain, on s’est retrouvés pour un brunch et on a joué au jeu des Post-it : on nous colle le nom de quelqu’un sur le front et on doit deviner qui on est en posant des questions à l’assistance. Un jeu presque métaphysique immortalisé dans le film Marie-Antoinette par Sofia Coppola. C’était cool jusqu’à ce que l’un d’entre nous récupère Jack Skellington comme avatar. Pour ceux qui ne le sauraient pas (c’est-à-dire 90% des gens), c’est le nom du personnage principal du film de Tim Burton, L’étrange Noël de Monsieur Jack. Le pauvre hère qui s’est fait coller ça sur le front a mis une heure et demie à trouver. Entre-temps, j’avais eu le temps d’être David Copperfield, Jules Vernes et un troisième larron dont j’ai oublié le nom.
En désespoir de cause, je me console en visualisant ma famille aimante qui est toujours là pour moi. Ce week-end, je descends voir les parents dans le Sud pour un aller/retour express. Hier, j’ai vu Neveu n°1 qui se remet doucement d’une angine. Il sent que Neveu n°2 est en approche (plus que trois semaines avant la mise-bas), donc il est nerveux telle la bête sauvage. Il est chiant, en clair. Mon frère l’a collé dans mes pattes dès que je suis arrivée et j’ai dû lui lire Boucle d’Or deux fois. C’était drôle parce qu’il fait la toute petite voix du tout petit ours, en prenant une voix de fausset, et puis il rigole comme un bossu. Il a adoré le T-shirt que je lui ai offert : un crocodile ! Sa nemesis ! Car le monde de Neveu n°1 est très manichéen : d’un côté, les gentils, c’est-à-dire les tortues, ou « totues ». Toute une famille de sympathiques reptiles (oui, j’ai vérifié, les tortues sont des reptiles) en plastique qu’il trimballe partout. Tout irait bien dans le monde parfait de Papa et Maman Totues et leurs rejetons s’il n’y avait pas le Mal, incarné par deux monstres : le Crocodile et le Serpent. Régulièrement, l’un comme l’autre vient latter la gueule des gentilles tortues en les tapant jusqu’à plus soif. Puis Neveu s’amuse à jouer Dieu et se fourre le méchant animal en plastique dans la bouche après lui avoir déclaré : Pas gentil, pas taper totues. Il n’y a pas de hasard, les premiers seront les derniers, aime ta totue comme toi-même.
Bref, quand je fais un bilan de fin d’après-midi dans ma petite boutique, quand il bruine dehors, que je réalise que j’ai pas une thune, pas de mec, pas de stagiaire le samedi car c’est illégal, pas envie de sortir, pas installé les Sims sur mon PC pro, pas envie de faire ma compta, pas de lit de camp pour faire un somme, et encore deux heures à tenir, je me sens tout de suite mieux. Y’a pas à dire, les bilans, ça remonte le moral.
Bon week-end pascal à tout un chacun – see you soon pour un double post porno/introversion !