Girlfriends

Publié le 5 Août 2014

Girls. Les meufs. Les filles, les femmes, les copines, les amies. Celles que tu appelles quand tu as besoin de relâcher la pression. Celles que tu textotes cinquante fois par jour. Celles que tu retrouves toujours avec plaisir et un grand sourire. Je me félicite tous les jours d’être si bien entourée.

Les filles en one on one, autour d’un verre en terrasse, d’un MacDo, au bout du téléphone. Parler de tout, de rien. De sujets légers – de garçons, de sexe, de collègues, de gens qu’on connaît, comme les épisodes successifs d’un bon feuilleton. Aborder les sujets plus importants, plus graves. La famille, le couple, la carrière, l’avenir. Pouvoir tout se dire. Raconter le moment qui nous obsède en détails, sans rien omettre, et attendre l’avis bienveillant, le bon conseil rassurant. Juste pouvoir le sortir de notre tête en fait, juste pouvoir le confier à quelqu’un, le revivre avec lui. Un poids en moins. Savoir qu’il y a un autre dépositaire de ce moment peut-être insignifiant, peut-être crucial. Savoir que les instantanés de notre vie sont entre de bonnes mains.

Parler de rien, aussi. Du quotidien. Des petites embrouilles. Des contrariétés de tous les jours. Faire des blagues pour exorciser, pour penser à autre chose. Passer en une phrase du small talk à la considération philosophique. Faire une analyse au Starbucks et résoudre ses problèmes relationnels autour d’un MacFlurry. Se sentir proche de la personne en face, presque connectée physiquement, savourer tout ce qu’il y a d’intime dans les confidences sans trop de filtre, dans le moment présent. Etre en confiance. Rattraper le temps perdu, parfois. Résumer de longs mois de sa vie en quelques phrases. Aller à l’essentiel. Jusqu’à se retrouver toutes les deux au même endroit, accoudées à la même balustrade, le sourire aux lèvres, l’envie de se revoir bientôt.

Les filles en groupe. Les bandes de meufs, les retrouvailles du crew, les tablées de douze. Les potes de potes, les collègues, les sœurs ou les cousines, toutes sont bienvenues. Les voix qui portent, on parle fort, on se vanne dur, on rigole sans arrêt. On sent monter la joie de se revoir presque concrètement, comme un fluide qui grimpe le long de nos jambes, qui déborde de tous nos pores. On fait de grands gestes, on commande des verres, on emmerde le serveur, on dérange les autres gens sur les quais de Seine. On s’apostrophe, on balance par ci par là des informations factuelles sur notre vie, le boulot, les vacances, RAS, on fait un petit état des lieux pour le bénéfice de la troupe. Quand on a traité les menues contrariétés et les nouvelles infos, on peut passer aux sujets de fond, les marronniers de ce genre de réunion. Les mecs, bien sûr. Celles en couple sommées de statuer sur leur relation : tout va bien ? Next step ? Vacances en commun ? Rythme de revoyure ? Tout roule ? On valide, adjugé, on peut passer à la suivante. Les célibataires ou celles plus dans le flou en profitent pour se confronter à d’autres opinions, recueillir des avis, établir un panel. Soumettre une situation, un garçon, une décision, au vote des participantes, pouce en l’air, pouce en bas. Des sous-groupes se forment parfois, plus propices à la confidence. Dans ce genre de petites bulles, on avoue plus facilement les choses moins roses, la solitude, le doute, l’angoisse, la peur. On en parle à demi-mot, à mi-voix, comme quelque chose d’un peu embarrassant, un peu tabou. Mais de savoir qu’on n’est pas toute seule à ressentir ça, on se sent mieux. On se rassure. La force du groupe. La force des autres filles.

Elles sont si fortes les filles entre elles. Elles sont d’acier, de béton, de pierre. Elles n’ont peur de rien, elles avaleraient des montagnes, et toutes les couleuvres sur leur chemin. Elles savent par cœur les pièges sur leur route, elles reconnaissent d’instinct les situations foireuses. Elles sautent parfois à pieds joints dedans, sciemment, en l’avouant sans honte à leurs camarades. On a besoin de se tromper parfois. On a besoin d’aller au bout de son erreur. Pas de jugement. Les filles reconnaissent leurs propres limites, leurs points faibles, ce qui les fait craquer à tous les coups. Elles se connaissent par cœur. Du coup, elles ont l’impression de connaître les garçons par cœur aussi. A force d’en parler, de décortiquer, de démonter les mécanismes, ils finissent par beaucoup se ressembler, par paraître presque interchangeables. Elles tentent même de les ranger par catégorie, de leur attribuer une étiquette, pour y voir plus clair, pour se faciliter la vie. Enfin, ceux qui ne comptent pas, ceux qui ne font que passer. Les importants, ceux qui marquent, ce sont justement ceux qui échappent aux catégorisations hâtives, qui ne sont ni des briques, ni des connards, ni des flippés du couple, ni des trompeurs, ni des lâches. Ceux qu’on ne peut pas immédiatement affubler d’une tare, et qui du coup semblent presque trop beaux pour être vrais. Ceux qu’on finit par résumer pudiquement d’un « je l’aime bien ». Les autres se réjouissent, les autres applaudissent : ce n’est pas tous les jours qu’on aime bien un garçon.

Un garçon, ou une fille d’ailleurs. Plusieurs filles, plusieurs garçons. La liberté. La liberté de ne pas être jugée, de parler de sexe comme on veut, d’exprimer ce dont on a besoin, d’être sale, d’être crue, d’être honnête. De manifester un énervement partagé et non minimisé, rationnalisé, méprisé. D’être soutenue dans ses revendications, dans ses convictions. Une forme d’adhésion plus automatique qu’avec des garçons souvent, parce qu’il faut leur réexpliquer, leur faire prendre conscience que, leur faire enfiler un peu nos chaussures et marcher avec. Une forme de solidarité du genre, qui n’exclue pas toutes les autres solidarités bien sûr.

J’ai de la chance d’être entourée de tant de femmes remarquables. Entourée au sens large : les amies proches ou moins proches, celles que je vois une fois par an, celles que j’ai tous les jours au bout du texto, celles que je croise sur les réseaux sociaux, celles avec qui je travaille de près ou de loin. Il y a toujours quelque chose que j’admire chez elles. Je suis aussi entourée de garçons formidables que j’admire parfois tout autant. Mais aujourd’hui, j’avais envie de parler des femmes dans ma vie. Et de les remercier de me pousser autant en avant, parfois inconsciemment, parfois à leur insu. Who run my world ? Girls.

Rédigé par Nombre Premier

Publié dans #Féminisme 101

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