Fernando
Publié le 16 Juillet 2015
Je sais pas vous mais moi, quand j’ai des périodes de doute dans la vie, je trouve souvent du réconfort en écoutant Abba. J’ai pris malgré moi cette habitude depuis l’adolescence. Abba, ça marche pour tout. Ta mère te saoûle : Slippin through my fingers. Chagrin d’amour: The winner takes it all. La grosse dalle pendant un célibat (prolongé): Gimme a man after midnight. Des problèmes de thune : Money money money. Et là, récemment, je me suis rendue compte que Fernando marchait plutôt bien en lien avec la fermeture imminente de la boutique et de mon entreprise.
Bon, c’est vrai que Fernando ne parle absolument pas de cesser une activité et par le fait, de renoncer quelque peu à son rêve de ces dernières années. Apparemment, cette chanson parle de deux vétérans qui se rappellent avec nostalgie leur participation à la guerre entre le Texas et le Mexique (source : Wikipedia). Du coup j’occulte un peu les références au combat et aux sons des canons pour me concentrer sur la partie nostalgie. La nostalgie, c’est mon grand point faible, ça l’a toujours été. Je suis nostalgique de tout, de chaque seconde, de chaque micro-instant du passé, de chaque souvenir. Tout est propice à la rêverie, à la contemplation, parfois au regret. J’aurais fait un parfait poète romantique au 19eme siècle, mais que voulez-vous, je suis née trop tard. Alors à la place, je blogue et je raconte ma vie.
I remember long ago another starry night like this. We were young and full of life. There was something in the air tonight, the stars were bright, they were shining for you and me. Ces passages font évidemment référence au début de mon projet, à l’ouverture de la boutique et du site, aux petits matins pleins de promesses à attendre derrière le comptoir dans ma boutique vide. Il ne faut pas non plus travestir le passé et Dieu sait que la première année a été l’une des plus difficiles de ma courte vie. Mais la deuxième fut une jolie montée en puissance, je me suis dit que les choses prenaient tournure, que ça allait marcher, j’étais pleine d’espoir et de confiance en l’avenir. Ensuite, il y a eu tout un tas de choses, un ralentissement général, deux mauvaises saisons d’affilée, des doutes qui grandissent et dans dix jours, on met le point final.
J’aimerais ne pas parler autant de tout ceci sur mon blog, j’aimerais vous faire des posts à base de baise, de considérations diverses et variées sur la vie, les restos japonais, le Picon Bière. Mais ce dont j’ai envie de parler pour le moment, c’est de ça, parce que ça m’occupe l’esprit chaque minute de la journée. Et bien sûr, il y a cette phrase du refrain : Though we never thought that we could lose, there is no regret. If I had to do the same again, I would, my friend. Sauf que je ne sais pas toujours si elle est vraie. Ça n’a aucun sens de se poser la question maintenant, de toutes façons. Mais c’est le propre du regret, il n’est pas toujours logique. Peut-être aurais-je dû continuer. Peut-être aurais-je dû ne jamais commencer. Je me revois en train de préparer mon projet tout en bossant encore chez dans mon ancienne entreprise, et je me demande ce que j’aurais fait si j’avais su la manière dont ça allait se dérouler et se finir. Et puis je pense à tout le reste, tout l’à-côté, les rencontres que j’ai faites, les opportunités que j’ai eues, et je me dis que ça aurait été bête de rater tout ça. Bref, comme d’habitude avec moi, c’est doux amer, en demi-teinte, tortueux et compliqué. C’est la fin d’une étape.
D’ici fin juillet, pas grand-chose à signaler à part ça. J’ai pas mal de choses à faire, de contrats à fermer, de comptes à solder. Je suis là sans vraiment l’être, je me sens un peu spectateur de ma propre vie parfois, je me laisse aller. Du coup je lutte pour revenir au moment présent, pour vivre les choses à fond, réellement, pour revenir à la réalité. C’est une manière de me protéger je pense. Je suis super à jour sur mes sorties ciné, ça me fait du bien et me vide la tête. Magic Mike m’a fait hurler de rire et l’amie avec qui on y allait pour son anniversaire s’en est mise plein les yeux. Dimanche dernier on a fait une rando avec ex-Coloc, c’était une aventure. On est allées se perdre sur le GR1 à Rambouillet. Au début ça allait à peu près, on tenait la route. Et puis à un moment on a perdu le chemin, marche au jugé grâce au GPS approximatif du smartphone. Un pied devant l’autre. Quelques ampoules à l’arrivée mais le plaisir de s’enfoncer parmi les arbres et les fougères, dans la fraîcheur des sous-bois.
Aujourd’hui il fait 36 degrés à Paris. Je ne vais pas tarder à aller rejoindre mon apprentie à la boutique/sauna. En attendant je suis dans mon appart que je vais d’ailleurs bientôt devoir quitter, le proprio souhaitant vendre, eh oui, un bonheur n’arrive jamais seul. Alors j’en profite doublement, je regarde les mouettes dans le ciel, je me prélasse sur mon canapé en regardant à nouveau Casse-tête Chinois. Je me rappelle avoir un peu démoli ce film sur mon blog quand je l’ai vu au cinéma. Je reprochais à ses personnages de ne pas avoir grandi, à l’aube de leur quarantaine. Leur vie en bordel m’énervait, je me disais qu’il fallait vraiment le faire exprès, pour ne pas avoir les choses un peu plus sous contrôle avec dix années de plus que moi. Je suis sans doute plus mesurée maintenant. Parfois, certaines choses échappent à notre contrôle, même dans les vies les plus bien rangées. Ca me terrifie toujours autant, mais j’ai appris à l’accepter.