Confinement, Day 11
Publié le 23 Mars 2020
Quoi de neuf les amis?
Moi pas des masses. Même appart, même chat, même mec, même couvre-lit, même gel douche. Pas beaucoup de paillettes dans ma vie. Mais d'un autre côté, pas de virus non plus, donc c'est cool.
J'ai décidé de faire tous les trucs fous que je n'ose pas faire d'habitude, mais en intérieur bien sûr. Bon évidemment ça limite. Mais j'ai quand même dressé cette liste:
. Me teindre les cheveux en rose vif
. Ne plus jamais mettre de culotte
. Me prendre une méga-cuite à la vodka-Canada Dry
Cette semaine c'est la teinture de cheveux. Le mouvement sans-culotte a déjà commencé. Pour la cuite, je vais attendre samedi soir, symboliquement.
Merci en tous cas à quelques lecteurs assidus qui m'ont envoyé de gentils messages pour célébrer mon réveil d'entre les limbes de l'Internet. Ça fait chaud au cœur en cette période troublée! Cependant, une lectrice, de l'autre côté de la planète, m'en veut énormément: "Tu as dit que tu publierais un article par jour et ça fait déjà cinq jours sans article! Rends l'argent!"
La vérité vraie, c'est que hier je me suis assise dans mon lit pour bloguer, et je me suis rendue compte que je n'avais rien à dire.
Le matin, en ce moment, j'ai un call par Skype pour le boulot à 9 heures. Je me lève donc à 8h55, me laisse choir dans la chaise de bureau en enfilant mon casque de gameuse muni d'un micro, et je me connecte illico à la réunion virtuelle en lançant un "Bonjour" d'une voix pâteuse. Mes collègues sont plus ou moins dans le même état que moi. On est censé être en chômage partiel à hauteur de 10%, mais il paraît qu'il en va de l'avenir de la boîte, donc on joue le jeu. Enfin bon, à 9h30, après avoir échangé moultes inepties et avoir regardé les pigeons s'ébrouer devant ma fenêtre, je raccroche les gants pour la journée. Fuck le chômage partiel, fuck Excel et les roadmaps stratégiques. Qui vivra, verra. Advienne que pourra. Delenda est Carthago. Heu non pardon, mauvais dicton.
Il est donc 9h30 et je n'ai toujours pas petit-déjeuné. Luxe incroyable, je suis en pyjama chez moi un jour de semaine. Honnêtement, je me sens tellement privilégiée de vivre cette période difficile dans ce confort matériel et psychologique. Courage à tous, surtout ceux dans des situations de logement, de cohabitation ou de boulot compliquées.
Je suis donc en pyjama à 9h30 du mat' un mercredi matin, mon chat miaule pour que je lui donne de la pâtée, mon +1 dort dans la pièce à côté (l'autre pièce, en fait. Il n'y en a que deux). Que vais-je faire de tout ce temps? Comment employer au mieux ces heures volées au capitalisme? Je pourrai apprendre l'espagnol. Non, je devrais commencer par faire un peu de sport. Non, attends...
En fait je vais plutôt jouer aux jeux vidéo.
Je joue à ce jeu palpitant en ce moment où je me retrouve maître d’œuvre dans un bled imaginaire, où je gagne ma vie en construisant des bâtiments pour la ville (l'équivalent du conseil municipal ou cantonal, je dirais). Le problème, c'est que je me retrouve aussi à aider gracieusement tous les villageois du coin. Par exemple, Michel, le fermier local, vient me voir en me disant "Oh la Parigo! (j'improvise) J'aimerais bien avoir un système d'irrigation digne de ce nom, vin dieu. Tu peux t'y me faire ça rapido s'teu plaît?"
Moi, comme d'habitude, je cède à la pression sociale et je réponds "Bien sûr Michel, je serai ravie de t'aider!" Alors que je grommelle toute seule dans mon salon que même mon chat a déserté: "Quel con celui-là. Si tu crois que j'ai que ça à foutre!" Ensuite, il faut que j'aille collecter tous les matériaux nécessaires à ce foutu système d'irrigation: du métal, du bois, des vis, des câbles, que sais-je encore (je n'ai jamais été une grande bricoleuse). Comme je sens le stress monter à mesure que ma journée virtuelle avance, je dégomme à coups de hache quelques lamas qui traînent dans le coin (pourquoi des lamas? Mystère. Le jeu est un peu psychédélique au niveau faune et flore).
Au final, j'ai réuni à grand-peine tous les trucs et machins pour Michel, et je me traîne jusqu'à sa ferme, située comme de juste à l'autre bout de la carte virtuelle. Le mec m'attend, tranquillement assis sur les marches de son porche, en fumant sa pipe. Ça va, je te dérange pas Michel? T'as pas trop de boulot? Non, ne bouge pas, je vais installer les arroseurs et la réserve d'eau toute seule, je ne voudrais pas te fatiguer.
Bon, voilà, c'est fini, Michel me file ma maigre rémunération (qui consiste principalement à me refiler un potiron et dix points d'amitié - au secours), et je m'apprête à m'en aller. Et là, Michel me sourit et dit: "En fait, vu que tu as fait un si bon boulot avec l'irrigation, je voulais savoir si tu pouvais m'aider à remettre mon étable en état?"
Nique ta mère, Michel.
Hier, le Grand-Briton est venu s'affaler à côté de moi sur le canapé et m'a regardé jouer pendant une demi-heure. Au bout d'un moment, il m'a dit: "Mais pourquoi tu leur rends service si tu n'as pas envie? Personne ne t'oblige".
Évidemment que personne ne me met un fusil sur la tempe pour que j'aille réparer l'étable de Michel. C'est comme au boulot, quand quelqu'un vient me demander un coup de main avec un fichier Excel ou un mail en anglais, contractuellement rien ne m'oblige à l'aider. Mais j'essaie d'être une bonne personne. J'essaie d'aider mon prochain comme je souhaiterais qu'il m'aide, si la situation était inversée.
Ce qui m'embête le plus, c'est que, tout comme au boulot, la charité ne paie pas toujours. Quand tu ne t'en sors pas trop mal et que tu bosses bien, les gens viennent te demander de l'aide. Comme ce que tu as fait leur a plu, ils reviennent à nouveau te solliciter. Donc au final, bien faire son travail conduit à avoir toujours plus de travail, jusqu'à potentiellement exploser sous la charge. Une seule solution pour se sortir de ce mauvais pas: feindre ponctuellement l'incompétence la plus totale.
"Oh moi j'y connais rien en mise en forme sous Word".
"Je suis pas encore très à l'aise pour sortir les chiffres du marché Asie sur l'outil..."
"Oulala, ça ne me dit rien du tout, la facturation de la TVA au Qatar..." (oui, parfois l'incompétence n'est pas feinte mais réelle).
Donc la prochaine fois que Michel vient me voir pour que je l'aide à planter ses choux-fleurs, j'aiderai mon prochain comme moi-même, à un détail près: avec la nullité la plus totale. Ça devrait le calmer pour un moment.
A demain - ou de manière plus réaliste, à dans deux jours. Promis, on parlera plus de jeu vidéo. Bisous et stay safe x