Confinement, Day 16
Publié le 28 Mars 2020
Merci pour la musique, comme le dit si bien Abba.
Merci pour les livres, pour les séries, pour les films, pour les podcasts, pour l'imaginaire et toutes ces portes vers l'extérieur qui permettent de s'évader un peu des quatre murs. Vu que j'ai le luxe infini d'avoir du temps en cette période de confinement.
Il y aura sans aucun doute un avant et un après pour moi. Personnellement, je vais passer de manière réaliste au moins quatre à six semaines chez moi, libre comme l'air ou presque, avec du temps et de l'énergie pour être créative. Quelle respiration dans ma vie. Quel contraste avec le quotidien. Quel manque de sens quand on sera de retour à la normale.
En attendant, j'ai aussi ce luxe incroyable de m'emmerder un petit peu.
J'ai fait ma teinture de cheveux aujourd'hui: elle n'a absolument rien donné. J'avais choisi un rose pastel au lieu d'un rose vif, et il n'a pas pris sur mes cheveux châtain. Point positif, j'ai fait un super masque à l'huile ensuite et j'ai les plus belles boucles que j'ai jamais eues, avec personne pour en profiter. Enfin si, il y a bien mon +1. Mais bon, on s'est rencontrés depuis bientôt six ans et on vit ensemble depuis quatre ans. On se connaît sous toutes les coutures. C'est très étrange, ce sentiment que le corps de l'autre est devenu une extension du sien. On sait où sont les grains de beauté les plus étranges, là où il y a des poils, des tâches de rousseur, des particularités. On sait qu'il éternue au soleil ou qu'il bouge beaucoup quand il dort. On dit des choses sans y penser comme Tu as besoin d'une coupe de cheveux, non? ou alors Je t'ai pris ton dentifrice spécial gencives sensibles. C'est bien un truc de meuf ça, d'accueillir non seulement une nouvelle personne dans le foyer mais aussi un nouveau corps, une nouvelle machine à huiler et à entretenir. Enfin je dis ça, si ça se trouve ça ne concerne que moi hein. Je ne sais pas pourquoi, il faut toujours que je me sente responsable.
C'est tout le concept de la charge mentale: tu prends sur toi, tu organises tout, tu penses à tout. Dans sa dernière BD, Emma parle aussi de charge émotionnelle. C'est un autre rôle à assumer au sein du foyer : celle qui vérifie que tout le monde va bien, que la journée a été bonne, que personne n'est grognon, qui fait en sorte qu'on regarde le film qui fait plaisir à l'autre ou qui s'assure que ses yaourts préférés sont en stock dans le frigo (framboise). Le care. Pour le coup, c'est vraiment un truc de meuf, lié à l'éducation. Les filles sont encore souvent éduquées pour prendre soin des autres.
Comme dit Emma, c'est génial d'avoir de l'empathie, mais à part s'appeler Mère Thérésa, tu t'attends à ce que l'on t'en manifeste un minimum en retour. J'ai discuté de l'article sur la charge émotionnelle avec le Grand-Britton (le pauvre, s'il savait qu'il est maintenant un sujet de choix pour mes analyses de haute volée. Heureusement, la barrière de la langue me permet de discourir en toute impunité). Balayant d'un revers de la main à la fois le féminisme et la sociologie (d'une manière typiquement masculine), il m'a asséné: En fait, c'est parce qu'on ne parle pas le même langage de l'amour.
Bah tiens. Comme c'est pratique.
J'élabore un peu pour ceux qui ne connaissent pas cette magnifique théorie des cinq langages de l'amour (on se croirait revenu au début de ce blog avec la théorie de la roue et de la brique ou celle du vivier, qui n'a pas pris une ride). Donc ce mec, Gary Chapman (un mec comme par hasard), a écrit un best-seller pour expliquer que si, dans un couple, les deux parties se sentent parfois incomprises et ignorées, c'est simplement parce qu'elles n'expriment pas leur amour de la même manière. C'est comme si l'un disait Je t'aime en chinois alors que l'autre ne parle que turc, et vice et versa.
Dis, Gary, quels sont donc ces cinq langages?
1. Les paroles valorisantes
Des mots d'appréciation et des compliments verbaux, nous dit-on.
Exemple : Mon chéri, ta ratatouille Picard était délicieuse! ou Comme tu es belle dans ton pyjama aujourd'hui (confinement oblige).
2. Les moments de qualité
Il s'agit de passer de bons moments pour se sentir connectés l'un à l'autre. Gary insiste sur le fait qu'il faut donner à l'autre une attention totale, sans être sur son téléphone par exemple. Au restaurant, il faut donc se parler au lieu de lire chacun son livre (cet exemple n'est absolument pas basé sur un fait réel).
Exemples : écouter son ou sa partenaire, se promener à deux, brosser le chat ensemble...
3. Les cadeaux
Sans être un vil matérialiste, on peut aimer les cadeaux qui sont des symboles concrets de l'Amour (avec un grand A, s'il vous plaît). Je précise qu'un collier de pâtes ou une chanson constituent aussi des cadeaux possibles.
Comme le dit Gary, ce qui compte, c'est qu'on ait pensé à l'autre. La nourriture, c'est toujours un bon choix, dans le doute.
4. Les services rendus
Non, on ne parle pas ici des faveurs sexuelles, enfin remarque, pourquoi pas. Il s'agit ici de se mettre au service de l'autre, de faire des trucs utiles pour lui ou agréables, de petites (ou grandes attentions).
Exemples: passer l'aspirateur, sortir les poubelles, faire la vaisselle, prévoir une petite bouillote pour le lit, proposer une tasse de thé... Je précise, sans que l'autre ne réclame.
5. Le toucher physique
Grr! On parle ici évidemment de sexe mais aussi de câlins, de petits bisous dans le cou, de caressage de cheveux, de bras sur les épaules... De tout l'aspect "tactile" de la relation.
Évidemment, chaque individu est sensible à tous les langages, mais certains sont plus importants pour lui. Par exemple, si ton partenaire te montre de l'amour en gardant l'appart nickel et en te rappelant tes rendez-vous médicaux à l'avance, alors que tout ce dont tu rêves, c'est qu'on te fasse des gratouilles dans la nuque, il y a une frustration qui s'installe. Tu es rapidement en manque de gratouilles et tu te sens un peu négligé, alors que l'autre a l'impression d'être pris pour un idiot vu qu'il s'attend à ce que tu récures les toilettes pour lui montrer ton affection. Et arrête de lui gratouiller tout le temps la nuque, c'est désagréable à la fin.
Pour éviter cette incompréhension fondamentale, Gary te conseille d'identifier ton ou tes langages à toi et d'en informer ton partenaire, qui fera de même. Ainsi vous pourrez être mutuellement attentifs aux besoins de l'autre et exprimer votre amour sous des formes que l'autre comprend. C'est beau, n'est ce pas?
Je vous rassure : j'attends toujours qu'il récure les toilettes, et il se désespère que je m'endorme sur le canapé avant la fin du film au lieu de lui faire des gratouilles.
Mais on progresse. Enfin je crois.
On a quatre à six semaines pour y travailler de manière intensive.