Confinement, Day 44
Publié le 25 Avril 2020
Salut mes petits chouchous. Désolée, j’ai un peu trop regardé Le Cercle sur Netflix récemment. On le regarde en français avec le Grand-Briton et je dois dire qu’il fait beaucoup de progrès. Bon évidemment, le problème c’est qu’il parle maintenant comme un Marseillais ou un Chti (pas les vrais, ceux de la télé). Il s’exclame « C’est énorme » ou « Po po po », il me sort des expressions comme « cash pistache », « c’est golri » ou même « je suis con comme un balai » (je ne sais pas trop où il l’a pêchée celle-là), et bien sûr, sa préférée : « C’est Bibi ». Tant que ça le décomplexe vis-à-vis de la langue française, je ne m’alarme pas. Le jour où il m’appelle « frère » et me dit « tes pâtes elles sont toutes pétées », là je me poserais des questions.
Comment ça va vous ? J’espère que vous tenez le coup après ces journées sans fin passées entre quatre murs. Le plus bizarre dans tout ça, c’est qu’on s’habitue en fait. Je ne me pose même plus la question de sortir. Je n’ai pas mis un pied dehors depuis une semaine. Je suis descendue brièvement dans ma cour d’immeuble, mais ma concierge m’a fait peur en me disant qu’il y a des cas de coronavirus dans mon immeuble. Du coup je reste tapie chez moi comme un lapin dans son terrier. J’ouvre grand les fenêtres et je prends un bain de soleil tous les après-midis. J’ai acheté de la vitamine C à la pharmacie histoire d’éviter le scorbut. Je fais de petits exercices tous les matins pour éviter la phlébite à force de rester sans bouger. Ça y est, j’ai trouvé mon équilibre. Dans la droite lignée de la théorie de Darwin, je me suis adaptée à mon environnement et j’y suis maintenant comme un poisson dans l’eau, ou plutôt dans son bocal.
J’essaie de suivre une petite routine que j’ai affichée au mur et qui ressemble à ça :
9h – Lever
(Bon ce matin c’était dix heures, on va pas chipoter).
10h – Formation pendant deux heures
(Ça avance, ça avance. C’est pour la bonne cause, enfin j'espère).
Midi – Préparation du déjeuner et déjeuner
(Ce midi on a mangé des sandwichs fait maison. Qui a dit que préparation voulait dire cuisiner ?)
14h – Boulot/postulations
(Ça dépend des jours, des demandes incessantes de ma chef qui n’a pas l’air de comprendre le concept de chômage partiel, et de ma motivation).
16h – Goûter au soleil en bronzant mes jambes et en regardant de vieilles saisons de Koh Lanta
(Pas grand-chose à ajouter. Meilleur moment de la journée).
17h – Appel à ma mère
(Ça peut prendre plus ou moins longtemps selon les sujets du moment. Aujourd’hui on s’est demandé si on pourrait aller à la plage près de chez mes parents cet été. Je suis un peu contente parce que ma mère commence à comprendre que cet été risque de ne pas être un été normal. Peut-être qu’elle ne pourra pas voir ses petits-enfants, ses amis, peut-être qu’on n’ira pas à la mer ou manger des huîtres quelque part. Elle n’a pas l’air trop déprimée.
A l’inverse, mon papi de 90 ans n’a pas trop compris le concept du confinement. Il a demandé à ma mère (qui habite le même village) : « Quel con ce Roro (ils ont tous des surnoms, lui et ses potes). Il n’est pas venu me voir depuis des jours. » Ce à quoi ma mère a répondu que le confinement etc. Et mon papi de conclure : « Ça l’arrange bien, ce confinement va ! »)
17h30 – Glandouille jusqu’au soir
(Séries, films, jeux vidéo, lecture, tout est bon pour s’occuper. Les sessions Zoom avec les amis ou les coups de téléphone, c’est bien aussi !)
Minuit – Coucher
(Le chat continue de miauler à la mort si on n’est pas sous la couette à minuit tapante. J’ai lu récemment un thread Twitter qui m’a beaucoup fait rire : Le moment où j’ai compris que j’habitais chez mon chat. En tous cas le mien n’apprécie pas du tout qu’on soit confiné chez lui. Il m’en veut d’occuper la meilleure place sur le canapé et de le dégager du lit quand il s’est installé sous la couette, je dis bien dessous. Pardon d’exister).
La routine, c’est important dans mon cas. Ça m’aide à lutter contre l’anxiété, à me raccrocher à du concret et à des bons moments. Évidemment, il y a des jours où c’est un peu plus compliqué. Je me dis qu’on ne va jamais ressortir de ce foutu appart, qu’on ne reverra pas notre famille avant un moment, et que les mois qui viennent vont être très compliqués. Édouard Philippe l’a bien dit : « On ne retrouvera pas notre vie d’avant tout de suite ». C’est un peu le principe d’un cygne noir. Un évènement qui est inattendu, qui bouleverse tout, et qu’on rationalise a posteriori, comme si on avait pu le prévoir (ce qui est peut-être le cas, mais en tous cas il est passé sous les radars). Le coronavirus, le plus beau cygne noir de 2020. C’est moi ou on en voit passer de plus en plus souvent ?
Bon allez, j’arrête les considérations métaphysiques. One day at the time, me dit mon colocataire de confinement. Of course. J’écoute de la musique, je danse dans l’appart, je m’allonge nue au soleil sur mon lit et je me dis que ça pourrait être pire. Qu’on ne peut pas savoir ce que l’avenir nous réserve, et qu’on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Qu’il faut rester positif. Je pense à vous tous, à toutes ces personnes avec qui j’ai des liens d’amitié, ce grand réseau de l’affectif, ces petits points sur une carte du monde, ceux avec qui j’échange tous les jours comme ceux à qui j’écris une fois par an. Portez-vous bien. Prenez soin de vous et de vos proches. Glandez tant que vous voulez. Le travail c’est la santé, ne rien faire c’est la conserver.