Anonymous Glamour drague du geek
Publié le 9 Février 2012
L’article du jour concerne à la fois les magazines féminins et les geeks, l’habituel combo gagnant. Déjà, le Glamour du mois de février est une perle, avec son dossier Génération Anonymous. Si si, vous avez bien lu. En mars dernier, il y avait déjà eu un article C’est quoi le site 4chan ? On y trouvait cette phrase magique : Surfer sur ce forum, c'est à vos risques et périls, sensibles s'abstenir (surtout, ne mettez pas votre nom hein). Si tu es obligé de préciser à tes lecteurs de ne pas révéler leur vraie identité sur 4chan, tu as clairement un problème de ciblage de ton lectorat. Bien sûr que tout le monde peut aller sur 4chan. Mais à mon avis, c’est quand même un image board qui, de par son contenu et son format, demande de maîtriser un minimum les règles de base sur Internet, dont la plus basique : ne jamais donner sa vraie identité sur un forum. Aurélie, Marie, Leïla et les autres, please, ne donnez pas votre adresse aux /b/tards.
Parlons-en, des /b/tards, soit les utilisateurs de 4chan. Description de Glamour : Ces internautes anonymes se définissent néanmoins par quelques grandes lignes communes : ce sont majoritairement des hommes (sauf quand intervient une chanwhore), nerds et sans vie sexuelle très active (du moins en duo). Bref, comble du mauvais goût esthétique et politique, ils peuvent en même temps et sans complexes blaguer sur Hitler et s'attendrir face à un chaton qui dort.
Non mais c’est quoi ça. Est-ce qu’on dit, nous, que la lectrice de Glamour se définit par « quelques grandes lignes communes » : superficielle, fifille et à demi-dépravée (Test : quelle porn-star êtes-vous ?), à demi-coincée (Grillé ! Mon mec mate du porno) ? Non, on ne le dit pas, car ce sont des lieux communs. Critiquer le magazine certes, son lectorat non. Même tarif pour 4chan : par principe, on ne sait rien de ses utilisateurs, donc on n’invente pas des clichés débiles. Quant au fait qu’on peut rire de blagues sur Hitler et trouver mignon un chaton qui dort, je ne vois pas bien pourquoi ce serait mutuellement exclusif. Soit tu es un gros nazi à l’humour pourri, soit tu regardes des photos de chatons endormis toute la journée. Mais tu ne peux pas être un individu de nuances, apparemment.
Certains utilisateurs de 4chan mènent parfois des chasses à l’homme, lorsque quelque chose les révolte. Par exemple, des délinquants juvéniles qui tabassent un chat. Et Glamour de rester sceptique : plutôt que de traquer les pédophiles, ils traquent les méchants garçons qui tapent les chats... Tout un concept. Il y a quelque chose d’autre qui me laisse sceptique : plutôt que d’écrire sur des trucs intelligents et importants genre la paix dans le monde ou la vie après la mort, Glamour choisit de parler de base de teint ivoire doré et de Saint-Valentin. C’est sûr, ce n’est pas le même concept que Le monde des religions, tout comme 4chan n’est pas la Brigade des mœurs. Chacun à sa place, et les moutons seront bien gardés.
Conclusion : 4chan, sorte de cloaque underground, propose un contenu globalement illisible. Le plus intéressant du site, c'est surtout le haut de l'iceberg 4chan, quand les channers débordent du cadre des forums. Ok, donc en gros, je n’ai rien compris au site quand je suis allée y faire un tour, mais j’ai quand même un article à faire, donc je vais plutôt m’attacher à des trucs déjà médiatisés. Petit mot sur Moot, le créateur de 4chan : Le pauvre bougre ne gagne pas d'argent avec son forum, faute d'annonceurs évidemment, et il habite toujours chez sa mère, et cherche du travail... Ah mais c’est faux, Glamour, il y a des annonceurs sur 4chan, il y en a même beaucoup. Que des sites pornos. Ce qui peut se comprendre : pour un business plus traditionnel, faire de la pub sur un site où fleurissent régulièrement références racistes et pédophilie enfantine, c’est risqué. Bon, certes, Moot ne gagne pas assez d’argent pour vivre de 4chan. Mais rester libre, c'est rarement un choix qui paie. Il a d’ailleurs crée Canv.as, la version « propre » et encadrée de 4chan, pour tenter par la suite de la monétiser. Mais forced meme is forced : les channers ne s’y sont pas trompés, et Canv.as n’a rien de l’incroyable créativité de 4chan.
Du coup, je vous passe les détails de l’article sur les Anonymous de ce mois-ci. Déjà parce que je n’ai pas mon magazine sous la main. Et aussi parce que c’est trop triste (ça me donne presque envie de me vomir dessus, comme qui dirait). Eco-shopping, boycott, cyber manifs, on peut tous changer le monde. Engagez-vous ! Et ta mère, elle s’engage ? Sérieusement, tout ceci n’a RIEN à voir avec les Anonymous. Leave the Anons alone. Ils n’ont rien demandé et ne sont ni des modèles, ni des porte-paroles. Ils agissent simplement en fonction de ce qu’ils pensent juste. Ce que tout un chacun devrait faire depuis toujours, idéalement. Ce n’est pas une question de génération, c’est une question d’attitude. Alors si Glamour est inspiré par des militants, des vrais, et que ça lui donne envie d’acheter des légumes bio ou de boycotter Nike, c’est tant mieux. Mais pitié, virez-moi cette Génération Anonymous !
Continuons sur Glamour, qui ce mois-ci se rend doublement coupable de fausse geekerie pour le style, avec ce brillant article : J’ai testé le site de rencontres Geek me more. Un site de rencontres « pour geeks » qui a ouvert depuis peu. Petit chapeau (intro) de l’article : A-t-on une bonne raison de vouloir rencontrer un geek ? Seulement si on en est un ! C'est sur cette cruelle insinuation que le site GeekmeMore propose enfin aux geeks de se rencontrer entre eux. What ? Cette phrase ne veut rien dire, Glamour. Et Attractive people alors : souhaite-t-on rencontrer quelqu’un de beau seulement si on est soi-même beau ? Non, et pourtant ce site n’est réservé qu’aux soi-disant « beaux ». Geekmemore suit la même logique que tous les sites de rencontres, qui essaient de rapprocher les gens selon différents critères : Feujworld, Jdate pour la religion juive par exemple, Attractivepeople pour le physique, Meeticaffinity pour la « personnalité » (je ne sais pas trop ce qu’ils entendent par là), Datedog si vous êtes un chien… Les geeks qui veulent rencontrer des non-geeks peuvent aussi s’inscrire sur Adopte un Mec, ce n’est pas interdit. Là, c’est plus une volonté des deux personnes d’avoir des centres d’intérêt en commun.
Et forcément, c’est là que les ennuis commencent pour notre pauvre Glamour, complètement à côté de la plaque. Geek expérimentée ou geek pour le titre (à tout hasard, on va dire geek pour le titre), dès la création de mon compte, une étape-clef pour la suite s'impose : choisir mon geek profil, en mettant en avant mes dadas respectifs selon une liste bien exhaustive... Bit-lit, cinéma, cosplay, graphisme, GN, jeux de plateau, jeux de rôle, jeux de société, séries TV, toys / figurines... Le ton est donné, pour les rencontres entre geeks, on doit préciser nos activités de nerds, véritable connivence oblige. Oulala, les confusions à tout va, Baleine des Sables, tu ne vas pas être content ! C’est un peu le but en même temps, la « véritable connivence ». Pff.
Les geekettes à faible dose, férues de quelques séries et blogs divers sentiront alors vite un gros décalage face à l'obligation de taper dans Google "GN, "cosplay", "bit-lit" et autres mots mystérieux pour tous ceux qui ont une vie sociale et sortent le dimanche. Non mais le mépris qui suinte de ces mots, c’est incroyable. La fille est tout à fait non-geek et s’inscrit sur un site de rencontres pour geeks, pour ensuite se plaindre qu’ils sont trop geeks. Cherchez l’erreur. Il faut qu’ils se trouvent des vrais sujets, chez Glamour, parce que là, ça sent le manque d’inspiration à plein nez. Et elle avoue avoir tapé « cosplay » dans Google. En plus de sortir le dimanche, cette pseudo-journaliste devrait se cultiver un minimum (et tous les geeks que je connais confirmeront que c’est possible de faire les deux). Ne soulignons même pas que justement, les cosplayers ont généralement une vie sociale intense, entre conventions, réunions de passionnés et blogs à alimenter/commenter. Bref, une geekette avertie en vaut deux : sur GeekmeMore, il y a à la pelle des mecs capables de se déguiser en elfes, de réciter tout les dialogues de Star-Wars (avec les bruitages aussi) et collectionner les figurines japonaises éditées entre 1992 et 1994. Sur Geekmemore, il y a donc des geeks. Quel scoop. Ca c’est du journalisme d’investigation.
Enfin, Glamour termine de créer son compte, avec quelques passions assumées (hihi je kiffe trop Twilight, c’est bien de la bit-lit ça ?), et, puisqu'on est une nana sur un site de rencontre, on met une jolie photo de nous... Oui, ça vaut pour les garçons aussi. Puis on attend. Voir ce qu'il se passe. Et le résultat est bien révélateur : d'abord, plusieurs garçons m'ont contacté pour m'inciter à plus préciser les catégories des passions, mes goûts, ect. Du genre geek des premiers rangs de la classe, ils prennent ça très au sérieux, il faut que je précise exactement quelles séries j'aime, quelle musique j'écoute et quels sont mes Tumblr favoris. Ben disons que l’idée derrière un tel site, c’est de rencontrer des gens qui ont les mêmes centres d’intérêt, voire les mêmes passions que toi. Donc si tu mets juste « séries télé », le monsieur en face n’a aucun moyen de savoir si tu aimes plutôt The Walking Dead ou Gossip Girl (non parce que lui, il kiffe GG). D'autres assument une approche timide par mail, osent les surnoms et comparaisons aux héroïnes de Tolkien, jouent plutôt facilement les romantiques du site de rencontre à base de "kikou toi". Oh non. Il y a des geeks qui approchent des jeunes filles en leur disant « kikou toi ». Comme quoi, il ne faut vraiment entretenir aucune illusion sur l’humanité.
Conclusion de cette immersion en milieu geek : Si l'amour n'est pas dans le pré, il est donc peut-être sur la toile : pour cela, on peut compter sur les connectés de l'ordi pour répondre vite, avec pas mal d'émoticônes et un humour un peu poussiéreux qui laisse parfois à désirer. Merveilleux. Trop de smileys, trop de mots que je ne comprends pas, un humour que je ne comprends sans doute pas non plus, des mecs trop pointilleux et sûrement asociaux de toute façon. Quelque chose me dit que Glamour devrait arrêter de jouer à la fausse geek avec ses lunettes noires carrées, ça ne lui va pas du tout. Mais heureusement, on retient franchement la possibilité de s'informer [il y a des news « geeks » en bas de la page] : au pire, on sait que dans 7500, y'a Ryan Gosling, et c'est déjà pas mal comme trouvaille. Ah, il y avait le mot Ryan Gosling sur la page, Glamour frétille de la culotte, donc Glamour est content. Vivement l'article J’ai testé une séance de l’Assemblée Nationale ou bien J’ai testé les normes financières internationales et les US GAAP, je pense qu'il sera à peu près aussi intéressant à lire du coup.