(Don)King Kong Theory
Publié le 16 Avril 2012
Collègue Blonde m’a abandonnée ce midi pour aller déjeuner en tête à tête avec la fille qui bosse de l’autre côté du couloir. Je crois que j’entretiens vraiment des illusions sur la nature de nos relations. Nous devrions sans doute define the relationship, mais je sens bien qu’elle n’a pas envie de s’engager, alors je préfère me détacher tout doucement. Ma place de BFF au boulot est donc à nouveau vacante, avis aux amateurs !
Sinon, le titre du post, c’est d’abord en référence à l’excellent et bref essai de Virginie Despentes. Un texte qu’elle présente comme féministe, où elle explique sa vision de la femme, du viol, de la prostitution, de la liberté. A lire pour acquiescer ou au contraire pour s’indigner ; il laisse rarement indifférent. Ne serait-ce que pour le début :
J’écris de chez les moches, pour les moches, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf. (…)Pour les hommes qui n’ont pas envie d’être protecteurs, ceux qui voudraient l’être mais ne savent pas s’y prendre, ceux qui ne sont pas ambitieux, ni compétitifs, ni bien membrés. Ceux qui sont craintifs, vulnérables (...) ceux qui ont envie de se faire mettre, ceux qui ne veulent pas qu'on compte sur eux, ceux qui ont peur tout seuls le soir.
Bref, une saine lecture. Mais sinon, The Donkey Kong Theory, c’est surtout la vision de l’amour élaborée par un ami lors du week-end à Amsterdam (je précise que nous n’avions encore rien ingéré ou fumé). J’essaie de résumer de mon mieux. Vous visualisez le jeu Donkey Kong de Nintendo? Vous êtes dans la peau d’un certain Jumpman à salopette rouge dont la fiancée Lady a été kidnappée. Il s’agit d’aller la sauver en gravissant des échelles et en évitant les tonneaux qui vous enverront bouler dans le décor, ainsi que le fameux grand singe.
La théorie de mon pote, appelons-le Pote, c’est de faire une analogie entre les relations amoureuses et le jeu DK. Au début, les niveaux sont simples, il n’y a pas beaucoup de tonneaux, la gratification est quasi-immédiate et modérée car proportionnelle à la facilité. Au fur et à mesure de ta progression dans le jeu, il y a de plus en plus de tonneaux à éviter, c’est de plus en plus difficile d’atteindre le sommet, tu y passes de plus en plus de temps, tu pestes, tu es parfois sous pression. Les tonneaux, ce sont la routine, la jalousie, l’ennui, l’indifférence, la peur de l'engagement, la tentation, la distance et bien plus encore, le tout en vrac et parfois en même temps.
Ca ressemble quand même fortement à l’enfer, ta vision du couple, ai-je dit à Pote alors que nous marchions dans la rue Damrak. Il m’a répondu qu’il était lucide et que c’était comme ça qu’il le vivait. Mais alors, pourquoi vouloir être en couple, si c’est autant de stress que ça ? Ne pourrait-il pas être heureux avec une relation plus « détachée », comme on dit poliment, un bon vieux plan cul ou un FWB ? Non, car j’ai envie de terminer le jeu, me répond-il. L’homme est joueur. Il a envie d’arriver au niveau suivant, de progresser, de relever des défis et au final, il aime être sous pression de temps en temps. L’adrénaline, le sexe, l’impression d’être vivant, le sexe, tout ça quoi.
Donc plus le jeu avance, plus c’est difficile, mais paradoxalement, c’est aussi ça qui fait que tu t’accroches pour réussir. Pour avoir vu un hardcore gamer s’acharner pour la trentième fois sur un monstre de Dark souls ou bien refaire un jeu déjà terminé pour obtenir la « victoire parfaite » (sans mourir une seule fois, par exemple), je dis qu’il ne faut pas sous-estimer l’importance des défis évoqués plus haut. Peut-être sont-ils à l’origine de la motivation des hommes qui œuvrent à la réussite d’une relation amoureuse. Oui, parce qu’il va de soit que c’est du boulot, un couple. Bah si. Non, pas du boulot type tableaux Excel et propals à envoyer pour hier. Mais des efforts quand même. De l’écoute, de la disponibilité, des compromis, de la générosité, des trucs chiants que tu t’obliges à faire, une indépendance parfois mise entre parenthèses. Bref, si tu ne vois pas de changement entre ta vie –et ton état d’esprit- quand tu es in a relationship et quand tu es célibataire, c’est que tu as un plan cul en fait.
Les mecs trouveraient donc l’envie et la force de faire vivre leur couple dans l’excitation de la suite et de la difficulté (et dans le sexe. Valable aussi pour les filles). Parce que c’est cool aussi d’être en couple. C’est un serpent qui se mort la queue : la récompense aux efforts que te demande ton couple, c’est le couple. Les moments à deux, et je ne parle pas que du sexy time. Bon, vous êtes probablement tous allé voir Titanic en 3D récemment, donc pas besoin de vous faire un dessin, vous êtes briefé sur le love. Et les filles alors, qu’est ce qui leur donne la motivation d’essayer que tout se passe bien avec leur bien-aimé, à part le fait d’être en couple ? Je répondrai : le Saint-Graal. La petite amie de Jumpman, Lady. C’est-à-dire les gros lots qui jalonnent ta progression. Bing ! L’emménagement ensemble, validé. Bing ! Le mariage, validé. Bing ! La progéniture, validé, high scores. Bing ! Vieillir ensemble, se regarder avec amour dans le blanc des yeux à quatre-vingt ans passés, les cartes tombent en cascade, you win. Alors que dans Donkey Kong, il n’y a jamais de fin, le jeu recommence simplement avec un niveau de difficulté supérieur. Les filles gardent en tête les objectifs et la victoire finale, les mecs se concentrent plutôt sur le passage au niveau supérieur. Les filles jouent au solitaire et les garçons à DK. Tout s’explique.
Bon, mon cher Pote, je ne sais pas du tout si c’est ça que tu voulais dire. Voilà ce que j’ai compris de ta théorie, entre deux coffee shops et trois vitrines. J’aime bien. Je valide. J’ai encore une question, cependant : dans le cas du solitaire comme dans celui de Donkey Kong, est ce que plus tu joues, plus tu t’améliores, quitte à rester bloquée ou à recommencer quinze fois le même niveau? Je dirais que oui. Jouons, les amis, jouons. On finira bien par gagner une partie.