Glamour Cosmo etc (10)
Publié le 10 Septembre 2012
Haut les cœurs, les amis, c’est lundi et c’est l’heure de la revue de presse féminine du mois d’octobre ! Un lecteur m’a demandé une fois pourquoi je continuais à commenter des lectures aussi clairement débiles au lieu de m’employer à dénoncer des stupidités moins évidentes. Il fut une époque où je ne les ai pas trouvés si débiles que ça, ces magazines, donc j’exorcise. Et le marché du magazine féminin en France aujourd’hui est énorme : chaque exemplaire du magazine Marie-Claire s’est vendu à plus de 430 000 exemplaires en 2010, d’après cet article de Culture Visuelle. Elle atteint les 384 000 exemplaires vendus en 2011, avec près de deux millions de lecteurs. Lire des magazines féminins, ce n’est pas grave, c’est même plutôt marrant parfois, du moment qu’on a du recul et de l’humour. Tour de piste des inepties de ce mois-ci.
Cosmo attaque fort au moment de la rentrée : J’ai trouvé l’amour ! Ca y est, hallelujah, je suis enfin une femme comblée ! Au cas où l’objectif de l’année n’était pas assez clair, vous le voilà rappelé.
Un dossier un peu bateau intitulé La force était en moi, où des femmes expliquent comment elles ont surmonté des épreuves en trouvant en elles une force qu’elles ne se connaissaient pas. Soit. Un roadtrip à Hong Kong sur quatre pages, on sent qu’il y en a qui ont pris des vacances. Un article sur les réseaux sociaux : Stop ou encore ? La grande majorité répond tout de même encore, et de toute façon, impossible de dire stop, mes bons amis, la machine 3.0 est en marche. Il y a un mini-test : De quel côté de l’écran vivez-vous ? J’obtiens le score maximal et la réponse suivante : Vous êtes addict. L’idée d’un week-end sans réseau ni connexion vous angoisse ? Si vous sortiez la tête de votre écran, vous pourriez voir des personnes en 3D… C’est bien aussi. C’est effectivement super cool de boire des coups avec ses potes, Cosmo, mais avec des semaines de quarante heures et des projets perso, j’aimerais que tu m’expliques comment tu fais pour garder le contact sans utiliser les réseaux sociaux.
Le fameux dossier de couverture : Comment j’ai rencontré l’amour. En fait, c’est simplement un recueil de témoignages. Parce que j’ai appris à nager (c’était le prof), grâce à un stage (c’était un mec de l’informatique), parce que mon amie a un frère… Distrayant, mais pas palpitant. Paroles d’hommes : ça, ça m’a touché, avec un chapeau magnifique : Les hommes aussi sont sensibles. Le scoop, dis donc. Moi qui croyais qu’ils avaient une gamme d’émotions proche de celle du poulpe, me voilà rassurée. Enfin, la partie sexe : J’ai bien fait d’être curieuse. Tester de nouvelles choses en essayant de garder l’esprit ouvert mène à de belles découvertes, que ce soit en cuisine ou en sexe. Qu’il y a-t-il donc au menu aujourd’hui, Cosmo ?
Les escarpins aux pieds pendant l’amour.
Les mots crus (avec cette citation mythique : Au lieu de parler, mets-la moi dans la bouche, et ce rappel : non, les mots crus pendant le sexe n’ont rien d’avilissant. Faut-il encore le préciser ?)
Un long baiser profond.
L’histoire sans lendemain (aussi appelée « coup d’un soir »)
L’absence de préliminaires
Les changements de position (avant, la fille ne bougeait donc pas d’un poil pendant l’acte : je restais statique sans chercher à pimenter la chose).
Le baiser après un cunnilingus (elle ne voulait pas sentir « son goût », et puis finalement elle s’est rendue compte que ce n’était pas sale).
La levrette (je vous rappelle qu’on parle d’un article à propos d’expérimentation sexuelle. Or la levrette est la position préférée des Français, d’après cette étude datant de 2012).
Les pornos (la fille se fait « initier » par son mec).
Rappelons qu’il n’y a aucune norme dans le sexe et aucune obligation de performance : si un homme ou une femme n’aime pas la levrette, ce n’est pas grave, chacun son truc. C’est juste dommage que les pratiques présentées comme révolutionnaires dans cet article ouvrent finalement assez peu l’horizon des lectrices/lecteurs, même si ce n’est pas surprenant. Les magazines féminins s’aventurent rarement au-delà d’une sexualité hétérosexuelle très « soft ». Seule originalité : le témoignage de Suzanne, qui dit avoir été réticente au départ à prodiguer une stimulation de la prostate à son compagnon, qui la réclamait à grands cris. Diantre, ça a l’air plutôt cool, so jealous de votre prostate, les mecs.
Et puis ensuite, c’est reparti sur la beauté avec Je fais ce que je veux avec mes cheveux, avec des phrases comme Pastel ou naturel, l’Ombré Hair est une vraie « touche éclat » pour le cheveu et des titres comme Brushing, le nouveau fun. Fun fun fun.
Verdict : lamentable, comme d’habitude. L’année scolaire démarre très mal pour le petit Cosmo, il va falloir penser à se reprendre, et vite.
Passons à Biba, qui, comme Cosmo, vient de découvrir le Tumblr Je suis une vraie fille. Notons au passage les pubs Kookai insupportables, qui montrent des filles toutes minces en train de manger d’un air coupable, avec comme accroche Hungry but chic. Pourquoi faudrait-il choisir ?
Biba pose une question à quatre hommes-témoins : Et si votre femme réussit mieux que vous ? Il faut déjà savoir ce que l’on entend par « réussir » : est-ce qu’on parle d’argent ou d’épanouissement personnel ? Trois d’entre eux pensent d’abord à l’aspect financier de la réussite de leur moitié. Lorsque leurs horaires sont plus flexibles, nos hommes-témoins mettent la main à la pâte, naturellement. L’un d’entre eux est au chômage, donc il fait tourner la maison, mais il ne se considère pas comme un homme au foyer : [il] sort, [il] voit des gens. Un homme au foyer n’est pas prisonnier, jusqu’à preuve du contraire, hein. Au final, aucun n’est foncièrement gêné si sa moitié réussit mieux que lui, à condition que lui-même soit content de sa situation. Mouais.
Ah, la fabuleuse rubrique Nos hommes à la loupe : ce que sa façon de draguer dit de lui. Allez, à vous de jouer : il bat des paupières, multiplie les « J’veux dire » et se ronge les pouces. C’est ? C’est ? Un faux timide, bien sûr ! Tactile, il ose le rire très sonore, et ses jambes ne se croisent jamais (sinon ça fait homo ?) : c’est un macho à l’ancienne. Merci Biba, me voilà mieux armée pour chopper au Pousse-au-Crime. Sinon, le gros dossier, c’est : C’est si bon d’être imparfaite. Ah, parce qu’on peut réussir à être parfaite ? Première nouvelle. Comment ça, un défaut ? Mais non, un atout, un force ! Eh oui, le bonheur d’être imparfaite, c’est de pouvoir le savourer, en profiter (et en rire)… C’est bon les filles, on peut souffler, on a le droit à un défaut, mais un seul par contre. Les femmes aujourd’hui ont une pression incroyable : on les enjoint à « jongler » entre leurs différentes vies, professionnelle, familiale, de couple, personnelle… Un homme, personne ne lui apprend que toute sa vie, il devra concilier. Il veut un bon boulot, une femme qui l’aime, des enfants adorables et des super-loisirs, et personne ne lui dit que ça va être dur de tout mener à bien de front. Alors qu’on apprend à une femme que c’est compliqué de tout avoir. Cf le film avec Sarah Cheval Jessica Parker, I don’t know how she does it. Sachant que les “défauts” évoqués par les filles qui témoignent font frémir: Je ne suis pas la reine de la culotte. J’ai l’air d’une parfaite fashionista, et c’est dessous que ça se gâte. La meuf stresse parce qu’au quotidien, elle ne porte pas de string comme dans les pubs. Mon Dieu. Je jure comme un charretier. Je passe mes dimanches en jogging. J’ai le vernis à ongles efficace. C’est bon les filles, respirez : je vous l’assure, vous n’êtes pas parfaite et on s’en tape, vous êtes très bien comme ça.
Le dossier couple de Biba, c’est : Notre couple va durer toute la vie. De plus en plus de trentenaires veulent s’aimer pour toujours, et c’est bien pour y arriver qu’ils réinventent le couple et la vie à deux. Selon un sondage datant de 2011, 81% des trentenaires espèrent passer leur vie avec la même personne. Pas de révélations incroyables dans l’article : En vivant l’instant présent et en ayant conscience que leur couple n’est pas plus fort que les autres, ces jeunes gens ont plus de chances de tenir. Il ne faut pas vivre dans l’attente du bonheur qui viendrait un fois marié ou avec la naissance des enfants. On ne peut qu’approuver.
Ensuite, on enchaîne sur le dossier « défi » de Biba : Révéler l’agneau qui se cache sous le macho. Eh oui, sous certains machos (pas tous) sommeille un bon gars. Face aux signaux trop virils, on ne détale pas, on secoue plutôt la bête… pour trouver de jolies pépites. Oh là, ça devient compliqué l’amour de nos jours, on est obligé d’aller plus loin que des traits de caractères et un état d’esprit qui nous déplaisent, et de rééduquer complètement un jeune adulte pour vivre avec. Ca me fatigue d’avance, tiens. Jetons tout de même un œil sur le premier type de macho identifié par Biba: le macho par réaction, pur produit d’une éducation soixante-huitarde prodiguée par une mère qui a contrarié sa nature virile en lui offrant à Noël des Barbie et des kits ménagers (bravo Biba de stigmatiser les garçons (nombreux) qui adorent jouer à la dinette ou à la marchande petits). Notre jeune macho tient bon jusqu’à ses 18 ans, devient l’égal de la femme jusqu’à la manucure et à l’épilation du torse. C’est sûr que l’égalité hommes-femmes passe principalement par le fait d'entériner des normes de beauté complètement arbitraires. Bref. Mais ensuite, il pète les plombs et se transforme en horrible macho. Conseil de Biba : l’amadouer en le valorisant. Super. Donc quand un mec est relou, il faut lui faire des compliments pour qu’il se détende et devienne plus facile à vivre. Si seulement les hommes avaient le même type de conseils dans leurs magazines, du genre La fi-fille par réaction : élevée par un couple de lesbiennes suédoises qui lui offraient des GI Joe et des kits de construction à Noël, notre jeune fi-fille tient bon jusqu’à ses 18 ans, devient l’égal de l’homme jusqu’à l’odeur de transpiration et la non-épilation des mollets. Mais ensuite, elle craque et se transforme en terrible fi-fille. Je vais proposer le texte à GQ, tiens.
Le reste de Biba est à l’avenant, avec mention spéciale au dossier sexe qui prend le contrepied de Cosmo : il s’agit de parler de nos tabous sexuels et de dire pourquoi c’est bien qu’ils restent tabous. Bon, mettez-vous d’accord, s’il vous plaît. Verdict : Biba se complet dans une fainéantise et un sexisme des plus inquiétants. Le passage en seconde reste conditionné aux efforts faits sur l'année, mais il s’éloigne d’ores et déjà à tire d’aile. Un conseil : n’attendez pas pour vous secouer les puces.
Mention spéciale à Glamour, ce mois-ci : parmi les inepties habituelles, un dossier sur les nouvelles formes de militantisme féministe, pas trop à côté de la plaque, bravo Glamour ! Et puis un dossier mode d’emploi sur les coups d’un soir et leurs bienfaits. Encore un peu timide et emprunté, mais l’effort est louable. L’année ne démarre pas trop mal, reste à continuer sur cette lancée !