Guide de survie à la vie de bureau
Publié le 9 Novembre 2011
Sur les étagères virtuelles d’Amazon, il y a des guides de survie pour à peu près toutes les situations : Guide de survie en territoire zombie, Manuel de survie des forces spéciales, Guide de survie dans la nature, Guide de survie en milieu urbain… J’avais moi-même tenté de rédiger quatre petits conseils pour survivre à l’apocalypse (je venais de commencer à bosser, j’avais les idées noires). Je vous livre ici une exclusivité : mon Guide de survie à la vie de bureau. Il n'est bien sûr pas exhaustif et je vous invite à le compléter en commentaires!
- Le badge
Sans ton badge, tu es mort. Tu ne peux ni rentrer, ni sortir du bâtiment, et beaucoup plus important : tu ne peux pas déjeuner à la cantine. Veille à ne jamais être en négatif, le monsieur de la caisse n’aime pas trop ça. En plus, c’est déprimant quand tu recharges et que tu es quand même à zéro à cause du découvert. Au moment de prendre un café avec ton équipe, il va falloir jouer au « jeu des badges » : chacun pose sa carte plastifiée à l’envers sur le comptoir, et la dame de la cafétéria en choisit une au hasard. Les badges jaunies ou abîmés sont statistiquement moins souvent désignés que les autres, alors attaque le tien à coups de dissolvant ou de ciseau pour gagner le moins souvent possible. Si tu es tout de même choisi, sois beau joueur et fais un grand sourire, même si tu viens d’offrir le café à vingt personnes.
- La fontaine à eau
Le point d’eau est un emplacement extrêmement stratégique. Tout un chacun y vient s’y désaltérer sans distinction hiérarchique ou amicale. Attention donc à ne pas y raconter ta vie, ou pire, à y critiquer tes collègues. Prévois une ou deux phrases sympas à lâcher au chef pour te faire bien voir. Il y a deux options pour l’eau : à température ou glacée. Même si tu préfères personnellement l’eau fraîche, essaie de mémoriser les petites préférences de tes collègues pour te faire apprécier (cela implique que tu leur aies proposé de leur rapporter un gobelet !) A côté de la fontaine, il y a la machine à café et le distributeur. Ca se complique avec ce dernier. Libre à toi d’acheter le combo Snickers/Coca Zéro à neuf heures du matin, mais on te regardera souvent de travers. Vas-y en heures creuses si tu n’aimes pas faire la conversation ou si tu veux éviter la relou qui achète systématiquement une Pom’pote plutôt qu’une barre Mars. De temps en temps, sois grand seigneur et achète un paquet de M&Ms à partager avec ton service, et tu seras rapidement connu sous le titre de Nombre Premier-la-Généreuse.
- Les toilettes
Point tout aussi épineux que la fontaine à eau, voire plus. Déjà, essaie d’y aller quand il n’y a personne. Cela minimise les risques de face-à-face gênants. Fais attention en ouvrant la porte, pour ne pas assommer celui ou celle qui s’apprête à sortir. Je ne peux pas me prononcer sur les dangers des toilettes hommes, puisque je ne les fréquente pas. Evite juste de jeter un coup d’œil quand quelqu’un entrouvre la porte, tu risquerais de voir ton chef à l’urinoir. Le dilemme toilettes filles/toilette pour handicapés est aisément résolu : ne va jamais dans les toilettes pour handicapés. Certes, la pièce est grande, relativement isolée, tu as de la place pour bouger et tu es tranquille. Mais la pancarte format A3 affichée au dos de la porte qui dit « La balayette n’est pas là par hasard. Prière de s’en servir » te renseigne immédiatement sur les véritables motivations des gens qui choisissent ces toilettes. Alors, à moins que ce soit vraiment plus indiqué, fuis-les, car ta collègue te croisant en train d’en sortir pensera aussitôt que tu n’as pas digéré les flageolets de midi. Bon point cependant pour ces toilettes si tu as besoin d’un raccord maquillage, coiffure ou autre tôt le matin. Attention à ne rien oublier: ça a l’air évidemment, mais on a récemment retrouvé dans les fameuses toilettes pour handicapés le rapport de gestion de septembre, abandonné là par le directeur financier. Sois cordial et poli en toutes circonstances, voire fais un peu la conversation au moment de te laver les mains. Les toilettes sont aussi un lieu d’échange (parfois de fluides, dans le cas d’une office romance : les toilettes pour handicapés sont alors recommandées).
- La photocopieuse
Généralement installée dans une pièce à part, la photocopieuse joue un rôle plus ou moins important selon ta description de poste. Comme j’ai deux imprimantes dans mon open space, j’y vais rarement, mais j’apprécie l’aventure. Ca sent bon le papier chaud et les cartouches d’encre. On peut y discuter en attendant que notre dossier soit dupliqué. Méfiance avec les impressions personnelles : si tu prends ce risque, précipite-toi aussitôt l’impression lancée, pour récupérer le papier avant qu’il ne tombe dans d’autres mains. Parfois ce n’est pas grave (comme ce matin, quand mon collègue m’a rapporté mon itinéraire RATP oublié à la machine), parfois c’est un peu plus gênant. Quand tu décides d’imprimer ton mémoire de soixante pages en quatre exemplaires sur la grosse imprimante couleurs, essaie de viser une heure creuse, pour éviter d’être haï par tout l’étage.
- Le téléphone
Concernant celui de ton bureau, mieux vaut simplement ne pas passer de coups de fil personnels avec (Dieu sait que c’est tentant quand tu as grillé ton forfait). Concernant le perso, décroche dans le couloir plutôt que dans l’open space. Ne passe pas des heures à discuter debout contre un mur, ça fait un peu glandu : si la conversation s’éternise, sors du bâtiment et va te poster dans le coin fumeur. Je déconseille les discussions trop privées, il y a toujours des oreilles qui traînent : abstiens-toi donc de prendre rendez-vous chez l’esthéticienne, d’aider ta petite cousine à faire son DM de maths ou de discuter en détail de ta dernière choppe.
- Les relations professionnelles
Autour de toi, tu as une équipe plus ou moins sympathique de prime abord. Entretenir de bonnes relations avec tout le monde est quand même l’option la plus sûre. Quelques croissants apportés un matin, quelques M&Ms comme dit plus haut, un petit coup de main pas trop relou à l’occasion… Le piège, c’est finalement que tes collègues soient trop sympas. Car ce ne sont pas des amis, seulement des collègues. Evite de leur raconter des choses trop personnelles ou qui pourraient jouer contre toi. Par exemple, j’ai choisi de raconter ma soirée burlesque et la fois où j’ai testé un club échangiste en école de commerce (habillée, je précise), et bien ils ne s’en sont jamais remis et me le ressortent régulièrement. Parler des enfants (s’ils en ont), c’est sans risque, car tout un chacun adore dégoiser sur ses rejetons. Idem pour les travaux dans la maison, les problèmes de transport, les derniers films vus et le sport. A bannir : les relations amoureuses, le sexe, les soirées arrosées, et la famille (ça dépend des fois).
- La cantine
Haut lieu de sociabilité, c’est un environnement à risques. Regarde le menu à l’avance sur l’intranet, ça permet de se préparer à d’éventuelles déconvenues (pieds de porc ? non merci). Le jour du « salad bar de fruits frais » (le mardi donc), remplis ton bol de fruits dès que tu as ton plateau. Comme ça tu peux prendre ton temps, faire le tri entre le pamplemousse et l’ananas dans le saladier… Sache que les grillades et les pizzas prennent toujours un peu de temps à être servies, alors si tu meurs de faim, rabats-toi sur autre chose. En plus des desserts figurant sur l’îlot central, il y a quelques douceurs dans une autre vitrine, qui valent parfois le coup (notamment le délicieux gâteau au yaourt). Tu peux faire chauffer les fondants au chocolat au micro-ondes, c’est meilleur. Au moment de t’asseoir, choisis une table éloignée à la fois de tes supérieurs hiérarchiques directs et des stagiaires. Tu pourras ainsi parler sur les deux groupes à la fois.
- Les jours de la lose
Mais si, tu vois ce que je veux dire. Ceux où tu n’as pas assez dormi, où tu as la gueule de bois, où tu as froid, où tu n’as tout simplement pas envie. Ceux qui te donnent envie de te suicider avec ta perforatrice et de faire avaler sa cravate à ton directeur. Ceux où tes collègues te tapent sur les nerfs, où tu pourrais déchiqueter la stagiaire et te jeter par la fenêtre tellement tu es déprimé. Pas de panique. Ca arrive à tout le monde. La pensée-phare à garder en tête tout au long de la journée : ce jour a une fin. Peu importe ce qui se passe entre-temps ou l’heure à laquelle tu finis, il y a un moment où tu vas ramasser ton badge et ton manteau, prendre la porte et marcher vers ta délivrance. Il faut juste tenir jusque là. Pour ce faire, aide-toi du distributeur : café, Coca, trucs à grignoter. Fais une pause ou deux avec quelqu’un que tu aimes bien (au pire, appelle un ami). Va aux toilettes et somnole cinq minutes sur le siège, pour te ressourcer. Balade-toi sur Internet, essaie de trouver des choses intéressantes à lire, au pire des jeux marrants (sur Addicting Games par exemple). Ne culpabilise pas de ne pas être très efficace : tout le monde a des jours sans. Et dis-toi que demain, ça ira mieux.
Et si ça ne va pas mieux le lendemain… Ouvre un blog ?