La formation de la lose (2)

Publié le 10 Mai 2012

Après toute l'agitation facebookienne de lundi (merci pour vos réactions et vos échanges, c'était cool!), je propose non plus la pomme de la discorde, mais bien le rameau d'olivier de la paix. Finalement, j'aime bien Joss Whedon alias Monsieur Avengers. Joss, je le reconnais, tu sais écrire de meilleurs scénarios que les termites. Je suis allée voir La cabane dans les bois et je m'incline. Du coup, ceux qui ont adoré The Avengers, je ne saurais trop vous conseiller d'aller le voir. Attention cependant, l'idéal est d'avoir l'estomac un peu accroché et d'aimer avoir peur. Une petite culture du cinéma d'horreur est bienvenue, pour profiter de tous les clins d'oeil que Joss Whedon et Drew Goddard adressent au genre. Vous aurez également l'occasion d'y retrouver notre ami Thor le crâne rasé (ce qui lui va beaucoup mieux d'après moi). Impossible de raconter La cabane dans les bois sans tout gâcher, donc je ne dirai rien. Mais la scène des ascenseurs, les enfants, quelle scène!

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Bref. Je préviens d'emblée, d'aucuns (notamment Commentatrice Facebook) vont encore piailler que je raconte ma vie. Désolée, mais j'en ai très envie. C'est la vie, comme disent les Français. Je disais donc. La semaine prochaine, je suis en vacances. Et cette semaine (de trois jours), je suis en formation. Je suis sensée approfondir et maîtriser tout un tas de trucs comptables sous la houlette d'une gentille dame pleine de bonne volonté appelée Béatrice. Hier matin, ça a mal commencé parce que je croyais que ça commençait à neuf heures. Je me suis donc réveillée aux aurores (7h45), je n'ai pas petit-déjeuné pour ne pas être en retard, et au final, quand j'ai poussé la porte de la salle Truc Machin (probablement le nom d'un illustre comptable), il n'y avait personne dedans. Même la prof n'était pas encore là. Penaude, je suis redescendue dans "l'espace détente" du centre de formation à la recherche d'un truc à boulotter. Coup de chance, il y avait des madeleines et des cookies dans des emballages individuels, et des boissons gratuites à volonté. A 9h15, munie d'un second chocolat chaud, je suis retournée jeter un oeil dans la salle. La formatrice Béatrice était arrivée, ainsi qu'un de mes six compagnons d'infortune, pardon, de formation. Béa m'a tendue un dossier épais comme deux dictionnaires qui contenait la liste des participants, de la pub pour d'autres formations, deux "livres de cours" et un "cahier d'exercice" et encore plein de pub pour des formations. Et un stylo-collector, aussi.

J'ai donc pris place aux côtés d'un certain Dominique (on avait tous des petits panneaux avec nos noms, comme le jour de la rentrée). En feuilletant les livrets, un grand découragement m'a saisi. J'ai eu l'impression d'être de retour en TD de compta à l'école de commerce. Du moins, si je me réfère aux descriptions desdits TDs que l'on m'a faites. La journée s'annonçait donc rude. A 9h30, nous étions presque tous au complet: il manquait une dame appelée Sylvie, qui n'est jamais arrivée. Béatrice a quand même dit "Bon, on attend cinq minutes et puis on commence sans elle". C'est là que j'ai compris que la formation démarrait en fait à 9h30. Le fait d'avoir raté une demi-heure de sommeil m'a tellement énervée que je n'ai rien suivi des cinq premières minutes.

Une fois calmée (j'ai bien dû me traiter quarante-six fois de "pauvre nouille" dans ma tête), j'ai écouté un peu ce qui se disait autour de moi. Béatrice avait lancé un tour de table de présentation, que je vous retranscris ici rapido:

-Monsieur 1, quarante ans, responsable comptable d'une société que je ne connais pas. Un peu bronzé. L'air assez gentil.

-Beau gosse: bon alors, tout est relatif. "Beau gosse" signifie ici "le seul individu mâle du groupe de moins de trente-cinq ans, au physique normal". Responsable consolidation dans une boîte que je ne connais pas. Porte une bague à la main gauche, mais elle ne ressemble pas à une alliance. A creuser.

-Copine 1, trente-cinq ans, comptable dans une filiale de Danone. Est venue à la formation avec sa collègue Copine 2. Porte un pantalon et un T-shirt assortis bleu électrique. Pourquoi pas.

-Monsieur 2, quarante-cinq ans, responsable consolidation dans une coopérative normande (?) Des lunettes, un air un peu premier de la classe.

-Nombre Premier, vingt-cinq ans, membre hésitant et lunatique d'un service de consolidation quelconque d'une boîte que tu connais. J'ai annoncé d'emblée la couleur en précisant que "c'était mon premier poste" et que "j'avais une formation d'école de commerce". Sourires de pitié et regards consternés. Béa m'a gentiment répondu: "Mais on ne fait pas vraiment de compta, en école de commerce". Je ne pouvais malheureusement pas la contredire, j'ai eu zéro à la plupart de mes cours.

-Monsieur 3, Dominique donc, cinquante ans, ancien contrôleur de gestion aujourd'hui passé du côté obscur des chiffres: la compta. L'air ni sympa, ni pas sympa.

-Copine 2, trente-cinq ans, comptable au même endroit que Copine 1. Porte un haut en satin rose assez surprenant pour une journée de formation. N'a pas l'air ravie d'être là. Comme ça, on est deux.

Après les présentations, nous attaquons direct le premier livre de cours. Je suis contente, je comprends tout. Jusqu'à la page 3. Tout le monde est très concentré. Béatrice est assez pédagogue. A la pause d'onze heures, je reste assez confiante. A la machine à café, comme de par hasard, je me retrouve à côté du Beau Gosse. Nous commençons à discuter allègrement. Il est Lillois, ça tombe bien, nous pouvons parler de cette belle région qu'est le Nord de la France (qu'est ce qu'on ne ferait pas pour flirter, je vous jure). Il glisse qu'il est à l'hôtel tous les soirs du coup, je m'émoustille et le trouve super direct. Ca doit être son côté nordiste.

Un quart d'heure après, nous retournons dans la salle pour la suite des festivités. C'est tout de suite beaucoup plus relou que la mise en bouche. Mon esprit s'égare dans tout un tas de directions différentes: j'ai faim. J'ai soif. J'aimerais bien être sous ma couette. Avec Beau Gosse, par exemple. Ou encore mieux, avec Thor sans ses cheveux. J'aimerais mieux être au boulot, au moins je pourrai glander sur Internet. Je n'ose pas regarder mon smartphone, Béa a l'oeil partout. Elle nous vante consciencieusement leur "espace Web interactif" où nous pourrons retrouver "des conférences d'environ une heure sur certains points spécifiques des normes IFRS". C'est cela, oui.

Enfin, il est midi, l'heure d'ingurgiter un repas reconstituant. Nous nous installons dans un petit restaurant du quartier. Manque de chance, je suis à l'opposé du Beau Gosse et entourée des trois Monsieur. La conversation est quasi inexistante; Béatrice fait de son mieux pour animer la tablée mais c'est pas gagné. Ca parle seulement boulot, organisation des services comptables de chacun, parcours professionnels... A un moment, Béa dit "C'est très rare, les junior en consolidation, c'est très difficile..." Gros blanc, tout le monde se tourne vers moi qui enfourne gracieusement ma terrine de poisson. Je la joue fort modeste pendant que Béa répète "Oui, on leur met beaucoup de pression, à ces jeunes, c'est très dur". Je me sens illico coupable de traîner autant sur 9gag au boulot. Ca se trouve, quelques bureaux plus loin, il y a un junior en consolidation que l'on fouette jusqu'au sang pour le faire publier ses comptes. Alors que moi, j'ai du moelleux au chocolat à la cantine. Je suis chouchoutée.

Le déjeuner dure moins d'une heure, ce qui n'est pas plus mal vu les silences récurrents. A treize heures, nous sommes de retour devant nos cahiers. Là, c'est vraiment la lutte pour garder les yeux ouverts. Je serai bien incapable de vous dire de quoi Béatrice a parlé, étant donné que j'appliquais la technique bien connue du "Cause toujours, tu m'intéresses": il faut fixer son regard dans la direction vague de la tête de celui qui parle, et hocher la tête de temps à autre en fin de phrase. Ainsi, l'orateur est persuadé que vous êtes suspendu à ses lèvres. Ou alors il pense que vous êtes un peu débile, mais ce n'est pas très grave. A 15h30, nouvelle pause. J'en profite pour taper à nouveau la discute au Beau Gosse. Je lui demande ce qu'il compte faire ce soir (sans arrière-pensée, je vous rassure, je sais être subtile). Il me répond qu'il va aller à Abercrombie sur les Champs pour acheter un T-shirt à sa petite fille. Bah oui, c'est son anniversaire et sa femme lui a suggéré cette idée de cadeau. Ca fait "hahaha, la honte, comme tu t'es trop fait des films!" très fort dans mon cerveau, mais je me remets dignement et rapidement de cette déception. Je pose même des questions sur sa progéniture (il a une deuxième fille. Mais à quel âge s'est-il marié, seize ans? Ca doit être son côté nordiste).

Enfin, nous remontons dans notre salle pour la dernière session de la journée. Je n'ai pas trop réussi à écouter et c'est dommage, car aujourd'hui on fait des cas pratiques sur ce qu'on a vu hier. Je crains le pire. Je regarde en ce moment même mon cahier d'exercice et il y a des choses qui ressemblent à de notes que

1- Je ne me rappelle pas avoir prises.

2-Je n'arrive même pas à relire tellement les lettres sont peu formées. On dirait que quelqu'un (moi) s'est endormi sur la page en écrivant chaque phrase. C'est pathétique.

Le seul truc chouette dans ces formations, c'est qu'on termine à dix-sept heures et qu'il a l'air de faire à peu près beau aujourd'hui. Avec un peu d'imagination, je me croirais presque en vacances. Au pays des comptables, certes, mais en vacances quand même.

Rédigé par Nombre Premier

Publié dans #Vie de bureau

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