Le mythe du trentenaire
Publié le 2 Décembre 2011
Pendant les soirées filles, on se donne des nouvelles les unes des autres. Même de celles que pratiquement personne ne connaît dans l’assemblée. On partage des cas d’école, en fait. Nos connaissances (souvent rendues anonymes) permettent d’illustrer nos propos ou d’alimenter le débat. Chacune commente, donne son avis, et se forge une opinion. C’est le même principe qu’un club de lecture, sauf qu’au lieu de devoir lire le bouquin avant, il suffit juste d’écouter un résumé de la situation avant de participer.
Tout ça pour dire que ça fait plusieurs soirées filles qu’un sujet récurrent revient sur le tapis : le trentenaire. Mardi dernier, nous avons eu l’histoire de X, qui « fréquente » (comme dirait ma grand-mère) un homme de 33 ans depuis quatre mois ; ils vont se marier en février prochain. Après enquête, aucun des deux n’est particulièrement religieux, la jeune fille n’est pas enceinte etc… Elle dit juste « savoir » que c’est « le bon ». Et vice-versa, je suppose.
Puis il y a cette copine qui avoue que, maintenant qu’elle a un boulot et qu’elle est un peu installée, elle aimerait trouver « un mec d’environ trente-cinq ans avec un enfant ». Comme ça, elle est sûre qu’il veut se poser, qu’il est prêt à avoir des enfants et à se marier, et qu’il va s’engager. Le mot magique.
Et il y a encore quelques exemples de couples qui se sont formés récemment entre des filles approchant 25 ans et des mecs un peu ou carrément plus âgé (même si bien sûr, il y a aussi plein de couples du même âge).
Bref, nous nous sommes posé la question. Comment se fait-il que les filles se retrouvent avec des hommes plus âgés ? Hasard, coïncidence ? Sans doute, mais pas seulement. Qu’est ce qui distingue les trentenaires de vingtenaires ? Il y a des évidences : le pouvoir d’achat, la carrière professionnelle… Le mode de vie surtout : les trentenaires vont généralement moins en boîte, font plus de dîners entre amis ou de soirées posées. La pression sociale aussi : trente ans, c’est l’âge moyen du premier bébé en France. Les amis ne viennent plus que par deux, voire par trois ou quatre s’ils se mettent à procréer. Les parents se demandent quand tu te décideras enfin à « te poser », à « te trouver quelqu’un de sérieux ». Au boulot, ça ne parle que week-ends à Casto pour la salle de bain ou promenade au parc avec le petit. Le monde entier s’est trouvé une moitié et toi, tu es encore tout seul. Comme à la soirée « paires » étudiante où ton pote t’avait lâché et tu t’étais senti bien seul, déguisé en sein au milieu de la piste.
Enfin, peut-être qu’en vieillissant, on pense différemment aussi ? Une évolution des mentalités, des envies, comme avaient l’air de dire les sympathiques trentenaires rencontrés à cette soirée. Entre filles, on dit parfois le fond de notre pensée : les hommes ont besoin de plus de temps pour se faire à l’idée que relation sérieuse n’est pas synonyme de corde au cou ou de game over. Qu’en fait, ça peut être cool d’être avec la même personne plusieurs soirs de suite. Bien sûr, tous les mecs ne pensent pas comme ça, et rien ne prouve qu’il y ait vraiment une différence temporelle sur ce sujet-là. Mais ça expliquerait pourquoi une fille qui veut se poser à vingt-cinq ans se retrouve avec un trentenaire, faute de trouver les mêmes aspirations chez ses congénères du même âge.
Le trentenaire serait-il alors le Graal de la fille moderne ? Le mec encore djeuns et prêt à s’engager ? Ca suppose que toute fille de 25 ans veut s’engager, là, maintenant, tout de suite, et à mon avis, c’est faux. Ca veut dire quoi d’ailleurs s’engager ? Se présenter mutuellement à ses amis ? A ses parents ? Faire des projets de vacances ? Vivre ensemble ? Se marier, faire des bébés ? Tout dépend des attentes de chacun, de sa façon de concevoir ses histoires amoureuses. Mon esthéticienne (qui est une fille pleine de sagesse qui joue à Assassin’s Creed et a un lourd passif de Sims-addict) m’a dit un jour : « Ca fait quatre ou cinq mois qu’on est ensemble. Je le harcèle pour qu’on se fiance, mais il prend son temps. Ca va parce que je n’ai que 22 ans, mais si j’en avais 25, je l’aurais déjà quitté depuis longtemps ! » Heu… Comme quoi, certains se voient fiancés au bout de quelques mois et d’autres surtout pas mariés après des années.
Ou alors c’est parce que les vingtenaires ne sont pas rassurants pour les filles qui veulent du sérieux ? Qu’ils leur paraissent trop foufou, trop instables ? L’image d’Epinal souvent vérifiée, c’est que le mec a envie de s’engager etc, il se projette à terme avec femme et enfants, mais pas avant plusieurs années ; d’abord, il veut profiter. La fille, elle, profite moins quand elle est seule : elle cherche quelqu’un avec qui faire des trucs le dimanche, avec qui partager plus de choses, dont elle peut se sentir proche. Vivre seule et s’éclater avec ses amis, ce n’est pas très valorisant pour une fille, ce n’est pas ce que l’on attend d’elle. Dans ces cas-là, on dira qu’elle « sort pour rencontrer quelqu’un », qu’elle « n’arrive pas à trouver quelqu’un », qu’elle « a encore un peu une mentalité d’étudiante ». Alors que concernant un mec, on dira qu’il « s’éclate », qu’il « prend son temps » et qu’il « a bien raison d’en profiter ».Jusqu’à ce qu’il tape la trentaine, et se prenne de plein fouet les commentaires réservés jusque là aux filles.
Bon, tout ceci reste un cliché. Cet article consiste d’ailleurs à discuter de clichés. Toujours est-il que le mec qui a quelques années de plus paraît une option rassurante pour certaines filles, qui espèrent qu’il aura ainsi dépassé le cap de la post-adolescence. D’où cette question : si les hommes trentenaires ont des dates avec des filles de vingt-cinq ans, avec qui sortent les femmes trentenaires encore célibataires ?
Bingo : avec personne (Bridget Jones) ou avec des mecs de vingt-cinq ans (coucou les MILF). Et parfois, avec le Mec par défaut. Mais ça, c'est un autre post!