Le nombre d'or
Publié le 18 Avril 2012
What’s your number? La question rabâchée par les magazines féminins et masculins. Avec combien de personnes as-tu couché ? Il y a même une règle d’or pour décrypter ce que répond votre partenaire. Si c’est un homme, il faut diviser le chiffre annoncé par trois (vantards). Si c’est une femme, il faut multiplier le chiffre par trois (sainte-nitouches). Apparemment, la question est censée arriver assez tôt dans la relation, au point que la réponse ne soit pas anodine. Un nombre trop élevé de conquêtes et vous allez effaroucher votre tendre moitié (qui s’imaginait sans doute vous avoir dépucelé(e), et qui pensait que vous aviez appris à faire des fellations pareilles en vous entraînant sur des bananes. Marche aussi pour les cunnis en s’entraînant sur une moitié d’abricot). Un nombre trop modeste de partenaires et vous passez pour le coincé du coin et la nonne de service. C’est stratégique, on vous dit.
118, dont aucun à casquette. Et je compte bien maintenir cette proportion.
Bon alors, si c’est important que ça, que faut-il donc répondre aux imbéciles qui posent la question et qui ont peur de la réponse ? Oui, parce que le moyen le plus sûr de ne pas se mettre la pression sur le sujet, c’est encore de ne pas demander à savoir. Mais bon, vous regardez gentiment Clerks lovés l’un contre l’autre dans le canapé, et arrive la scène où Veronica demande à Dante avec combien de filles il a couché. Il essaie de noyer le poisson, puis finit par répondre : Douze, en te comptant. Elle le gifle.
Pourquoi tu m’as giflé ?, demande-t-il fort à propos. Parce que tu es un porc, répond la Véronica. Moi je n’ai couché qu’avec trois mecs, en te comptant. Et elle nomme les deux autres heureux élus.
Eh voilà. Fallait pas demander. Et à mon tour, fallait pas reposer la question devant le film à mon co-regardant. Dieu sait que je me foutais de son nombre à lui, mais j’avais peur de passer pour une démunie du sexe, qu’il rigole de mon humble chiffre drapé dans toute sa décence. Pour info, en 2006, les femmes déclaraient une moyenne de 4,4 partenaires (contre 1,8 dans les années 1970), et les hommes une moyenne de 11,6 partenaires (comme dans les années 1970). Attention, ceci correspond aux déclarations, pas à la réalité (Messieurs, suivez mon regard).
Bref. Ensuite, dans Clerks toujours, Veronica tape la bise à un mec qui entre dans la supérette de Dante. Elle informe ensuite son bien-aimé que ce William serait adepte du snowballing, une technique liée à la fellation que je ne peux vraiment pas expliciter ici (parce que je suis au bureau. Et parce que je pense que certains d’entre vous n’ont pas envie de savoir). Dante suppose qu’elle est au courant de ce détail parce qu’une de leurs amies est sortie avec William. Pas du tout, corrige Veronica : je le sais parce que je l’ai sucé.
Ah. Ca t’en bouche un coin, ça, Dante.
Du coup, panique à bord : Veronica n’a pas mentionné le nom de ce type plus tôt, quand elle détaillait la (courte) liste de ses trois partenaires. Pourquoi ? Réponse de la jeune fille: We didn’t have sex, we went out a few times and we fooled around. Logiquement, Dante renvoie la balle et demande le nombre de mecs avec qui elle s’est « amusée ». Pas de bol, Veronica ne pratique pas les divisions stratégiques recommandées par Cosmo et annonce le chiffre réel : 37. Autant dire que ça lui fait tout bizarre.
Your score doesn't qualify you for the next level. Game over.
C’est vrai que dans l’imaginaire collectif, et également dans les statistiques, c’est la femme qui a le moins de partenaires sexuels. Elle est à la recherche de relations longues, et elle n’a pas de période « chasseresse qui veut profiter ». Mais même si elle ne couche pas autant, elle ne s’en amuse pas moins. C’est l’éternel débat du degré d’intimité des actes sexuels. Concernant la fellation, il y a deux écoles : certaines trouvent ça plus intime qu’un vrai rapport sexuel, d’autres non. J’aurais personnellement tendance à trouver ça moins intime. Il n’y a pas de pénétration, donc pas d’abandon de la fille, pas besoin de faire confiance, et pas non plus de risque de ressentir de la douleur (sauf si c’est forcé bien sûr). Finalement, celui ou celle qui pratique la fellation, c’est celui qui contrôle. Et c’est l’autre, qui le laisse manipuler son délicat organe, qui se met en danger et qui fait confiance. En tous cas, c’est ma vision des choses. Après en avoir parlé avec plusieurs amies, un schéma alternatif a émergé, dans le cadre du couple. Bon nombre de filles m’ont ainsi dit qu’au début d’une histoire « sérieuse » (à l’inverse du coup d’un soir ou du plan cul), il ne faut pas pratiquer. Il faut frustrer le mec pour faire monter son excitation. Comme ça, au bout de trois semaines (à la louche, hein, ce n’est pas une science exacte), il n’en peut plus et il est super-reconnaissant que tu te lances enfin. Genre, il t’apporte un verre d’eau après, ou les croissants le lendemain, tu vois. Trop cool. Je n’ai jamais mis en pratique cette intéressante stratégie parce que j’y vois un problème de taille : sans pipe, pas de cunni. Ainsi va la vie, leçon numéro 1.
Le souci, c’est toujours cette question de degré d’intimité. De nombreuses filles interrogées ont répondu qu’elles laissent rarement un coup d’un soir leur faire un cunnilingus, car c’est trop intime; il faut qu’elles connaissent mieux le garçon et qu’elles soient plus en confiance. Au point que certaines d’entre elles rattrapent parfois in extremis le malheureux enthousiaste en lui signifiant que « non, je n’aime pas trop trop ça ». Dans cette optique-là, effectivement, pas de difficulté à faire mariner le jeune homme pendant un bon mois. Sans tenir un grand livre de comptes, il y a quand même une règle non-dite du sexe oral : plus ou moins donnant-donnant –on n’est pas à une ou deux pipes près, hein. Il faut accepter de donner un peu de sa personne pour recevoir beaucoup en retour (on dirait une pub du Secours Catholique). Rien de pire, par contre, que celui ou celle qui prend l’initiative dans la seule optique qu’on lui rende la pareille. C’est sournois et calculateur, à l’opposé de ce qui constitue une bonne partie de jambes en l’air. Tu y vas parce que tu as envie, là maintenant. L’autre te rendra plus tard, un autre jour, peu importe. C’est comme l’histoire de la vie dans le Roi Lion : un cycle éternel (qu’un enfant béni rend immortel… Heu non, pardon).
Du coup, chacun son échelle de l’intimité ; il s’agit de s’adapter à celle de l’autre pour que ça se passe en douceur. Et pourquoi pas segmenter le décompte en fonction des pratiques, pour que les statistiques reflètent le plus possible la réalité. D’où l’utilité de l’échelle de la choppe mise au point à Lille, dont je m’empresse de vous livrer ici les secrets :
Choppe : on s’embrasse.
Petite middle choppe : on se tripote (par-dessus les vêtements).
Middle choppe : on se tripote (en-dessous des vêtements).
Grosse middle choppe : on s’embrasse (en-dessous des vêtements).
Choppe jusqu’au bout : on fait du sexe, jusqu’au bout donc.
Sur ce, je vous laisse, je dois retravailler ma statistique personnelle. Et oui, c'est un nombre premier.