Les beaux gosses
Publié le 24 Octobre 2011
Au boulot. Les beaux gosses au boulot. Mais si, vous en avez forcément un ou plusieurs. Si ce n’est pas le cas, changez de boîte. Le beau gosse (ou la belle gosse) est un peu le drapeau vert de la vie corporate : s’il est là, bien visible, c’est bon, vous pouvez aller vous baigner dans cette entreprise, même si le poste est pourri et le salaire misérable, il y aura quelque chose de beau à regarder pour passer le temps.
Dans ma boîte, je n’en ai qu’un, de sexe masculin. Il y a pléthore d’individus pas trop mal de leurs personnes, mais un seul beau gosse. Car le BG n’est pas juste un physique. Bon, certes, c’est d’abord un physique. Un grand physique plein de yeux bleus et de carrure d’épaule et… Je m’égare. La bogossitude, comme dirait le grand philosophe Michael Vendetta, c’est surtout une attitude. (Pour les fans, Michael fait un come back sur NJR12 sous peu. Ne me remerciez pas pour cette info, c’est cadeau.)
L’attitude du ou de la BG, c’est toujours la même. Tête bien droite. Air sûr de lui. Sourire Colgate, mais avec parcimonie, pour ne pas que l’on s’habitue et aussi parce que le BG a le droit de faire la gueule. Il a le droit de faire plein de trucs que moi, vulgaire meuf lambda, ne m’autorise pas à faire : des blagues pas très drôles ou un peu méchantes, piquer des bonbons chez les uns, demander des chewing gums ou des clopes à tout le monde sans vergogne, demander sans arrêt des fichiers ou des documents « super urgents »… Et ça marche. Les gens sourient. Les gens rient d’une voix haut perchée. Les filles touchent leurs cheveux et les mecs rougissent un peu.
Moi, quand je pique des biscuits dans le service d’en face ou que je raconte la blague du têtard (ne me dîtes pas que vous ne la connaissez pas), les gens me crient d’arrêter de leur piquer des cigarettes russes ou se regardent d’un air embarrassé.
Le beau gosse, lui, a la vie facile. Il se promène partout d’un air de propriétaire. Les stagiaires baissent les yeux dans les couloirs quand elles le croisent, intimidées par son aura. Et peu importe son boulot : dans mon cas, le BG bosse aux normes comptables, une discipline particulièrement aride et rébarbative. Et pourtant tout le monde l’écoute quand il prend la parole en réunion (même si personne ne comprend ce qu’il dit).
Il faut dire que, depuis son plus jeune âge, le beau gosse a l’habitude d’être entouré d’une foule d’êtres bienveillants (et non d’enfants cruels, d’ados sadiques et de collègues sournois). Du coup, il n’a pas peur de prendre la parole en public. Pas peur de dire ce qu’il pense. Pas peur de faire des trucs qui sortent de l’ordinaire. Bref, le beau gosse est fondamentalement libre, et c’est ça qui le rend si séduisant. La bonne nouvelle, c’est qu’on peut tous devenir des beaux gosses : il suffit de se comporter comme si on en était déjà un. Afficher une confiance en soi et un optimisme à toute épreuve. Ne pas se poser trop de questions. Et penser à son prochain comme à un ami en puissance.
Sur ces phrases pleines de sagesse, je vous laisse, il y a quelque chose que je dois me faire expliquer au sujet des normes comptables, c’est assez urgent.