Les clients de la semaine (1)

Publié le 14 Février 2013

Bonne Saint-Valentin à tous, beaucoup de cœurs, de nœuds, de roses et de petits anges ! Comme je travaille désormais dans le domaine de la lingerie, aujourd’hui est un jour particulièrement important pour moi. Le fait que je n’ai vendu qu’une nuisette (rouge) depuis ce matin n’entache en rien mon enthousiasme. La Saint-Valentin, c’est trop top, c’est le jour parfait pour craquer sur un bustier en satin, un string à volants ou une huile de massage aphrodisiaque (le tout disponible où vous savez). J’en profite pour inaugurer ici une nouvelle série récurrente de ce blog de plus en plus affriolant : Les clients de la semaine.

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Les clients de la semaine, c’est tout simplement une chronique hebdomadaire de mes clients les plus relous/étranges/émouvants/flippants/insupportables. Le contact clientèle, c’est tout nouveau pour moi. Avant, mes interlocuteurs étaient des comptables en filiale et des financiers au siège, avec lesquels mes interactions se limitaient à poser une question incongrue et à écouter une réponse absconse. Là, je suis au contact de vrais gens, avec lesquels je débats de problématiques plus intimes. Fin de l’intro, place au classement des derniers jours :

- La meuf qui ne sait pas ce qu’elle veut

Elle entre, elle regarde autour d’elle d’un air craintif et puis elle ne bouge plus. Poliment, je m’approche : Je peux vous aider ? Elle prend un air embêté et sournois à la fois, et lâche Je ne sais pas ce que je veux. Pas de souci, on fait un petit tour du magasin (qui doit faire 30m2, donc c’est rapide), je lui montre un peu les produits. Nous revenons au point de départ, et forcément, j’attends une quelconque réaction. Là, elle re-regarde autour d’elle et dit dans un soupir : Je suis embêtante, mais je ne sais toujours pas ce que je veux. Bon ma grande, je te laisse regarder, j’ai des soutien-gorges à étiqueter.

Dix minutes plus tard, la voilà qui s’approche timidement de mon comptoir. Vous avez vu quelque chose qui vous plaît ? Moui. Ca, peut-être. Mais pas sûr. Ca, elle sait pas. Et puis la phrase déclic : Ce bustier rouge vif, je n’ose pas l’essayer, mais il est tellement beau… Donc elle cherche quelque chose d’un peu va va voom. Je propose qu’elle l’essaie quand même, qu’est-ce que ça coûte ? La voilà partie en cabine. Cinq minutes plus tard, elle m’appelle : Vous en pensez quoi ? Elle a des yeux angoissés, elle flippe, elle se tient toute voûtée en essayant à moitié de se cacher, elle a l’air aussi à l’aise que si elle était à poil devant toute sa classe de 3eme. Le bustier lui va bien, objectivement. Mais je lui dis : Ne l’achetez pas, vous allez le laisser au fond d’un placard sans jamais oser le mettre. Elle soupire, soulagée que je ne l’oblige pas à acheter ça. Sans oser me regarder dans les yeux, elle murmure : Vous vous doutez que je n’achète pas ce genre de choses que pour moi… ? Bah oui, j’imagine que ce n’est pas une tenue pour regarder la télé. Elle se contemple dans la glace : Moi d’habitude, je suis plus pyjama en cotton, vous voyez… Je vois. Je reviens avec une babydoll noire et rose plus longue, moins transparente, qui maintient mieux. Révélation. Elle se sourit. Elle se tourne vers moi : Vous aussi, vous préférez ? Je préfère. Dernière hésitation : Est-ce que je peux payer en deux fois ? Normalement non, mais c’est pour la bonne cause. Elle repart contente. Je ne peux pas m’empêcher de l’imaginer enfiler ça ce soir, entrer dans la chambre, le sourire de son mari, elle qui se sent belle, une partie de jambes en l’air sympa derrière, plus de confiance en elle. Ou pas, j’en sais rien en fait. J’aimerais bien qu’elle me fasse un retour produit.

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- Le mec qui se sent obligé d’acheter un truc pour la Saint-Valentin

Il entre tout seul, un peu gêné, puis reste planté là. Je m’approche. Il me dit chercher un string noir à volants en 44/46. Diantre, c’est précis. Je l’oriente vers l’étagère ad hoc, nous regardons ensemble : point de string tel que sus-décrit. Il y en a bien un, mais il est blanc. Il me dit Ah mince, je croyais avoir vu sur le site, je me suis trompé. Nous cherchons une alternative. String transparent à plumetis ? Non. Culotte transparente à volants ? Non. String à volants à l’entrejambe ouverte ? Non plus, ça va pas passer, qu’il me dit. Nuisette en satin ? Non. Shorty volants rouge ? Non. J’ai l’impression d’être face à Tardar.

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Je finis par l’abandonner à ses recherches, le temps qu’il réfléchisse dans son coin. Enfin, il s’approche de la caisse : Je vais prendre ça. Il me temps une culotte noire à volants limite à contre-cœur, parce qu’il faut vraiment prendre quelque chose. Je l’emballe avec moult plumes etc. Ce n’est qu’une fois qu’il est dehors que je me rends compte que j’ai oublié d’enlever le prix et d’ajouter une carte cadeau. Too bad.

- Le mec tellement trop flippant

Il est dix-neuf heures, je me réjouis à l’idée de fermer dans une demi-heure, quand soudain il pousse la porte. Un peu vieux, un peu voûté, avec une légère odeur de cigarette. Il me dit qu’il a une patiente qui a des problèmes de cellulite et que visiblement, ici, elle pourra trouver sa taille. Je commence à avoir l’habitude des gens qui s’adressent à moi comme si j’avais la moindre idée de quoi ils parlent, donc je me contente de hocher la tête, pleine de bienveillance. Le monsieur m’explique qu’il pratique des massages drainants, circulation sanguine, couche profonde de cellulite, blabla. Il dit qu’il s’inspire de la méthode Machinchose, mais si, vous connaissez forcément ? Non ? Vous pourriez pourtant la recommander à vos clientes. Je lui réponds poliment : Je m’occupe de la séduction et du bien-être, pas du médical. Ca ne l’empêche pas de me détailler sa méthode pendant que je fais semblant de ranger des trucs. Puis il commence à tout regarder : Sympa, cette nuisette. Il est beau, ce corset. Et là, patatras, il tombe sur l’étagère à « objets coquins ». Ah c’est bien ça, ah c’est sympa ça. Un peu BDSM non ? Je continue à ranger furieusement des trucs à l’autre bout de la pièce. Il m’explique qu’à une époque, il prodiguait ses fameux massages dans une boîte libertine SM du premier arrondissement. Je commence à trouver ça chelou.

C’est là qu’il sort un paquet de cartes de visites de sa poche pour que je les donne à mes clientes. Dîtes-leur bien que le massage est gratuit. Malgré moi, je suis surprise : gratuit ? Oui, me répond-il. En fait, j’écris un livre sur le tantrisme, alors je leur demande juste dix minutes de leur temps après la séance pour me livrer leur compte-rendu. D’ailleurs, on pourrait organiser une animation sur ce thème dans votre boutique ? Oulà non merci. Il part en m’expliquant qu’une de ses techniques consiste à masser la patiente sous la douche ( ?), puis à lui caresser le corps avec une plume de paon (achetée dans une petite boutique de Pigalle, pas cher, cinq euros la plume). Il me lance en refermant la porte : Je repasserai ! Damnit, je suis coincée. Il sait où me trouver. J’ai peur.

- Les danseuses burlesques

Deux chouettes filles, celles-là ! Elles sont venues à trois jours d’intervalle se constituer une tenue pour leur spectacle de ce week-end. Elles sont restées chacune une heure dans la boutique, on a bien papoté, on a lacé du serre-taille et du corset, j’ai attaché les bas nylon aux fixations en acier (c’était dur), on a discuté porte-jarretelles, culotte taille haute et effeuillage, bref, c’était cool. A la fin, on se tutoyait et elles m’ont invitée à aller voir le spectacle. M’est avis que je n’aurais pas trop de mal à trouver des volontaires pour m’accompagner.

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Allez, bonne soirée love ou pas à chacun d’entre vous. De mon côté, j’attends de pied ferme huit jeunes femmes pour une soirée spéciale à la boutique. Il y a de la démo de sex-toys dans l’air.

 

Rédigé par Nombre Premier

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