Les clients de la semaine (3)
Publié le 22 Mars 2013
It’s Friday, Friday ! Je me repasse de vieux memes en boucle vu que Nabilla et son Allô commencent à devenir old. Bref, c’est vendredi, c’est joie et compagnie. Fin d’une semaine assez intéressante pour moi, beaucoup de projets en préparation (vide dressing de blogueuses, shooting maillots et j’en passe). Et aussi, j’ai eu une fuite d’eau cette nuit, au sens propre (ce blog n’est pas sale). Ma salle de bain coulait depuis le plafond de mon voisin d’en-dessous. Du coup, la gardienne et le plombier ont sonné chez moi ce matin juste avant mon départ. Coup de bol, heureusement que j’avais rangé l’appart hier soir, sinon j’aurais eu beaucoup trop honte de leur montrer ma salle de bains. Là ça va, il y avait juste des fringues un peu partout et de la vaisselle pas faite, comme dans tout appart en fin de semaine avant le ménage du week-end. Je veux dire, tout le monde a des œufs périmés depuis deux mois dans son frigo et des gobelets en plastique de réserve au cas où il n’y ait plus de verres propres. Non ? Ah bon. Je ne veux pas le savoir, laissez-moi mes illusions.
Bref, il est temps de passer au cœur du sujet de cet article : les gens. People of Paris, tous ces gens qui viennent me voir, me dire bonjour et me faire chier, mais que j’aime bien quand même. Go !
Le danseur fou
Hier soir, il devait être environ 18h30. Levant la tête de mon fichier de stock (ou plus vraisemblablement de Facebook), je m’aperçois que trois mecs en survêt se sont calés devant la porte de la boutique. Pas devant la vitrine, mais bien devant la porte, de façon à ce que personne ne puisse rentrer. J’ai pas trop trop envie d’y aller, mais il faut bien faire quelque chose. Du coup, je m’avance, j’ouvre la porte. Bonsoir, pourriez-vous s’il vous plaît vous décaler un peu pour ne pas bloquer la porte ? Merci. Les trois mecs émettent des grognements et finissent par se pousser sur le côté. Deux minutes plus tard, je lève à nouveau la tête : ils ont poussé leurs sacs sur le côté mais se sont replantés devant la porte. Je repars à l’assaut : Bonsoir, excusez-moi mais est-ce que vous pourriez vous décaler s’il vous plaît ? Un des mecs me répond : Mais pour quoi faire, on gêne pas là ! Je lui réponds qu’il bloque le passage et que bon, trois mecs plantés devant une boutique de lingerie pour femmes, ce n’est pas très bon pour le commerce. Je m’apprête à refermer la porte quand l’un des mecs me dit : Ah, nous, tout ce qu’il nous faut, c’est un sourire comme le vôtre, avec votre petite jupe ! C’est ça qui rend les hommes heureux ! Ben moi, ce qui me rend heureuse, c’est quand ma porte est dégagée, gros nul.
Je pense en avoir fini avec eux, quand deux minutes plus tard, je m’aperçois que le philosophe des genres s’est replanté devant ma porte. Depuis ma caisse, je pousse toute seule une gueulante : Putain mais c’est pas possible, mais quel relou ! Et là, il se retourne. Oui, j’avais oublié qu’on entend tout depuis la rue en fait. Du coup, il me fait un signe Désolé ! Je lui fais aussi un signe Désolée ! Et là, patatras : il entre dans la boutique. Oh boy. Je me prépare à un déferlement de relouterie.
Bon, je suis désolé hein, mais je suis obligé de rentrer chez vous… Ah la lingerie ! Tu t’appelles comment Mademoiselle ? Moi c’est Sacramento. Tu es portugaise ? Non ? Brésilienne alors ? Moi je suis brésilien et prof de zumba, tu connais la zumba ? Tu danses en minishort, un petit T-shirt, c’est chaud quoi ! C’est quoi ton signe astrologique ? Vierge ? Moi je suis Taureau. Ah ça m’étonne pas que tu sois Vierge, tu es arrivée direct comme ça, vous pouvez bouger et tout, tu n’as pas hésité à y aller, c’est bien ça ! C’est du caractère ! Il m’attrape le poignet en me regardant dans les yeux. Et ton copain, il s’occupe bien de toi ? Oui ? Bon, tu lui diras qu’il en a de la chance hein. Je suis sauvée par son pote qui lui fait signe que le cours de chaleur-chaleur-en-mini-short va commencer. Mon nouvel ami Sacramento se dirige vers la porte avec un grand au revoir de la main. A jamais, zumba boy.
La régulière
C’est une dame d’un certain âge, toujours habillée de couleurs vives. La semaine dernière, et cette semaine, elle est entrée dans la boutique et a attrapé le premier truc qui lui venait sous la main. C’est combien ça ? Je réponds poliment. Elle repose l’objet en soupirant : Pff… C’est cher. Et elle s’en va. La première fois, j’ai un peu argumenté. La deuxième, j’ai juste acquiescé : Eh oui, c’est cher.
J’imagine qu’elle va revenir la semaine prochaine du coup.
Au feu les pompiers
Il est 19h25 et je suis en train de plier boutique, à nouveau au sens propre. Un monsieur entre dans la boutique et je me dis Ah, le client pas de chance, celui qui vient cinq minutes avant que tu fermes et qui va immanquablement être un gros relou. Le monsieur me tend une carte de visite, se présente : il travaille pour une société d’extincteurs. Ok. Vous avez un extincteur, vous ? Ah non. Normalement il vous en faut deux hein, c’est la loi. Il ouvre un porte-vues et me montre l’extrait du texte de loi qui stipule bien qu’il faudrait installer deux extincteurs. C’est 208 euros avec la pose, et je vous le répète, c’est absolument nécessaire. S’il y a un contrôle, vous allez le payer très cher ! Oui enfin là il est 19h30 et je ferme, comme je le lui annonce gentiment. Il prend un air vexé : Ah bon ? Vous ne fermez pas à vingt heures comme le magasin d’en face ? Eh non. Bon, je vous rappelle en fin de semaine alors. C’est ça.
Fin de semaine, il rappelle en numéro masqué. J’ai failli ne pas répondre (rapport à mon ami David, qui n’a pas rappelé depuis dix bons jours, heureusement). Il se présente. Je lui réponds que je n’ai pas du tout eu le temps de m’en occuper (et par ça, j’entends vérifier la véracité de ce qu’il affirme, à savoir que les extincteurs sont obligatoires). Il me dit Ah bon, vous n’êtes pas intéressée alors ? Il faudrait savoir, c’est la loi ou c’est en option ? J’arrive enfin à m’en débarrasser. Si quelqu’un est expert en réglementation des extincteurs, les avis sont bienvenus.
La boulette
La première fois, elle vient avec une jeune fille d’une vingtaine d’années. Elle-même en a quarante-cinq. Je suppose donc qu’elles sont mères et filles. Quelques jours plus tard, la dame revient seule, pour essayer. Pas de chance, elle fait du 90F, une taille que je fais assez peu, dans laquelle j’ai déjà beaucoup vendue. On se lance tout de même dans l’essayage de plusieurs modèles. Pour discuter (oui, maintenant je suis le genre de personne qui discute, qui papote et qui fait la conversation. J’en ai presque envie de vomir). Bref, je lui demande Vous n’êtes pas venue avec votre fille aujourd’hui ? Et là, elle me répond : Ah, mais c’est pas ma fille, Sabrina. C’est la fille de mon compagnon. Ah ok, au temps pour moi.
Et puis, elle enchaîne : Oui, depuis que Françoise est morte, c’est vrai que je m’occupe beaucoup d’elle. Elle avait l’habitude de faire du shopping avec sa maman, alors maintenant c’est moi qui le fais avec elle. Je crois que ça lui fait du bien. Je suis hyper embarrassée de ma petite gaffe, ça m’apprendra à converser à tout va. Pendant cinq minutes, nous parlons encore de cette chère Françoise, et puis le verdict tombe : aucun soutien-gorge ne va, elle repassera. Fort bien. Et cette fois, je saurai à quoi m’en tenir concernant Sabrina.
Une femme pressée
Il est quinze heures, un jour de semaine. Autant dire une heure plutôt creuse. Je vois une voiture qui s’arrête devant la boutique. Sachant que c’est une rue piétonne, le passage est toléré, mais on ne peut pas se garer. Pourtant la voiture stationne. Une vielle dame en sort et entre dans la boutique. Pendant ce temps, un vieux monsieur en costume blanc quitte la place du conducteur et allume une cigarette.
La vieille dame se jette littéralement sur moi : Bonjour jeune fille, ah dîtes donc, c’est pas facile de vous trouver en voiture, on est passé deux fois devant, et puis pour se garer impossible ! (oui, c’est généralement le cas dans un quartier PIETONNIER. Déjà, elle me saoûle). Alors voilà, on vous a vue dans Télérama (merci Tu-sais-qui !), et comme j’ai besoin de soutiens-gorge, je me suis dit que j’allais venir. Par contre, je n’ai vraiment pas beaucoup de temps, mon mari attend dehors. Ma taille, c’est du 105 D (wrong ! Je ne pense pas que ce soit ça mais je ne dis rien). Je cherche du blanc ou du noir. Qu’est-ce que vous avez ?
Je lui montre les modèles au choix. Elle en choisit trois et je me dépêche de lui apporter les bonnes tailles. Elle considère que le premier lui va (même si je pense que cette dame fait plus du C que du D). Le deuxième aussi. Le troisième (le moins cher), un peu serré au dos. Je propose de lui apporter la taille au-dessus. Elle me fait signe que non de la main : Je n’ai pas le temps, mon mari attend. Elle ne regarde rien d’autre, se rhabille illico et passe en caisse. Elle a choisi les deux modèles les plus chers du magasin, donc forcément, l’addition est un peu salée pour deux soutiens-gorge : 160 euros. Elle paie, puis je la raccompagne à la porte. Son mari est toujours là, en plein milieu de la rue piétonne, le moteur allumé. En descendant la petite marche, elle lui lance dans un murmure théâtral que tout le monde entend : Bon, en fait c’est aussi cher que d’habitude !
Si elle avait pris un peu plus de temps, oh pas beaucoup, disons une demi-heure, j’aurais pu prendre ses mesures et lui annoncer sa vraie taille. Comme à la dame de l’autre jour qui a réalisé qu’elle ne faisait pas un 100 C mais un 100 E, et qui n’en revenait pas d’être aussi bien dans son soutien-gorge. Et puis elle aurait pris le temps d’essayer les modèles, en remontant les bretelles si besoin, en passant deux doigts sous la bande dorsale, en passant un T-shirt pour voir le rendu de la poitrine sous les vêtements. Je lui aurai sans doute proposé d’autres modèles en allant jeter un œil dans l’arrière-boutique. Et ses seins et elle seraient sûrement repartis en bien meilleure forme pour une somme plus modique. Mais bon.
Ca impliquait de payer un parking et de faire attendre le mari, et ça, c’était compliqué.
Pour finir, je vous laisse sur ce splendide mail que je viens de recevoir sur ma boîte pro :
Bonjour Madame, Monsieur,
mon nom est Lilian, je suis tombé sur votre profil lorsque je passais en revue
Je décide de vous envoyer un massage, pour vous demander de l'amitié? Je crois qu'avec l'esprit bon vous dois admettre que ma demande s'il vous plaît répondre de nouveau à moi afin que je puisse vous en dire plus sur moi avec ma photo. l'embrasser.
Lilian.
J’ai regardé, mais il avait oublié le massage en pièce jointe. Il n’y avait qu’un virus tout pourri. C’est bien dommage, moi j’adore qu’on m’envoie des massages !