Les clients de la semaine (6)
Publié le 17 Mai 2013
Hello le gens. Tu vas bien ? Ça fait un milliard d’années (bon ok, une bonne semaine) qu’on s’est pas parlé, toi et moi. Tu as vu, il commence à faire soleil à Paris, ça tient du miracle. Je voulais te tenir un peu au courant de la boutique, tu vois, des clients, des culottes et compagnie. Moi, sinon, ça va. J’ai beaucoup joué à la community manager récemment. Je traque des articles intéressants, je spamme en commentaires. Je like à tout va. J’essaie de créer des partenariats, de la visibilité, tout ça. C’est fatiguant, le web 2.0. Avant, tu pouvais faire de la pub dans le journal, à la télé ou la radio. Si c’était trop cher pour toi, eh ben tant pis. Tu ne faisais pas de pub et tu attendais que le bouche-à-oreilles se fasse. Là, si tu n’as pas deux ou trois projets sur le feu, que ce soit un flash mob, une sex tape ou une collaboration sur Instagram, tu n’es juste pas à 100%, tu ne te donnes pas à fond. Il faut savoir créer ses propres opportunités. C’est pour ça que peut-être, bientôt, tu auras la joie de me retrouver avec mon acolyte sur notre propre chaîne de vlogging. Nous serons habillées, bien sûr (ouf).
Bon sinon. Le vif du sujet : les clients de la semaine.
La dame japonaise – le grand retour
Elle est revenue ! Tout de rose vêtue ! Cette fois, elle ne m’a offert de pain au chocolat, mais elle a racheté une parure. Son français s’améliore. Je lui ai fait 10% et elle a fait une courbette. Arigato ! (un jour je vais en fait découvrir que cette dame est genre péruvienne, et je me sentirais bien bête)
Les trois copines
Il est dix-huit heures, je spotte trois grandes ados qui fument devant la porte, en s’échangeant des blagues avec un petit accent de banlieue. Elles finissent par entrer, une Noire, une Arabe, une Blanche. Elles me disent « Madame » et m’expliquent que la Noire a un shooting le lendemain, et cherche de la lingerie sympa. Par sympa, elles entendent bien sûr sexy. C’est donc parti pour le laçage du corset. La demoiselle est très patiente, parce que ses copines sont du genre démonstratif. Et vas-y que je commente sur tes seins, et vas-y que je te fais des blagues. Elles sont plutôt rigolotes, mais bruyantes, comme des chiots fous, tu vois ? A un moment, l’Arabe me demande si elle peut nouer elle-même le corset. La Noire n’y voit pas d’inconvénient, donc je les laisse se débrouiller toutes seules en cabine.
Au bout d’un moment, la Blanche, toute fine, s’approche de moi : Et moi Madame, vous pouvez me prendre mes mesures ? Deux tours de mètre de couturière plus tard, on découvre ensemble qu’elle fait du 80D, et non du 90B. Elle essaie un modèle et elle n’en revient pas. Du coup, l’Arabe, en survêt et pas maquillée, veut aussi que je la mesure. Détail intéressant, ses copines l’appellent Guronsan, du nom de l’excitant en vente libre en pharmacie. Ça vous donne une idée de la bestiole (qui faisait du 90D, by the way, et qui portait du 105B, innocente créature).
A un moment, la Blanche me demande : C’est votre boutique, Madame ? Je lui dis que oui. Ah ouais quand même. C’est impressionnant. Si tu le dis. Et puis elle me dit Mais vous travaillez toute seule toute la journée ? C’est pas trop long ? Je lui réponds, pince-sans-rire : Non, moi j’aime bien quand c’est calme. La Blanche et Guronsan se regardent, interdites. Je leur dis que je plaisante. Et puis Guronsan me dit : Mais vous travaillez six jours par semaine, toute seule, de 10h à 19h30 ? Bah ouais. Et elle conclut : Eh ben, vous devez être bien fatiguée. J’ai failli répondre : Ça va, je me shoote au Guronsan. Mais je me suis dit qu’il ne fallait pas abuser des blagounettes.
Une heure d’essayages plus tard, les voilà enfin parties, avec de quoi faire un chouette shooting pour la Noire. Mission accomplie. Je ferme dix minutes plus tôt que l’horaire prévu ce jour-là, tellement elles m’ont épuisée.
La jeune maman
Une jeune femme blonde, collants rouge, cheveux attachés à l’arrache, entre dans la boutique un après-midi vers quinze heures. En écharpe, elle porte un nourrisson tout joufflu coiffé d’un petit bonnet en laine. Elle m’explique que depuis qu’elle a accouché, elle sent bien que ses soutiens-gorge ne lui vont plus. On regarde ensemble. Grâce à mon adorable neveu, je suis à même de lui poser plein de questions de circonstances (Mais vous allaitez encore peut-être ? Il a quel âge ? C’est un garçon ou une fille ? Ohlala, huit mois seulement, mais il a l’air tellement éveillé !) pendant que le marmot me regarde avec ses yeux ronds comme des billes et tend vaguement sa main pas encore très opérationnelle pour essayer d’attraper les culottes à sa portée. Je n’ai qu’une peur, c’est qu’elle me le refile pour essayer des trucs. Heureusement, elle me dit qu’elle reviendra sans lui, car il a un peu faim, alors il commence à s’exprimer. Depuis quelques minutes, l’humain miniature s’est en effet mis à pousser des cris à mi-chemin entre le mugissement et le hurlement strident, tout en ne me quittant toujours pas des yeux. C’est quand même perturbant, toute cette affaire de grossesse, de truc qui grandit à l’intérieur, puis qui sort en te déchirant de tous les côtés, pour ne plus jamais te quitter et te traire comme une vache à lait jusqu’à ce qu’il puisse ingurgiter sa pitance tout seul en continuant à te casser les oreilles. Brr. J’en ai froid dans le dos.
Les deux reloues
Deux dames d’environ cinquante ans, un peu bling bling, fringues griffées, lunettes de soleil sur la tête, entrent dans la boutique. Elles jettent un coup d’œil aux rayonnages : Vous ne faîtes pas les petites tailles ? Et moi d’expliquer qu’on fait bonnets profonds et grande taille. La plus grande des deux me regarde : Ah, donc vous ne faîtes pas les petites tailles, vous les faîtes juste en vitrine quoi. J’essaie de lui expliquer que le modèle en vitrine, c’est du 80D, donc techniquement du bonnet profond. Mais elles s’en vont. Bizarrement, je ne le regrette pas.
En direct de Cannes
Elle entre, vêtue d’un joli manteau à imprimés graphiques, de grands yeux bleus. Bonjour, c’est telle marque qui m’envoie, elles m’ont dit que vous pourriez m’aider… Cette jeune femme va monter les marches de Cannes pendant le festival et cherche un soutien-gorge bien particulier pour aller sous sa robe sans manches et à décolleté très très profond, en 90E. On ne trouvera pas, ce jour-là. Je l’envoie donc sans regret aux Galeries, en croisant les doigts pour qu’elle trouve son bonheur. Elle me fait la bise en partant, je la félicite, et elle me dit qu’elle reviendra.
Ah, au fait, Adriana K. dans sa robe rose vif (en référence à cet article) :