Les hommes doivent-ils aller se rhabiller?
Publié le 30 Septembre 2011
Je ne sais pas si vous êtes déjà rentré dans un magasin « affriolant », type sex-shop, lingerie sexy… Moi oui (je l’avoue, même si du coup je vais aller en enfer). Les amis mâles qui m’accompagnaient… ah non, pardon, je n’étais qu’avec des filles. Les garçons n’ont pas osé franchir le pas (et puis on ne les avait pas franchement conviés). Du coup, entre filles, on a tout bien regardé, examiné, commenté. Il y en avait pour tous les goûts. Côté « bouts de tissu à se mettre sur le corps », les tenues les plus diverses et variées s’offraient à nous : infirmière, danseuse de cabaret, policière, mais aussi les plus passe-partout cache-tétons, guêpières, porte-jarretelles…
Mais on n’a pas trouvé le rayon hommes.
Enfin si, on a déniché deux présentoirs qui fournissaient de quoi composer une tenue d’enterrement de vie de garçon : des caleçons avec des animaux à longue trompe sur le devant (…), des strings en bonbons, des boxers à message douteux… Pas très sexy, quoi.
Comment se fait-il qu’il y ait une offre plus que pléthorique concernant la lingerie féminine, et rien pour (dés)habiller les hommes ?
Sans doute parce qu’il n’y a pas de demande. Il y a bien eu quelques tentatives de lancement sur le marché de boxers en dentelle, de strings, mais c’est globalement un échec. Ces produits se vendent mal. Mais pourquoi les hommes ne ressentent-ils pas le besoin d’enfiler un petit tanga moulant pour nous plaire ?
Déjà, parce que nous ne le leur demandons pas.
Bien sûr, la plupart des femmes apprécient la belle lingerie, aiment se sentir sexy en enfilant un corset et des bas, même et surtout sous leurs vêtements au quotidien. Mais c’est souvent à la demande de l’homme qu’elles le font, ou pour lui plaire, pour « relancer leur couple » par exemple. Pour ne pas qu’il se lasse et qu’il aille voir ailleurs. Sans hommes, je ne suis pas sûre que beaucoup de femmes s’amuseraient à se coltiner les lacets d’un corset, les bas à fixer au porte-jarretelles, l’épineux dilemme de la culotte (au-dessus ou au-dessous ?), les baleines de la guêpière… Parce que c’est le regard de l’autre, que l’on espère plein de désir, qui nous poussent à nous déguiser ainsi.
Alors pourquoi les femmes ne veulent-elles pas voir les hommes déguisés ?
Peut-être qu’elles y pensent secrètement mais n’osent pas l’exprimer. C’est vrai qu’un costume sexy, pour un mec, ça m’évoque plus les chippendales et les strip-teaseurs de Confessions Intimes, qui dégrafent leur pantalon de policier à pressions en se touchant la casquette. Si c’est le cas, c’est peut-être dommage. Si ton fantasme, c’est la figure du pompier ou du médecin (Urgences for ever), je serai d’avis d’essayer de le vivre en costumant un individu masculin volontaire qui passe par là. Reste à trouver le costume ; comme on l’a vu plus haut, il n’y a pas vraiment de tenues pour hommes en magasin –bien que je ne connaisse pas toute l’offre de Pigalle en détail.
Mais j’ai une autre brillante théorie qui pourrait expliquer pourquoi, à l’inverse des hommes, les femmes préfèrent leurs conquêtes complètement nues. Quand tu regardes les étiquettes des costumes pour femmes, il y a une profession courante associée à un mot appartenant au registre sexuel. Exemple : infirmière sexy, soubrette cochonne, femme d’affaires coquine, policière s*****… Dans la vraie vie, une infirmière n’est pas spécialement sexy. C’est la dame qui vient te faire ta prise de sang à sept heures du matin, avant que tu ne t’enfiles ton croissant reconstituant. Idem pour la femme d’affaires (qui ne met pas une jupe crayon et des talons tous les jours) ou la femme de ménage (qui ne fait pas son travail en robe noire et petit tablier blanc, ce n’est pas super pratique). Mais l’homme a détecté le potentiel sexuel de ces métiers, sources de fantasmes du fait des mécanismes de domination/soumission qu’ils impliquent. Le costume sert à resexualiser la femme qui les exercerait, à faire ressortir ce qui est sous-jacent dans l’imaginaire collectif. Idem pour la lingerie plus conventionnelle : une femme nue, ce n’est pas toujours sexuel. Cela peut aussi évoquer la pureté, la fragilité, et même la maternité. Une femme « en tenue », qui affiche clairement son désir de plaire et de faire l’amour, alors là c'est excitant sans détours.
Bref, il s’agit de rendre la femme plus sexuelle, elle qui ne l’est pas forcément à l’origine dans l’esprit de l’homme. Dans le cadre d'une histoire "sérieuse", celui-ci recherche d’abord une fille épousable, présentable à ses parents, potentielle mère de ses enfants etc. Pas un être de désirs, décomplexé et sûr de lui. Cet aspect-là de la femme, il préfèrera qu’il ne ressorte que dans l’intimité, à sa demande, pour son propre plaisir.
Et je pense que la femme n’est pas dans cette logique. Elle n’a pas besoin de faire ressortir chez l’homme son côté sexuel, car il est omniprésent, tout comme le sentiment de domination, d’autorité et de pouvoir du « sexe fort ». Le mec de base est obsédé par le sexe, pas besoin d’en rajouter.
En outre, costumer l’autre viendrait à se définir comme une personne de désirs, et ce n’est pas une caractéristique que la femme a l’habitude de se voir associer. Suggérer à l’autre de porter tel vêtement, puis lui faire sentir à quel point ça nous plaît, ce n’est pas un comportement féminin car c’est trop frontal, trop explicite. Il y a un certain confort à prendre la place de celui qui est désiré : on est rassuré sur son pouvoir de séduction, on prend la main sur l’autre en réalisant son fantasme, et surtout, on n’est jamais confronté à ses propres désirs. On est passif, on ne s’affirme pas, ce qui colle bien avec un certain ressort de la sexualité féminine : le fait de ne pas dire non. Pour caricaturer, les femmes peuvent aimer tous les jeux de soumission ou de simple passivité car cela leur permet de jouir sans culpabiliser d’aimer ça. A l'inverse des hommes, elles ne sont pas éduquées à exprimer leur désir, à avoir une sexualité extravertie. Du coup, le fantasme du « malgré moi », l'envie d’être soumise à un désir plus fort (celui de l’homme) est souvent très présent. Ces mécanismes sexuels sont bien sûr sans rapport avec la personne sociale et publique : une femme indépendante, forte etc peut très bien être réceptive à ces fantasmes.
Une femme n’a donc que peu d’intérêt de voir un homme en lingerie affriolante, car pour elle, il est déjà chargé de symbolique sexuelle.
Après, on peut aussi envisager une troisième raison : les costumes masculins proposés en magasins sont super nuls. Proposez-nous un uniforme de Marines bien taillé, une blouse blanche à la Docteur Mamour, une tenue victorienne à la Mr Darcy… Et le costume du mec bien, vous en avez ? Il ne vous en reste plus beaucoup en stock ? Foncez en acheter un, les amis, c’est encore celui qui nous séduit le plus...
Merci Dita Von Teese!