Love story et teen movies

Publié le 8 Novembre 2011

On est bien d’accord qu’une fille ne sait pas, par nature, cuisiner mieux qu’un mec, ou qu’un mec ne pense pas, par nature, plus souvent au sexe qu’une fille. Et pourtant, je le dis, je l’affirme : il y a des films/livres de filles et des films/livres de mecs.

Les distinctions ne tiennent pas au sexe du héros/de l’héroïne, au nombre de robes roses ou d’armes à feu présentes dans le scénario. C’est un peu plus subtil. Et pas besoin de s’intituler 27 Robes ou Bad Boys II pour être catalogué. Par exemple, je vous l’affirme : Scott Pilgrim, c’est un film de mec, toute bad-ass qu’est Ramona Flowers. Juno, un film de meuf. Looking for Alaska, l’excellent roman de John Green (un des Vlogbrothers) : un roman de mec. Virgin Suicides ? Un film de mec, tiré d’un roman écrit par un mec (et un roman de mec aussi). Hairspray, la comédie musicale et le film : un film de mecs. Bon, je cherche d’autres exemples mais je n’en trouve pas, je compte sur vous en commentaires.

Ce que je veux dire par « c’est un film de mec », ce n’est pas que c’est un film qui plaît aux mecs. C’est que c’est un film qui a une conception de l’amour et de la séduction traditionnellement considérée comme masculine. Nous ne suivons peut-être pas tous la tradition IRL, mais dans la fiction, les lois de l’attraction sont radicalement différentes selon le genre. Quelle meilleure illustration que les teen movies, qui ont en plus l’honneur de former les jeunes esprits à penser ainsi ?

Mettez-vous dans la peau d’un scénariste qu’une grosse maison de prod a engagé pour écrire une histoire capable de faire quelques entrées au mois d’août (grâce à la clim). Devant votre page Word blanche, vous vous rendez vite compte qu’il y a deux options globales : une fille tombe amoureuse d’un mec. Un mec tombe amoureux d’une fille.

Prenons l’option 1. Allison, peu importe qu’elle soit reine de beauté ou nerd du coin, suit le schéma suivant : après un quelconque concours de circonstance, elle tombe follement in love d’un beau mec inaccessible qui traînait par là, le Canon. Elle s’en va donc se confier ventre à terre à son pote Bidule, terriblement timide, mignon mais sans plus, qui est secrètement amoureux de la sus-nommée Allison depuis dix ans. Ou bien notre héroïne s’empresse de comparer le fringuant Canon au pouilleux Machin, qui se moque tout le temps d’elle.

Bien. Prenons à présent l’option 2. Cette fois, c’est Taylor (quaterback ou gros geek) qui, également plus ou moins par hasard, tombe amoureux de la Bombe. A la limite, il se confie à ses potes, mais vite fait (un mec ne partage pas ses sentiments).

Après avoir planté le contexte, et selon un historique relativement développé de teen movies de tout poil, c’est là que les routes de Taylor et Allison divergent. Dans l’option 1, Allison va essayer de conquérir le Canon, mais va se rendre compte en chemin qu’en fait, le Canon est une grosse andouille, et que son pote Bidule ou le pouilleux Machin sont en réalité bien mieux. Elle va avoir la révélation que son true love était là, devant elle, accessible depuis le début, sous l’apparence du second choix.

Dans l’option 2, Taylor va essayer de conquérir la Bombe, et va généralement réussir. La Bombe, sous ses airs de bimbo acharnée, se révèlera en effet super drôle comme fille, et très sensible à la geekerie et à la gaucherie de notre cher Taylor. Le monde est bien fait quand même ! Et c’est justement le côté inaccessible de la Bombe, son indifférence au premier abord, voire son mystère, qui la singularise et la signale comme une fille qui en vaut la peine.

Voilà voilà. Où on voit donc que la fille lambda est encouragée à penser que le mec sur lequel elle fantasme est un gros naze et qu’elle ferait mieux de viser des mecs plus communs mais moins salauds, et où le mec lamba est encouragé à poursuivre la fille de ses rêves, car elle saura lui trouver des qualités que lui-même ne voit pas. C’est cela, oui.

Des exemples, voici des exemples. 100 Girls : un mec passe un bon moment avec une fille dans l’ascenseur d’un dortoir d’université, dans le noir. Ces quelques minutes d’extase ont suffi à le faire tomber amoureux. Du coup, il entreprend de chercher cette fille « magique » parmi les 100 filles du dortoir, seulement armé de… la petite culotte de la donzelle. Les choses que peuvent vous faire faire l’amour, franchement. Un film de mec.

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Elle est trop bien, l’archétype du high school movie avec Freddie Prinze Junior et Rachel Leigh Cook : un film de meuf. Parce que Freddie drague Rachel plus ou moins pour se venger de son ex (cheerleader), et finit par tomber amoureux de cette fille chelou (après l’avoir bien relookée, quand même).

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10 things I hate about you, un classique du genre, inspiré d’une pièce de Shakespeare et featuring le regretté Heath Ledger et le young Joseph Gordon-Lewitt : un film qui illustre parfaitement les différences de genre. Le héros en grave déficit de coolitude tombe amoureux de la fille la plus en vue du lycée, et va tout faire pour sortir avec. La sœur de la fille en question, une féministe acharnée (soi-disant), se fait draguer par un mec qui ne ressemble à rien (Heath Ledger les cheveux mi-longs bruns…) et finit par craquer pour lui, le marginal du lycée.

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Je reprends donc mes exemples du début : Scott Pilgrim, un film de mec. Une fille cristalliserait-elle autant sur un mec, au point de décider d’affronter ses sept ex un par un ? Nah. Une fille développerait un crush sur le mec en question, et voyant qu’il ne s’intéresse pas à elle, en conclurait que c’est un gros nul et passerait à autre chose.

Juno, un film de meuf : Juno a peut-être fait un bébé avec Michael Cera et son air de marmotte contrite, elle préfère s’enflammer pour un beau gosse qui a le privilège de l’âge et des goûts musicaux apparemment super classes. Sauf qu’au final, Monsieur J’écoute-la-même-chose-qu’une-gamine-de-17-ans se révèle être un parfait salaud, et Juno est bien contente de retrouver le gentil Michael et sa tenue de jogging ridicule.

Looking for Alaska, même topo que Scott Pilgrim : un mec devient trop in love d’une fille de son université, trop bad-ass, cute, sensible et bandante à la fois, et il ne pense qu’à elle bien qu’elle l’ignore. Il sort quand même vite fait avec une autre fille, gentille, mignonne et tout. Mais comme on n’est pas dans un livre de fille, il ne tombe pas amoureux de cette fille-là. Il préfère la larguer pour continuer à penser à la fameuse Alaska, qui se met aussi à se rapprocher de lui.

Virgin Suicides : Sofia a signé là un superbe film autant sur les garçons à l’adolescence que sur les filles au même âge. La bande de mecs qui observent les sœurs Lisbon a un comportement très masculin (en fiction) : ils sont limite obsessionnels, ne tentent rien, sont amoureux des stars du lycée et admirent les gestes les plus banals de ces filles mystérieuses-le mot magique.

Enfin, Hairspray : l’héroïne Tracy fond à la seule vue du beau gosse Trip, et même si rien ne les destine à être ensemble à première vue (il est cool, elle est pas cool), elle s’accroche et bien lui en prend, puisque l’ami Trip tombe aussi amoureux d’elle, youpi !

 Il n’y a pas vraiment de conclusion à cet article, c’était juste pour souligner ces intéressantes différences de traitement de l’amour et la séduction selon les genres, en fiction. Heureusement que nous ne sommes pas obligés de nous y conformer dans la vraie vie. Donc messieurs, sortez vos chouettes potes filles de la friend zone, et mesdames, go for le salaud magnifique, qui sait, il est peut-être super cool au fond !

Rédigé par Nombre Premier

Publié dans #Féminisme 101

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