Ma petite entreprise
Publié le 17 Novembre 2011
On est tous des patrons, en fait.
Ouh, j’aime bien les articles qui commencent par « en fait ». Ca sent bon le vagabondage de pensée de début d’après-midi, les débats au bar avec les copains ou les réflexions qui me viennent sous ma douche.
(Si si, je réfléchis sous la douche) (Pas tout le temps) (Parfois je chante aussi)
Bref. On est tous des patrons donc, et ce depuis notre naissance, qui nous a placés à la tête d’une formidable petite entreprise : nous-mêmes. Bear with me, je vous expose mon business plan.
Pendant dix-huit ans, ce n’était pas facile, j’étais en position de nouvel entrant sur le marché de l’humain. Il y avait pas mal de barrières à l’entrée : je ne savais ni marcher ni parler, je n’étais pas autonome financièrement (ni digestivement), et je n’aimais pas les maths à l’école. Peu à peu, j’ai quand même réussi à me faire une place, à m’épanouir. Forcément, les gros players qui étaient déjà sur le marché depuis des années (trente ans dans le cas de mes parents) avaient plus d’importance, il me fallait composer avec eux, m’adapter à leurs décisions stratégiques. Selon les cas, ils me mettaient des bâtons dans les roues (tu rentres à vingt-deux heures, éteins cet ordinateur !) ou jouaient un peu les business angels (tu as intérêt à avoir la moyenne en maths, tiens, voilà un peu d’argent de poche). A dix-huit ans, je me suis positionnée sur le marché lyonnais, après celui de Clermont-Ferrand (une prise de risque notable, nous en conviendrons). Je me suis relocalisée plusieurs fois depuis, dernièrement à Paris depuis trois mois.
La gestion de la boîte « moi », c’est un boulot à plein temps. J’ai plusieurs casquettes à la fois. Déjà, celle de directeur financier. Malheureusement, ce n’est pas parce que je travaille en comptabilité que je sais tenir un budget. Si j’avais le choix, je réfléchirais à me licencier, mais bon, je suis coincée. Je m’évertue à élaborer de chouettes tableaux Excel avec plein de couleurs que j’oublie de remplir un mois sur deux. Mon compte en banque ne ressemble pas du tout à ce que je voudrais. Ma prochaine mission : réduire mes postes de dépense principaux, à savoir fringues, produits culturels et restaurants. A ce propos, j’ai testé entre amies un Coréen absolument délicieux cette semaine, le Jantchi, au 6, rue Thérèse. Pas cher, les viandes grillées étaient super bonnes, parfois un peu épicées, il faut bien choisir, mais ça vaut le coup !
Où en étais-je ? Ah oui. Je suis aussi responsable de la gestion des stocks, principalement de vitamines et de gras. La tendance globale que me dicte le marché, c’est : plus des premières, moins du second. Alors je vais à la pharmacie et je débats avec mon directeur financier concernant l’achat de vitamines en poudre. Je vais au supermarché et je débats toujours avec le même directeur sur l’achat d’une boîte de Dinosaurus. Le problème, c’est que mon stock de vitamines met des plombes à augmenter, alors que mon stock de gras est bien constitué. Clairement, je ne suis pas à l’équilibre là. Quant aux stocks du frigo, qui dépendent aussi de moi, ils suivent toujours la même courbe d’évolution : lundi, un peu vide. Mardi, vide. Mercredi, vide. Jeudi, vide. Vendredi, vide. Samedi, plein à craquer. Dimanche, assez plein. Etc.
Heureusement que je suis aussi maître d’œuvre. Les gros chantiers en cours sont le club de sport une à deux fois par semaine, et le rangement de l’appart, au quotidien. J'ai pris du retard sur les deux depuis la rentrée. Pourtant, j’ai les bons outils : baskets, soutien-gorge de sport, balai Swiffer et éponge spéciale plaques à induction. Mais rien n’y fait, ça n’avance pas trop. Par contre, le contrat passé comme chanteuse dans un groupe de rock avance bien, toutes les clauses sont respectées, le client est content. Ca mériterait presque une prime !
Un poste qui me prend beaucoup de temps, c’est celui de directeur marketing/relations publiques. C’est épuisant. Déjà, le travail sur le produit, le packaging. Mon directeur financier n’a soi-disant jamais le budget, mais j’ai besoin de maquillage, de nouvelles fringues, de chaussures, sinon comment je donne envie au consommateur moi ? Si l’autre con était moins pingre, mes prochains investissements seraient une journée dans un spa de luxe, une razzia chez Sephora et une autre à Camden. Mais ça ne risque pas d’arriver, avec la crise. Pas facile de faire que ce soit mon produit que l’on choisisse sur l’étagère, surtout vu la concurrence ahurissante qui règne à Paris. Mon directeur commercial me conseille de mettre en place des promotions, mais je m’y refuse pour le moment. Je fais de la veille en permanence pour piquer leurs bonnes idées à celles d’en face. J’élabore des recommandations stratégiques fondées sur mes points forts et mes points faibles, selon les menaces et les opportunités. Les canaux de distribution sont très importants, aussi. C’est ce que je rappelle à mes copines qui sont sur Adopte un mec, par exemple. Quant aux RP, c’est épuisant. Mon calendrier sur smartphone est mon meilleur ami, il contient tout mon planning des mois à venir. J’essaie de voir régulièrement mes meilleurs alliés et de développer de nouvelles alliances ou partenariats de temps à autres.
Le poste de directeur de la communication (notamment digitale) est forcément complémentaire à celui précédemment cité. Ce n’est pas le tout d’organiser des évènements, il faut encore y faire bonne impression. J’ai appris à m’adapter à mes interlocuteurs et à parler de choses différentes au bureau ou en afterwork. Les nouvelles communications et le Web communautaire sont les grands enjeux des années à venir. Gestion de sa page Facebook, repérage de consommateurs potentiels, accroche publicitaire, fidélisation du client… Et bien sûr animation de ma communauté de followers, vu que je suis aussi community manager. Pas question de faire comme Eric Besson et de me tromper de case sur Twitter en écrivant un message licencieux ! J’ai une image à préserver, je ne peux pas faire quelque chose d’aussi uncool.
Ma casquette de directeur logistique est certainement une des plus challengeantes. Il s’agit d’organiser mon transport entre mes diverses activités, en jonglant entre la SNCF, la RATP, le mode piéton… Ne pas oublier d’imprimer l’itinéraire à l’avance ou de recharger son smartphone pour utiliser le GPS. Tout doit être bien calculé pour perdre le moins de temps possible. Un grand défi récurrent est aussi d’obtenir une place assise dans le métro le matin. Repérage, anticipation et détermination sont les trois clés du succès.
Enfin, mon dernier boulot, c’est bien sûr personnal assistant. Il me faut coordonner l’ensemble des faits et gestes des directeurs, faire un suivi du planning et transmettre les comptes-rendus de chacun au PDG. Moi toujours. Qui supervise le tout d’un œil bienveillant, essaie de deviner les mouvements du marché, d’avoir une longueur d’avance et d’anticiper l’avenir. Un boulot à plein temps, je vous dis.
Alors Donald Trump, Bill Gates, Warren Buffett : I hear you bros, I hear you.