Off the grid
Publié le 1 Août 2013
Ca y est, il fait re-chaud. 35 degrés à Paris cet après-midi apparemment. Trop cool. Je suis en inventaire ce moment, je compte combien il me reste de culottes et autres joyeusetés. Je pense aux vacances. Je pense à dormir.
Depuis lundi, l’ami pompier/infirmier/pervers polymorphe est revenu de ses vacances à lui. Ca fait donc trois soirs qu’il organise des apéros dans la rue à base de rosé et de mojitos (sa nouvelle passion). Hier, vers dix-huit heures, il a dit (avec l’accent de son Sud natal) : Non mais aujourd’hui, je déconne pas, je pars à 19 heures, faut que je rentre faire à manger à ma femme, hier je suis encore rentré à quatre pattes et elle a été super sympa, elle a rien dit… Mais là je ne me fais pas avoir, je reste pas ! Quand j’ai quitté la boutique à vingt heures, il était toujours là, en chemise légère, clope au bec et rosé en flux continu, en train de dire n’importe quoi.
On a quand même réussi à avoir un petit débat des plus instructifs où on a simplement agree to disagree, car nous ne sommes pas arrivés à nous mettre d’accord. Il a commencé un discours qui me hérisse littéralement le poil, à base de Quand même, c’était mieux les femmes avant. Je veux dire, elles peuvent s’assumer et tout aujourd’hui, mais c’est bien quand elles gardent la douceur des femmes d’avant qui retenaient un peu les hommes, tu vois. Les femmes qui disaient Non, je préfère attendre un peu. On a besoin de ça, nous les hommes.
Ce à quoi j’ai répondu : Pourquoi ne pouvez-vous pas vous retenir tous seuls ? En quoi vous avez besoin des femmes pour ce faire ?
Sa réponse : Attends, non mais tu te rends pas compte, ma chérie (véridique). Les hommes ce sont des animaux, ils sont dégueulasses. Et puis, la testostérone ça rend violent, et le sexe c’est un besoin tu vois ?
J’ai donc répliqué : Certes, mais c’est pas un besoin comme manger, celui-là tu peux le contrôler. Les femmes y arrivent bien, elles, d’après ton discours (même si 5% des viols sont commis par des femmes). Pourquoi les filles devraient faire attention à comment elles s’habillent pour ne pas « chercher les problèmes », alors qu’il suffirait que les mecs sachent se contrôler ?
Et là, le point-Pompier : C’est super dangereux ce que tu dis. Moi, ma fille elle sort dans la rue à quatre heures du matin en mini-jupe, elle se fait violer, eh ben je l’engueule d’être sortie habillée comme ça et je lui dis que c’est bien fait.
21ème siècle bonjour.
Du coup, cette discussion a un peu cassé l’ambiance et on a coupé court. La fille de l’agence (35 ans) est venue me voir ensuite pour me dire à mi-voix toi, tu es moderne, alors. Mais moi j’aime bien que chacun ait son rôle, tu vois, je trouve ça rassurant. Je sais pas si c’est moderne de vouloir porter ce qu’on veut et de pas se sentir obligée d’être douce, mais soit.
Sinon, j’ai des envies en ce moment que je ne m’explique pas. Non, je ne suis pas enceinte, je précise. C’est plus comme si j’étais aux portes d’un nouveau changement de personnalité, d’une renaissance. Je ne sais pas si ça te fait ça à toi aussi, si tu as des sortes de cycle où tu portes de l’intérêt à certaines choses, où tu as une certaine vision de la vie, et ensuite tes atomes se réarrangent et tu ne vois plus du tout les choses de la même façon.
J’ai eu un cycle assez long, de la prépa à la fin d’école de commerce, où tout était assez banal. Je m’en foutais du ménage, du sort de la planète et du tri sélectif. Je m’en foutais de la politique et des questions de société. Je voulais juste prendre confiance en moi, rencontrer des gens formidables et m’amuser un peu. Ensuite, à la fin de l’échange et avec mon entrée dans la vie active, certains traits de caractère me sont tombés dessus. Le féminisme, notamment. Et puis le goût d’entreprendre, un certain cynisme, voire fatalisme concernant l’avenir (de moi et de l’humanité), et tout un tas d’autres choses. Et là, depuis environ deux mois, je me fais coloniser par tout un set d’idées neuves, des idées qui n’existaient pas en moi avant mais qui ont lentement germé. Du coup, je me reconnais de moins en moins, mais je sais pourtant que c’est toujours moi, et que je suis simplement en train de changer.
Hmmm... I actually feel like I don't really get to decide.
J’ai perdu mon fatalisme, ma résignation, appelle ça comme tu veux. Je suis toujours très peu confiante en l’avenir (mon sac à dos spécial apocalypse est toujours prêt au fond de mon armoire). Mais maintenant, j’ai envie de me battre. J’ai un fighting spirit, un peu comme Rocky ou Rambo ou Rox et Rookie. Je ne sais pas si on peut changer les choses, mais on peut au moins essayer. Ce n’est pas encore super clair dans ma tête comment on peut les changer, hein, mais j’y réfléchis, je m’informe sur le sujet, je prépare un passage à l’action (rejoindre une asso, un projet, un mouvement).
Un peu dans la même veine, me voilà à présent en nette tendance « retour aux sources ». L’autre jour, j’ai commandé des produits de beauté bio sur un site américain… Au secours, que m’arrive-t-il ? Il se trouve que c’est devenu important pour moi (sans être fanatique non plus hein) de savoir ce qu’il y a dans mes crèmes de jour et mes shampoings, et de privilégier des produits où il y a le moins de trucs chelous possibles (paraben, silicones, sulfates, sels d’aluminium et j’en passe). Je ne mets plus de déodorant industriel depuis trois semaines. La révélation ! Le bicarbonate de soude acheté trois fois rien en supermarché marche cent fois mieux, avec rien de nocif dedans. Et cette illumination m’a conduite à questionner toute l’industrie de la grande consommation : si on nous tanne depuis des années pour que l’on achète du déo toujours plus cher/frais/poudré/innovant dont on n’a pas besoin, est-ce que ce n’est pas la même mécanique pour bon nombre d’autres produits ? En gros, n’y a-t-il pas des alternatives beaucoup plus saines, beaucoup moins chères et beaucoup plus efficaces à la plupart de mes besoins ? Mystère. Mais j’ai envie d’aller plus dans ce sens-là du coup.
J’ai envie de cuisiner maison, de toucher des produits non transformés, de faire des gâteaux, de couper des légumes. J’ai envie de faire pousser des plantes, de savoir m’occuper d’un pot de basilic. J’ai envie de trouver des billes de lessives naturelles et de boire du thé vert. Je sais pas ce qu’il me prend ! J’ai envie de lire des bouquins sur comment aider les autres, la planète, mon voisin. Je me tâte à appartenir à une communauté, à faire de la guérilla urbaine à base de légumes et à devenir végétarienne à cause de réflexions sur l’industrie de la viande.
Pour résumer, j’ai envie de glisser off the grid. Loin du système. Goutte par goutte, j’ai envie de le quitter petit à petit et de m’y tenir un tout petit peu en marge. Je vous rassure, aucune impulsion pour l’instant d’aller vivre dans une yourte sur le Larzac. Juste un besoin de recul, de ralentissement, de décroissance, comme disent les médias. Juste un bouton « avance lente » et pas rapide. Ce qui n’entache en rien mon amour d’Internet non plus, évidemment.
Fuck, je deviens le parfait cliché de la bobo bien-pensante. Oh well. C’est un nouveau cycle. Me connaissant, dans trois ans je peux virer gothique ou cocaïnomane.