One day baby we'll be old

Publié le 26 Mars 2013

One day, baby we’ll be old, oh baby we’ll be old, and think of all the stories that we could have told. 

  

Un jour je serai vieille, on sera tous vieux. J’aurais des mains pleines de veines et du mal à marcher. Je devrais teindre mes cheveux, maquiller mes rides, prendre des médicaments tous les jours. Je sentirai le poids des ans sur mes épaules, comme un long roman qui arrive doucement à son dénouement. Je ne sais pas qui m’entourera à cet âge-là. On sera vieux, et comme tous les vieux, on aura envie de raconter des histoires.

J’ai envie d’avoir plein d’histoires à partager. Tu vois, je n’ai que vingt-cinq ans aujourd’hui mais je sais déjà ce que j’aimerais avoir vécu. Je te les raconterai à toi, mon fils ou ma fille, les enfants reprennent le fardeau du vécu de leurs parents et de ceux qui les ont précédés, c’est dans l’ordre des choses. Pendant que tu grandiras, je te raconterai des histoires par-ci par là, un peu de ta mère en mille morceaux d’anecdotes. Et quand toi tu seras adulte et moi vieille, c’est toi qui poseras les questions, c’est moi qui aurai du mal à me souvenir.

J’ai envie d’avoir des choses à te dire, de bonnes réponses à tes questions. Je voudrais te peindre le portrait honnête d’une aventurière. Qu’en m’écoutant, tu te dises Ma mère, c’était quand même une sacrée personne. Une femme qui a débordé de projets, d’envies. Qui a construit des choses, quitte à les voir se casser ensuite. Qui ne s’est pas posé de limites et qui a sauté plusieurs fois dans le vide. Quand tu me verras, toute recroquevillée sur un canapé un peu défraîchi, avec un regard tourné vers l’intérieur, je veux qu’à travers mes mots, tu vois transparaître une autre femme, une femme qui a vécu, qui est venue et qui a vaincu tout ce qu’elle souhaitait vaincre.

Et que tu vois quelqu’un de bien, aussi. On a toujours quelque chose à reprocher à ses parents. Je ne me fais pas d’illusions. En vieillissant, je vais forcément décevoir ou faire du mal. Même si je vais t’aimer très fort, je vais faire des erreurs, prendre de mauvaises décisions, manquer de patience ou de discernement. Pas que vis-à-vis de toi, d’ailleurs. Je ne te demande pas de me pardonner. Je te demande juste de faire preuve d’indulgence et de réserver ton jugement pour quand toi aussi, tu seras une vieille personne. Tu comprendras alors qu’on peut faire de son mieux, de toutes forces, et parfois se planter quand même en beauté. Mais je t’expliquerai tout ça, ne t’inquiète pas. Je t’expliquerai le pourquoi de mes décisions importantes, on discutera ensemble, quand tu seras plus grand ou grande que moi, quand tu auras toi aussi des enfants autour de toi et que tu me les amèneras le dimanche après-midi. On discutera de ce que c’est que d’être parent et d’essayer de faire de son mieux en ne sachant pas où l’on va.

Mais tu vois, je ne veux pas qu’il n’y ait que toi dans ma vie. Les histoires que je veux raconter, je veux les colorer d’ailleurs, de voyages, de rencontres et de projets. Je pourrai te parler des gens formidables que j’ai rencontrés sur ma route, peut-être que tu en connaîtras quelques-uns. Je te parlerai de ton père, évidemment, qu’il soit là ou pas. Je te parlerai d’avant et d’après lui, aussi. Je te parlerai de moi enfant. Je te parlerai de mes parents à moi, j’espère que tu les rencontreras. Tous ces gens qui ne seront sans doute plus que des visages en pixel quelque part sur l’Internet, souriant pour l’éternité à une réunion des anciens élèves ou à une pendaison de crémaillère. Tu penseras que je ressasse mes souvenirs pour me distraire, ou parce que je commence doucement à partir dans une bulle. Mais si je ressasse, c’est pour ne pas oublier. Même s’il y en a à qui je n’aurais pas parlé pendant cinquante ans, je refuse de les perdre et de les voir quitter ma mémoire.

Quand tu m’annonceras que tu pars en vacances quelque part, j’aimerais être capable de te raconter un de mes voyages et de te poser des questions intéressantes. Je veux que tes photos de vacances m’évoquent des souvenirs, parce que ça voudra dire que j’ai réussi à voyager, à me balader sur la planète, à la faire mienne un petit peu, ville par ville, image par image, parfum par parfum. A l’heure actuelle ma vie manque de cet ailleurs, il ne faut pas que j’oublie de prendre mon envol bientôt, de temps en temps, pour pouvoir en parler avec toi, pour te raconter des récits d’autres latitudes.

Toutes mes histoires, je te les offrirai, je te les dirai toutes avant de ne plus m’en rappeler. Tu en feras ce que tu veux. J’espère qu’elles seront à la hauteur. Je veux que tu sois fier ou fière de moi, que tu m’admires et que je puisse être parfois un modèle. Et si tu n’es pas là pour les écouter, j’essaierai de les raconter à quelqu’un d’autre, même si personne n’écoute une vieille personne radoter à part ses enfants qui lui rendent visite. Je les raconterai à ton père hypothétique, à mon neveu, à mon frère, à mes amis que j’espère garder le plus longtemps possible. Je les raconterai même aux inconnus qui viendront me laver, m’habiller et me donner à manger, entre des murs étrangers peints en bleu. Je les raconterai à mes compagnons d’infortune eux aussi sur la route de la vieillesse, dans le salon commun, avant le feuilleton du soir. Je les dirai, ces histoires, je les crierai, les écrirai et les chanterai, à qui veut bien les entendre. Parce qu’au fond, ce n’est qu’à moi que je les raconte. Ce n’est que moi qu’elles hantent par anticipation, ce n’est que moi qui tremble de les vivre, qui piaffe d’impatience, qui me rue en avant.

Je ne sais pas ce que la vie me réserve. Mais j’aimerais, en vieillissant, pouvoir serrer contre moi quelques histoires fétiches, des histoires d’une banalité affligeante, mais d’une importance capitale, des éclats d’émotion, des souvenirs d'enfance, des regards qui se croisent, des mains dans les miennes, des verres qui trinquent et des espoirs lancés aux quatre vents. Parce qu’un jour je serai vieille, et la seule chose qui me consolera de cet état sera de me rappeler que j’ai bien vécu.

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Rédigé par Nombre Premier

Publié dans #Ma life

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