Plaire ou jouir, il faut choisir
Publié le 3 Février 2012
Sur son blog Les 400 culs, la chroniqueuse sexe un peu spéciale de Libé, Agnès Giard, nous parle des femmes et de leur plaisir. Petite statistique (extraite d’un livre qui vient de paraître, Le secret des femmes, voyage au cœur du plaisir et de la jouissance, un chouette cadeau à faire à votre Papi) : 70% des femmes ne jouissent que “rarement” ou “de temps en temps”, alors que 90 à 95% des hommes parviennent toujours ou presque toujours à l’orgasme lors des rapports sexuels. La théorie des auteurs, Elisa Brune et Yves Féroul, est plutôt originale et à l’opposé des traditionnels « une femme, c’est compliqué » et autres « c’est dans la tête ». La femme aurait moins d’orgasmes que l’homme car elle se préoccuperait plus de plaire que de jouir.
Une fois la bouteille de vin bue, le dîner dégusté et les premiers baisers échangés, je pense qu’idéalement, il faudrait arriver à se dire que oui, c’est sûr, on plaît à celui qui se trouve en face de nous là maintenant tout de suite. On lui plaît même si notre frange ne ressemble à rien ou si l’on a recommencé à se ronger les ongles ces derniers temps. Et pourtant, ce n’est pas évident de get in the zone (merci Brit-Brit), d’arrêter de prendre du recul et de se mettre dans l’action (littéralement). Les complexes et les doutes s’accrochent. Par exemple, tout ce truc autour de la o face, c'est-à-dire la tête que l’on fait pendant l’orgasme.
Il y a des Tumblr qui y sont dédiés, et Glamour traite de temps en temps le sujet mais implicitement, sur un mode gentiment complice, genre « Haha, c’est vrai qu’il y en a qui font de ces têtes pendant l’orgasme ! » Ah bon ? Première nouvelle. Ces gens font-ils l’amour avec un miroir au-dessus du lit ? Non, sérieusement, à part le monsieur là-bas au fond, comment sait-on la tête qu’on fait pendant l’orgasme ? C’est ton partenaire qui t’indique magnanimement que « c’est bon, tout a l’air normal, tu peux y aller» ? Ou bien tu lui demandes timidement, au moment des confidences sur l’oreiller (qui n’ont évidemment lieu que dans la fiction, parce que les gens normaux s’endorment après) : « Dis, je ne fais pas une tête trop bizarre quand je… tu sais ? » Ou alors, dernière option, tu te masturbes devant un miroir et tu gardes bien les yeux ouverts au moment crucial. Mince, je crois que ce blog vient officiellement de devenir flippant.
Bon, bref, c’est sûr qu’en pensant à des trucs comme la marque de la culotte sur tes hanches, tes abdos tout mous ou ta fameuse o face potentiellement trop bizarre, pas facile de se concentrer sur son plaisir. Car si, il faut se concentrer un minimum pour l’atteindre quand même. Enfin il me semble. Au vu de la statistique donnée plus haut, deux solutions : soit les hommes n’ont pas autant besoin de se concentrer pour jouir et ils peuvent avoir un orgasme tout en continuant à contracter leurs abdos. Soit les femmes se laissent beaucoup plus facilement distraire par ce genre de considérations. Et elles restent plus dans la séduction, sans arriver à lâcher prise et à ne penser qu’à ce qu’elles ressentent. Elles continuent à vouloir plaire jusque dans le sexe, dans le même processus de séduction que pendant un rendez-vous ou quand elles flirtent. Epuisant. Et forcément, elles se concentrent moins, et paf, elles jouissent moins.
C’est marrant, je voulais vous parler ici d’un dossier paru dans Biba en Octobre 2011, pour illustrer. Et en le cherchant dans Google, je me rends compte qu’Yves Feroul, auteur du Secret des femmes gnagna, a écrit un article dessus (que voilà). On est trop sur la même longueur d’ondes, Yves. Ce fameux dossier s’intitulait 7 positions anti-complexes, parce qu’au lit, ce qu’on veut, c’est ne plus y penser. Des dessins expliquaient dans quelle position se mettre pour oublier « ses fesses tombantes » ou « ses gros mollets ». Bien sûr, que c’est dommage, que des femmes (et de plus en plus d’hommes !) en soient à se sentir gênés, une fois au lit avec quelqu’un à qui ils plaisent habillés. Des seins au naturel, c’est quand même mieux que des seins sous un T-shirt non ? De façon prosaïque, j’ai envie de dire : bon, maintenant j’y suis (à poil). Ca se trouve, il va me trouver horrible. Mais comme je n’y peux plus rien, autant en profiter. On ne sait jamais, l’apocalypse peut avoir lieu demain.
En plus de cette explication intéressante sur la relation entre facilité à jouir et rapport de séduction permanent, nos amis Elisa et Yves poussent plus loin la réflexion. Ils affirment que, conditionnée à être tout le temps dans l’effort et le désir de plaire, la sexualité féminine a évolué. Le fait de sentir qu’elle plaît serait un facteur d’excitation déterminant pour la femme. Ce qui pourrait, en passant, expliquer le fossé entre une lingerie féminine très diversifiée et presque sacralisée, et celle de l’homme, dont tout le monde se fout (voir cet article si vous avez encore quelques stations de métro avant votre arrêt). Du coup, cela expliquerait pourquoi 33% des femmes regardent du porno aujourd’hui. Oui, je sais, on est reparti sur le porno, on en a déjà parlé lundi, donc on va dire que c’est une semaine à thème, ok ? En regardant du porno, la femme se projette à la place de l’actrice, s’imagine susciter autant de désir, s’imagine objet sexuel. Elle se dédouble pendant l’acte sexuel : elle est elle-même, présente, pleine de sensations physiques. Mais elle est aussi son partenaire qui la regarde, la trouve excitante, et elle se voit à travers son regard. Le plaisir féminin serait donc double : le purement physique (stimulation des zones érogènes etc) et psychologique (la mise en scène de son corps, dans le but de susciter le désir).
Voilà voilà. Il est vendredi soir, on parle de plaisir féminin, tout va bien. J’espère que vous avez un bon week-end qui vous attend après ça, ou une bonne connexion Internet, selon vos opportunités et vos envies !