Random user (3)

Ca faisait un bail, mais ça y est, c’est le grand retour des interviews d’internautes anonymes. Cette interview date d’environ deux mois, désolée, j’ai mis du temps à réécouter l’enregistrement. Oui, parce que j’ai utilisé le dictaphone de mon smartphone pour celle-là, comme une (presque) pro. L’interview a lieu à la terrasse de Joe Allen, à Etienne-Marcel à Paris, cocktails à l’appui. Le random user n°3 est une femme, la première, ça se fête ! Elle a 28 ans et elle est également issue d’une école de commerce (promis, j’essaie de diversifier les profils sous peu). Elle travaille dans une grande entreprise du CAC40 et elle est souvent en déplacement, d’où le fait qu’elle ait depuis peu retrouvé le nid familial.

Depuis quand as-tu accès à Internet ?

Alors, je suis un peu intimidée (ndlr: par les cocktails), j’ai du mal à aligner mes mots… Mais on a deux bougies, donc c’est cool. J’ai eu un ordinateur en seconde, et le premier usage que j’en ai fait, c’est d’aller sur Encarta, sur Paint (c’était ma seule source de divertissement), de jouer au Solitaire et de taper mes cours le soir, que j’enregistrai sur disquette, oui, une disquette 3/2 !

C’est Forever Alone qui découvre l’informatique… Et quand as-tu eu accès à Internet sur ce PC ?

Internet, je pense que je l’ai eu en prépa. En Terminale ou en prépa. C’était un abonnement 15 heures par mois que je partageais avec mon frère et mes parents (mais ils n’étaient pas trop intéressés). Donc on avait chacun sept heures par mois. On était chez Wanadoo/Orange avec un modem qui grésillait. C’était en 2006.

Mais pourquoi as-tu eu Internet si tard ?

Alors. Mes parents avaient peur de payer plus cher le téléphone… Ils sont rétrogrades ! Ils trouvaient que ça ne servait à rien : vu que j’avais Encarta, je n’avais pas besoin d’aller sur Internet. Il n’y a eu l’ADSL que très tard dans mon bled de campagne, pas d’offre groupée, pas de choix du fournisseur…

Ah oui. Et l’ordinateur dont tu parles, tu l’as eu en seconde, c’est ça ?

Oui. Il était familial, installé dans le salon, pas loin du coin télé d’où mon père jetait toujours un coup d’œil sur ce qu’on faisait. L’utilité principale de cet ordinateur, une fois Internet installé, c’était MSN.

Tu t’y connectes encore ?

Plus du tout. La dernière fois doit remonter à deux ans. Je le lançais au démarrage de mon PC.

Pour discuter avec des potes ou des inconnus ?

Les deux.

De quand date ta première adresse mail?

Je l’ai crée chez mon premier mec, et il m’a conseillé Caramail. J’avais 16 ans. J’ai appris plus tard que c’était la honte… C’était mon prénom.nom. Je l’utilise encore, car Caramail est passé sous un serveur GMX, allemand je crois. J’ai donc pu garder mes identifiants et c’est super vintage !

Quel a été le premier moteur de recherche que tu as utilisé?

J’ai dû utiliser la barre de recherche MSN qui était en page de démarrage, et aussi Lycos et Yahoo… Et maintenant Google. Je suis sous Chrome et ça m’a fait marrer que tu ne saches pas pour la barre URL qui fait aussi barre de recherche.

 Ndlr: Non mais c'est super embarassant ce truc. Je ne l'utilise jamais chez les gens pour ne pas faire ressortir leurs historiques de recherche, et j’apprécierai qu’ils fassent de même chez moi… 

Depuis quand es-tu sur Facebook ?

Depuis le début. Mars 2007, première année d’école de commerce. Je n’ai aucune idée de mon nombre d’amis, tu n’as qu’à regarder, je dois en avoir… 300 ? J’en ai viré à certains moments pour ne pas dépasser les 350. Mais maintenant je trouve ça ridicule, je n’y touche pas. J’ai beaucoup utilisé les paramètres de confidentialité. J’ai 50 vrais amis et connaissances et le reste en infos générales.

J’ai quitté FB à un moment parce que ça m’oppressait de voir la vie des gens qui réussissaient tout et moi j’avais l’impression de ne pas avancer. C’est un vrai syndrome, j’ai lu des articles dessus et je me suis dit     « Ah ouf, il n’y a pas que moi qui ressens ça ». Au moment d’une rupture où ce n’était plus gérable de lire la vie de tout le monde. Je n’arrivais pas à me dire que la vie continuait sans moi. J’avais l’impression de rater tout ce que je faisais et que leur vie à eux se passait très bien. Je suis revenue parce que je n’avais pas envie de perdre le contact. Il y a eu une pression de mes amis très très proches, ils ne pouvaient plus communiquer avec moi. Et puis je me suis dit « C’est débile, je n’ai qu’à juste pas l’ouvrir », mais ça demande un gros effort sur soi-même quand même. Avant c’était ouvert 24h sur 24, je checkais tout compulsivement. Au boulot comme à la maison, c’était Facebook Facebook Facebook, une notification et je répondais dans la minute, dans la seconde. Maintenant beaucoup moins.

Affiches-tu ton relationship status ?

Oui. Au départ j’avais pris le parti de ne pas en avoir, et après… Il y a eu un moment où, « à l’ancienne », j’ai eu envie de crier sur les toits que j’aimais cette personne-là. C’est la façon moderne de le faire ! (Ndlr : trop mignoniais). Avant, je vivais le fait de ne pas avoir de relationship status comme une force. Personne ne sait rien, et le mec est certainement frustré que moi je ne veuille pas en mettre alors que lui veut afficher la relation. Mais à un moment, je n’ai plus pu, ça allait exploser, j’ai eu besoin de le dire.

As-tu des amis Facebook que tu ne connais pas IRL ?

Oui. Je les ai rencontrés sur Chatroulette. Et des gens m’avaient ajouté sur MSN, je ne sais pas d’où ils me connaissaient. En 2007, quand on était aux débuts de Facebook, il y avait genre cent personnes à Lille dessus. Les profils étaient tous ouverts et publics. (Ndlr :  je  te  parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître). Y’a deux mecs d’une école d’ingénieurs qui m’avaient ajoutée. J’ai fini par les rencontrer deux ou trois ans plus tard. Ils m’avaient ajoutée car ils voulaient rassembler tous les étudiants lillois qui étaient sur Facebook. Puis ils m’ont invitée à leur pendaison de crémaillère parce qu’on discutait bien sur FB et MSN. Ils étaient en couple tous les deux, il n’y avait pas d’ambiguïté.

As-tu des interactions sur Facebook avec des gens que tu vois tous les jours ?

Je vois très peu de monde tous les jours ! Je n’ai pas de famille sur Facebook. Je voulais avoir mon frère pour l’espionner mais il a refusé…

Et à l’inverse, des interactions avec des gens que tu vois deux fois par an ou moins ?

Oui, par exemple des potes de Terminale que je ne vois plus du tout. Mais je suis toujours intéressée de savoir ce qui leur arrive, ce qu’ils postent… Et vice versa. On ne garde contact que de cette manière-là. Une fois par mois, à peu près. On ne se raconte pas nos vies directement : c’est en commentaire d’une photo, d’un truc qui se passe… Jamais par inbox.

As-tu un smartphone ?

Oui, depuis peu. Depuis sept mois. C’est un Samsung Galaxy. J’ai cru que ça allait vraiment modifier mon rapport à Internet, et au final ça a surtout changé ma consommation de Foursquare. Je pensais que j’allais beaucoup plus tweeter, et finalement j’ai abandonné Twitter. Enfin, j’y suis toujours, mais je tweetais plus quand c’était depuis un PC fixe. Je suis sur Twitter depuis deux ans et demi à peu près, c’est un pote qui m’a poussée. J’essaie d’avoir un équilibre entre le nombre de followers et de gens que je followe. C’est-à-dire que je ne me sers pas de Twitter pour chercher des infos supplémentaires que je n’ai pas ailleurs. Je m’en sers pour suivre mes potes, pour voir ce qu’ils postent, et aussi suivre des bloggeurs et bloggeuses que j’aime bien, comme Titiou Lecocq de Girls & Geeks par exemple. Je dois suivre soixante personnes et je suis suivie par cinquante. Sachant qu’il y a plein de spams parmi mes followers évidemment.

As-tu un blog ?

Oui, depuis sept mois. C’est un blog « défouloir » que j’essaie de garder secret : je n’ai pas envie qu’il soit découvert par la famille, le boulot… J’écris pour mes amis avec qui je n’arrive pas à rester en contact et qui ont peut-être envie d’en savoir plus qu’un simple statut Facebook. Et j’écris aussi parce que j’aime écrire et que ça manquait… Je suis sur Overblog parce que ça avait l’air sérieux. J’ai déjà fait plein plein d’autres blogs (deux ou trois). J’avais même eu un Skyblog ! A l’époque c’était sensé être le plus facile et c’était bien sûr gratuit. C’était en 2006. La première fois que j’avais Internet en haut débit ! Ensuite j’ai eu un blog sur Hautetfort, un blog très intime que je n’ai partagé avec personne ou presque. Et un autre blog sur Blogger ou Blogspot.

As-tu un compte Youtube ?

Oui, depuis très récemment. J’ai fait un lipdub pour le boulot (quand j’étais stagiaire) et je voulais partager la vidéo avec tout le monde. Donc je l’ai mise sur Youtube et j’ai dû me créer un compte. Je n’ai que cette vidéo-là-dessus. J’ai rajouté mes amis qui ont un compte Youtube, notamment un qui est compositeur et chanteur. Je l’écoute régulièrement, dès qu’il poste une nouvelle vidéo.

Est-ce que tu navigues tous les jours sur Internet ?

Oui, via mon smartphone.

Est-ce que ton métier requiert que tu ailles sur Internet ?

Non, et justement, je l’ai un peu choisi pour me désintoxiquer d’Internet. Parce que dans tous mes stages, j’étais 100% du temps sur le Web (sur les sites autorisés en tous cas). J’ai même cherché des moyens détournés d’accéder à des sites interdits par la boîte. Il me fallait mon Facebook, mes mails perso, Twitter… Finalement, maintenant, je me rends compte que je n’en ai pas besoin. La transition avec le smartphone a fait que je savais que je pouvais avoir tout ça à proximité sans être obligée d’aller tout le temps dessus, donc ça m’a désintoxiquée. Quand j’avais un fixe, j’allais directement sur ces sites en me disant       « Dès que j’ai plus de fixe, je ne pourrais plus y accéder parce que mon téléphone portable est vieux et n’a pas Internet ». Maintenant que je sais que j’ai tout ce que je veux en permanence avec moi, j’y vais moins.

Quelle est ta routine quotidienne du Net ?

Au réveil, je vais sur le Web via mon smartphone. Je regarde Facebook et surtout mes flux RSS. 9gag également. Je regarde tous les posts parus depuis la veille, ça me permet de me réveiller en douceur ! Souvent il n’y a pas grand-chose sur Facebook le matin à 6 heures…

Est-ce que tu télécharges ?

Non, je ne sais pas comment faire, c’est la honte…

Alors, est ce que tu regardes des programmes en streaming ou replay ?

Je regardais sur Mégavideo (R.I.P). Maintenant, j’ai trouvé un nouveau site équivalent. De

toutes manières je n’ai pas trop le temps, et quand je suis à l’hôtel, je n’ai pas une assez bonne

connexion.

As-tu un lecteur MP3 ?

Oui. La musique qu’il y a dessus, je l’ai obtenue par échanges de fichiers. Des gens m’envoient un album par mail, ou bien je récupère de la musique sur les PC de gens que je connais, par clé USB… Je n’ai jamais acheté de musique en téléchargement.

Pratiques-tu le sexting ?

Pas spécialement. Le sex-mailing ? Ouais, peut-être (Ndlr: la tendre moitié de l’interviewée est présent). Par vidéo sur le téléphone, oui par contre.

Fréquentes-tu des sites pornographiques ?

Oui. Enfin, maintenant plus du tout, mais quand j’étais au chômage, oui. Aujourd’hui, j’ai difficilement un accès régulier au Net, je suis souvent crevée, j’ai très peu de temps à passer sur Internet. Je l’ai fait par curiosité, par envie de voir des trucs différents. Mais c’était à des périodes précises de ma vie. Du coup, c’était très obsessionnel…

As-tu déjà dragué sur Internet ?

Oui, à de multiples reprises ! Sur MSN, sur Facebook… On peut draguer où on veut, du moment qu’on veut draguer ! Sur Adopteunmec… Pas sur Meetic : je me suis inscrite mais je n’ai pas dragué dessus. Par mail aussi. Beaucoup par tchat. Sur Chatroulette aussi. Avec des gens que je connais comme avec des gens que je ne connais pas. Sur Facebook, ça peut être des amis d’amis ou des gens que j’ai croisés… Avec l’intention de me divertir et de voir. Et aussi pour me rassurer. J’étais un peu angoissée par le côté physique, et là il est absent. Déjà, voir s’il y avait une connexion qui se faisait, intellectuellement parlant.

Ca a marché ?

Ca dépend des fois. Sur le moment, c’est assez enivrant. Et derrière, c’est un peu un flop quoi.

Joues-tu aux jeux vidéo ?

Plus maintenant par manque de temps, mais j’y ai joué. Mon premier jeu vidéo, c’était les Sims. J’adorais ! J’avais le code Klaposus, Rosebuds (transcription  phonétique  et  hasardeuse) pour avoir l’argent illimité. J’achetais des meubles, je décorais, je faisais mourir des gens, je faisais naître des gens, je faisais vivre des gens en collocation… J’étais fan ! L’été, il faisait beau dehors, y’avait la piscine, et mes parents disaient       « Sors ! » Et je répondais « Non, y’a les Sims, ils vont mourir, ils vivent sans moi ! » Avant de jouer sur PC, j’ai eu un Gameboy. Je jouais à plein de jeux. J’en ai très peu fini, mais j’y passais des heures et des heures. En noir et blanc, c’était horrible pour les yeux. Ensuite, j’ai eu une PS1. J’ai joué à des jeux que je n’appréciais pas forcément. Puis j’ai eu un Gameboy color. Mes jeux préférés, finalement, ont été ceux où les graphismes n’étaient pas si élaborés que ça.

Pratiques-tu le social gaming (jeux sur Facebook) ?

Oui, au grand désespoir de tout le monde ! J’étais contre, je trouvais ça débile, je détestais les gens qui m’envoyaient des invitations, je ne comprenais pas ce qu’ils trouvaient dans ces jeux. Quand j’étais au chômage, je me suis fait attraper par un truc historique, genre l’Empire de quelque chose… C’est horrible ce truc, il faut se connecter toutes les deux heures pour que ça fonctionne, faut avoir des amis, faut s’échanger des choses et tout… C’était sur pression d’une amie qui n’avait rien à foutre que je me suis inscrite… (Ndlr : Ah ben je me  reconnais maintenant! Désolée... Pour ma défense, j'étais en  Erasmus. Et  j’ai  également  parlé  de  mon  expérience  traumatisante  ici). J’ai beaucoup rigolé au début, et à un moment j’ai eu une pression inverse de gens qui disaient « Bon, il faut que tu arrêtes de nous envoyer des invitations là… » Un jour, j’ai eu une vie pendant ma période de chômage. J’ai dû m’absenter quarante-huit heures sans pouvoir récolter mon blé qui pourrissait. Je me suis dit « Ca sert plus à rien ». Donc j’ai arrêté, mais j’ai reçu des spams pendant dix ans après…

Paies-tu une connexion Internet ? Ou bien consommes-tu juste sur ton smartphone ?

J’ai un abonnement smartphone. Ensuite j’ai le PC du boulot avec une connexion clé 3G. Il y a aussi le Wifi des hôtels… Et depuis que je suis retournée chez mes parents, je les ai un peu forcé à prendre l’ADSL. Je l’ai depuis 2011 seulement ! Il n’y a pas la télé avec mais il y a le téléphone. Je crois que ça coûte 26 euros chez Orange. C’est l’arnaque, mais c’est le seul truc que mes parents ont accepté de prendre. Je leur ai proposé de payer, mais c’est débité du compte de ma mère, je ne sais pas pourquoi. Je serais prête à payer trente euros maximum pour un pack tout compris Internet+TV+Téléphone. Avec une connexion non bridée évidemment.

Comment te représentes-tu Internet ?

Internet, pour moi, c’est un peu effrayant, parce que c’est assez infini. Il y a de l’hyperlink partout et c’est une jungle dans laquelle tu sautes de liane en liane… Tu commences sur Youtube, et tu vois une vidéo, puis une autre vidéo, puis le lien vers un blog, vers un autre blog, et puis tu arrives sur une page Wikipedia et puis sur un site pro et puis sur un autre blog… Et tu ne sais pas où tu vas, tu peux passer un après-midi à sauter de liane en liane !

Qu’est ce que tu aimerais dire aux Internets ?

Qui est Internet ? Qui êtes-vous ? Bonjour ! Allô ? Tu veux coucher avec moi ce soir ? C’est ce que je leur dirais pour les draguer… Non, non, retire ça, rewind… Mais ya pas de responsable d’Internet, ya des Anonymous partout ! Ah, à Internet en général ? Je cherche. Ah, si. Aimez un peu plus votre prochain. Je prends l’exemple de Keenan Calhill qui s’est fait descendre par tout le monde, et tous ceux qui prennent des initiatives un peu personnelles et à part et qui tout de suite se prennent des critiques dans la gueule, que ce soit bien ou mal. Haters gonna hate. Eh bien moi je hate les haters.

As-tu une question à me poser pour finir ?

C’est qui le random user n°2 ?

Vous vous en doutez, je n’ai pas répondu.