Shame on Steve
Publié le 16 Décembre 2011
Avant-hier, je suis allée voir Carnage au cinéma. Pas trop mal. C’est tiré d’une pièce de théâtre de Yasmina Reza, donc c’est un huis-clos verbeux, tout est dans les dialogues. Deux couples se rencontrent car le fils de l’un a frappé le fils de l’autre. Ils finissent par échanger leurs visions de la vie, à se balancer des horreurs au visage, à envoyer paître les convenances. Efficace. Beau jeu d’acteurs : Kate Winslet en femme d’affaires étouffée par son mari, Jodie Foster en bobo relou, Christoph Waltz en avocat véreux et cynique, et John C. Reilly en faux gentil.
Et hier, je suis allée voir Shame avec trois cinéphiles avertis. On a eu droit aux bandes-annonces de trucs plus nuls les uns que les autres. Ghost rider, l’esprit de vengeance : moi aussi, je voudrais me venger contre mon chirurgien, si j’étais Nicolas Cage. Félins, de Disney : mi-film, mi-documentaire animalier, on suit un roi lion, sa femme et une famille de guépards qui se battent pour leurs familles et leurs territoires, notamment contre des hyènes… Ca ne vous rappelle rien ? Même les noms ressemblent à ceux du dessin animé : Kali pour le roi, Layla et Sita pour les femelles… Ca a l’air moins rigolo que le Roi Lion. Des vents contraires, un mélo français classique. La bande-annonce suit un format que je déteste : elle entrecoupe des images du film avec des opinions de spectateurs recueillis après une projection. Des gens avec lesquels je doute avoir le moindre goût cinématographique en commun répètent qu’il y a « de l’émotion », des « sentiments », « j’ai même pleuré ». En trois phrases, j’ai su que je n’irai pas voir ce film.
Bon, après ces trois navets annoncés, place à un grand moment de cinéma. Ou pas. Shame porte bien son nom, parce que quand tu sors tu as honte pour le réalisateur (un dénommé Steve McQueen), le producteur, le distributeur, leurs mères respectives, les spectateurs qui ont payé leur place et tu as même honte de toi, d’être allé voir cette nullité. En même temps, tu ne savais pas. On t’a surtout vendu Michael Fassbender. Pour ceux qui ne visualisent pas bien, voyez plutôt. Je dois avouer qu’à ce niveau-là, on ne m’avait pas menti.
Au début du film, Michael se balade à poil dans son appartement. Jusque là, rien de choquant. Il est chez lui, il fait ce qu’il veut. Il écoute son répondeur où une fille lui laisse des messages flippants en lui demandant où il est. Ben il est là, il va et vient dans le plus simple appareil, il fait pipi, il est nature quoi. A ce propos, je tiens à signaler que quand on le voit de face, ça fait un choc… Les deux autres filles et moi sommes unanimes sur ce point : Michael, il en a une grosse. C’est peut-être parce qu’il en est très fier qu’il passe et repasse à poil devant la caméra. Coucou, coucou, tu veux voir ma bite ? Oui Michael, c’est bon, on l’a vu, elle est très jolie, tu peux la ranger maintenant.
Oh non, il va encore nous la montrer!
Michael fait l’amour avec une fille dans son lit. Puis il va bosser. Dans le métro, il regarde vaguement une blonde mignonne. La blonde mignonne lui sourit. Le dévore des yeux. Croise haut ses jambes. Sort la pointe de sa langue d’un air mutin. Bref, fait la chaudasse. Moi j’ai jamais vu ça sur la ligne 7 le matin. Des Michael qui matent à tout va, oui, ça j’en ai vus (pas la partie « je ressemble à Michael Big Dick Fassbender », juste la partie « Je déshabille les filles du regard comme un vieux dégueu »). Par contre, des filles réceptives, jamais. Comme elles sont dotées d’une once de bon sens, elles détournent généralement le regard pour éviter les frottements intempestifs et les demandes de 06 maladroites.
Le fameux regard fixe de Michael.
Mais Michael BD, c’est son lucky day, la fille est au taquet pour la cabriole. Pendant cinq minutes, on alterne plan fixe sur Michael qui fixe la fille, et plan fixe sur la fille qui fixe Michael d’un air lascif. C’est bon, on a bien compris ce qui se passe, merci Steve. Puis tout à coup, patatras : la fille se lève et se rappelle qu’elle est mariée. Comme je vous le dis : elle baisse la tête et oh que vois-je à mon annulaire gauche, une alliance ? Du coup, elle fait brusquement la gueule et elle fuit à toutes jambes quand BD passe enfin à l’action. Pas évident de draguer une amnésique chronique.
Michael arrive donc à son travail. Comme vous vous en doutez peut-être, il ne travaille pas au super 8 ou à l’association du quartier. Il bosse à New York dans une tour tout en verre, même les murs intérieurs (impossible de se curer le nez discrètement). Au bout d’une heure et demie de film, je n’ai toujours pas compris en quoi consiste son travail. Il a un grand bureau, un téléphone, un ordinateur, et il partage un bureau de vingt mètres carré avec seulement UN collègue. A titre d’information, nous sommes en ce moment même sept à se partager cette superficie. Quand son ordinateur met une semaine à être réparé, ça ne l’empêche aucunement de bosser, ce qui est étrange. Les métiers de bureau où il n’y a pas besoin de l’informatique, c’est rare. Du coup, Michael passe son temps à se faire des cafés et à se branler dans les toilettes. Steve, as-tu déjà mis les pieds dans une tour de la Défense ? Non ? Dommage. Car tu aurais ainsi rencontré de vrais chefs, de la vraie vie, avec un costume cravate, des choses à faire et une attitude professionnelle. Pas des glandus affalés sur leur bureau, qui skypent leur fils pendant leurs heures de travail et qui insistent pour sortir avec toi le soir, comme le boss de BD.
Le boss est au milieu, très déçu que la blonde ait payé pour la tournée. Avec quel move enchaîner?
Leurs sorties entre mecs du boulot ne sont pas piquées des hannetons. Boss essaie de draguer une meuf en costume masculin (il adore les femmes en costume masculin), mais il échoue lamentablement. Michael, qui n’a pas échangé trois mots avec la fille, est pris en stop par elle à un feu rouge et finit par lui faire l’amour sur une espèce de quai désaffecté. Bonne technique de drague de BD, qui en ne parlant pas évite de révéler au monde sa platitude.
Quand Michael rentre chez lui après son sport en plein air, il tombe sur sa sœur qui se douche chez lui. Du coup, ils ont une conversation de cinq minutes alors que Carey Mulligan (alias Sissy la petite sœur) est à oilpé. Ils sont très à l’aise avec la nudité, chez les Michael/Carey. La sœur décide de squatter quelques jours le grand appart de BD.
Le lendemain, Boss veut sortir alors Michael le traîne au concert de sa soeurette. Magnifique plan fixe de cinq bonnes minutes sur le visage de Carey pendant qu’elle chante New York New York en piano voix, en utilisant la technique bien connue dite « de Carla Bruni » : chanter très très très lentement, et surtout pas fort du tout, avec un vague accompagnement mélodique de temps à autre. Ainsi, tout un chacun est bouleversé par l’émotion qui se dégage du morceau et en oublie de remarquer que vous ne savez tout bonnement pas chanter.
"Ouh punaise, c'est vraiment nul ce que je suis en train de faire."
Et donc forcément, la tactique fonctionne sur Boss, qui trouve Carey « très énigmatique » (traduction : il veut faire des trucs sexuels avec elle). Elle le ramène donc chez son frère, où ils commencent à manifester verbalement leur plaisir d’être ensemble. Michael, ça lui met légèrement les nerfs en pelote alors il va faire un petit jogging. Quand il rentre, Carey vient le rejoindre sous sa couette mais il la dégage. Clarifions tout de suite les choses : entre la sœur et le frère, il y a un truc super chelou. A un moment, Michael lui saute dessus quasiment à poil. Elle n’arrête pas de se balader en trucs transparents sans soutien-gorge. Ils ne font rien de concret, mais ce que j’ai compris, c’est qu’ils ont déjà fait des trucs ensemble.
Ca, c’est déjà pas joli-joli. Mais en fait, le sujet du film, c’est l’addiction au sexe de ce cher Michael. Il ne pense qu’à ça. Quand il croise une fille, il pense à la déshabiller. Il regarde du porno tous les soirs, parfois sans se masturber en même temps (peut-on imaginer programme moins intéressant du coup ?) Il est abonné à un service de live cam qui a l’air assez miraculeux : quand il "réveille" son ordinateur passé sur l’écran de veille, il tombe direct sur une meuf en string qui le reconnaît par son prénom et commence à se caresser, et ce 24 heures sur 24. Il a dû louer une fille à temps plein, autrement je ne comprends pas. Il tripote des filles dans des bars grâce à une formule de drague assez innovante : il leur promet de leur faire un cunni. C’est sûr, on gagne du temps, il va droit au but. Il paie aussi bon nombre de prostituées, notamment une Asiatique et une blonde avec qui il fait un plan à trois qui dure bien dix minutes à l’écran. C’est long. Surtout que bon, on n’est pas sur la chaîne XXX là. J’ai payé pour voir un (si possible) bon film, pas un film X. Donc Michael qui baise en levrette, en amazone, sur le côté, qui lèche, qui se fait lécher, qui va jouir, qui jouit (et tristement en plus, vu qu’il est malheureux d’être accro au sexe), c’est vite relou. Enfin, BD choisit aussi de promener son gros appendice dans des clubs gays où tout le monde s’envoie en l’air dans une lumière rose bien glauque. Tout ceci n’est pas tant déprimant que pathétique.
Michael, tu n'as pas été sage, tu es puni!
Une fois, au bureau, une fille « bien » (et bonne) parle à Michael au café. Elle lui dit : « Tu aimes le sucre ? » Ceci doit être un message codé, car on passe directement à la scène de leur premier rendez-vous. « Tu aimes le sucre ? » signifie sans doute « Ca te dirait d’aller dîner ce soir chez Jo à vingt heures en mode date ? Je te kiffe grave. » Le rencard se passe très bizarrement vu que Machine et Michael n’ont rien à se dire. Au bout de cinq minutes, BD fait de la provoc et dit qu’il ne croit ni au mariage, ni aux histoires d’amour. Machine est un peu choquée. Ensuite ils marchent dans la rue et Michael lui raconte n’importe quoi, qu’un jour quand il était petit il s’est ouvert le crâne contre le mur, bref, ta gueule Michael, c’est mieux quand tu ne parles pas, laisse ta mâchoire carrée et ton BD faire tout le travail ! Il laisse Machine repartir tranquillement chez elle, peut-être dans l’espoir de vivre un truc différent avec elle, qui ne soit pas fondé uniquement sur le sexe. Malheureusement, le lendemain au bureau, il la choppe dans un coin et l’emmène direct à l’hôtel. Et voilà, il retrouve ses mauvaises habitudes. Coup de bol, Machine est partante pour les galipettes de l’aprem. Sauf que le BD de Michael a des scrupules et le laisse tomber en pleine action. Zut.
Après une heure et quart de tout ceci, Carey (la petite sœur) tente de se suicider en s’ouvrant les veines. Michael la sauve de justesse. Du coup il jette tout, PC, magazines cochons, DVD porno, godes, préservatifs, allez zou, bon débarras ! Il reprend le métro et il retombe sur une chaudasse mariée (mais pas la même). On ne sait pas comment cette affaire se termine, puisque c’est fort heureusement la fin de ce gros navet.
Ouf, fini ce film pourri!
Voilà ! Je vous déconseille donc chaudement d’aller voir Shame. Collègue Spychopat a bien aimé, ce qui ne me rassure pas du tout sur son équilibre mental. J’espère très fort qu’il ne s’identifie pas au personnage. Dans le genre, mieux vaut relire American Psycho ou Choke (ou voir les films). Sans rancune, Steve. En espérant que ce soit ton dernier passage derrière la caméra !