Socialiser au MacDo
Publié le 16 Septembre 2011
Je me rends compte que je parle beaucoup trop de boulot, en fait. Pour le critiquer, certes, mais tout de même. Il y a des blogs où des filles racontent l’achat de leur dernier sac Prada, leur dernière sortie au Social ou au Bus Palladium, ou même leur découverte de ce petit bar trop trendy près de Répu, où elles retrouvent leur bande de potes.
C’est sûr que si vous attendiez des bons plans de ce blog, c’est râpé.
Le seul bon plan que je peux partager, c’est : à la cantine, optez systématiquement pour le plat le moins cher. Vu que c’est systématiquement pas bon, au moins ça ne vous ruinera pas. Et tenez-vous éloigné des comptables.
Avec ma « bande de potes » (ça fait très Friends de dire ça), on avait pourtant pris de bonnes résolutions pour le début de notre vie de jeunes actifs parisiens. On va sortir. On va faire des expos. On va aller au théâtre et à l’opéra. On va écumer les bar/boîtes branchouilles qui naissent et meurent en un week-end. On va faire des brunchs dans des piscines et des goûters au Père-Lachaise.
Ou pas.
Comme ça, on pourra jouer au hipster bingo!
Ca ne commence pas trop mal, généralement. On s’y prend tôt. On bloque la date une semaine à l’avance, pour être sûr de ne pas empiéter sur le cours de poterie/de suédois/de scrapbooking/d’accordéon de l’un ou de l’autre. On s’envoie une avalanche de messages Facebook du genre « Trop hâte de vous revoir ! » et « Trop cool, ça va être top ! »
Et puis c’est le jour J. Tu as passé un week-end de merde. Tu t’es couché à six heures samedi soir/dimanche matin à cause de la crémaillère de Julien. Du coup, tu t’es réveillé à dix-huit heures. Tu as larvé pendant deux heures avant d’aller prendre un mini-verre chez Simon, qui a une Xbox fraîchement munie de deux manettes. Tu es rentré à une heure parce que la partie n’en finissait pas. Puis tu as regardé le dernier épisode de Bref et le début de Shark 3D en streaming avant de finir par t’endormir, complètement déphasé.
Sharks, girls in bikinis, fake blood underwater: what's not to like?
Et aujourd’hui c’est lundi. Tu es épuisé, tu as dormi quelques heures, tu t’es habillé n’importe comment en vitesse et tu n’as pas petit-déjeuné. La journée au boulot, c’est l’enfer. Tu as failli t’endormir trois fois dans l’après-midi. Il est dix-neuf heures trente, l’heure de la libération a sonné. Tu fantasmes déjà sur la soirée sushis/canapé/ordi qui t’attend quand tu reçois un texto de Pumpitup : « Je suis en route !!! A tout de suite !!! :) :) :) »
Pumpitup, elle (ou il), elle est toujours en forme (comme Olive et Tom). Toujours partante pour n’importe quoi, elle est enjouée, dynamique, gaie, motivée, bref, elle est fatiguante. Tu hésites à renvoyer un « désolé, ce sera sans moi ce soir », puis tu te rappelles que tu as déjà raté les trois dernières réunions de votre « bande ». Tu jettes un coup d’œil à ta montre. Etre à la maison à vingt et une heures trente est encore jouable.
Sauf qu’en fait, le rendez-vous est fixé à Opéra. Paraît-il que c’est ce qui arrange le mieux tout le monde. Perso, vu que tu bosses à Créteil, rien ne t’arrange, du coup tu n’y trouves rien à redire. Vers 20h30, tu retrouves Pumpitup devant le Lancel, pomponnée, en talons et jupe crayon. Elle s’exclame devant ton pantalon froissé et tes chaussures en toile : « Tiens, vous faîtes Tuesday wear dans ta boîte ? » Vous papotez joyeusement en attendant les autres. Tu glisses subrepticement que tu « ne penses pas rester tard. » Ce à quoi Pumpitup réplique : « J’ai entendu parler d’un bar très sympa vers Notre-Dame de Lorette, c’est à côté (c’est loin). Bon, apparemment il y a un peu de monde (tu ne peux pas t’asseoir même si tu es enceinte de huit mois et demie avant minuit), mais les mojitos sont délicieux (à dix euros). » Tu te demandes comment sortir de ce mauvais pas, quand arrivent les sauveurs de toute situation délicate : les colocs.
Chacun devrait avoir au moins un ou une coloc. C’est indispensable. Les miennes sont super. Elles arrivent, elles me regardent, je les regarde, on se regarde, on regarde Pumpitup, on se re-regarde (oui, je copie Bref à l’écrit). Le miracle a lieu : elles non plus, elles n’ont aucune envie de sortir. Elles ont les épaules basses, le sac pendouillant à bout de bras, le crayon qui a coulé sur la paupière, comme moi. Et même si elles sont fraîches comme des gardons, elles ont compris que ce n’était pas mon cas, alors l’une d’elles prononce la phrase magique : « Et si on se faisait un DoMac ? »
Pumpitup a une expression d’infinie tristesse sur le visage. Elle sait qu’elle a perdu la bataille. Elle proteste un peu, pour la forme, et puis elle se met à envoyer des textos frénétiquement, en mode « Finalement j’ai pas de plan ce soir, tu fais quoi toi ??? Bisous !!! :D :D :D » Avec les colocs, on se dirige vers le MacDo de Richelieu-Drouot, où l’on a nos habitudes. On ne parle pas beaucoup en faisant la queue aux caisses. On se plaint principalement. Du boulot pour commencer. On va s’asseoir à l’étage, à notre table attitrée, au fond à droite, un peu cachée par un pilier. On dit qu’on est morte de faim et on engloutit le contenu du plateau. Et ensuite, la soirée est déjà finie.
Ou commence, c’est selon.
Pumpitup a foncé vers des horizons plus mondains, mais nous, nous glandons presque deux heures à cette table inconfortable, dans les odeurs de frites et devant nos emballages vides. On se plaint. On se replaint. Le boulot, c’est horrible. Je m’ennuie. C’est pas intéressant. Tu crois que c’est normal ? Je ne connais personne qui aime son boulot, sérieux. Si on montait notre boîte ? Ah ouais, moi je suis partante.
Et puis les mecs. Par où commencer ? Par en rencontrer, déjà. Ce serait un bon début. Sauf qu’au MacDo de Richelieu-Drouot, le choix est réduit. On s’est fait aborder par des Norvégiens bourrés une fois, mais à part ça, ce n’est pas un haut lieu de la drague. Et tant mieux. Ca nous permet de dire n’importe quoi. Une fois qu’on a fini de se plaindre, on parle de nos plans futurs. Ca vous dit un cours de pole dance ? Ouais ! Ca vous dit un brunch bio végétarien ? Ouais ! Ca vous dit la Fête de l’Huma ce week-end, y’a Avril Lavigne ? Ou… Heu, non merci. Bref, on se prévoit plein d’occasions de se revoir, en sachant qu’on fera au mieux un quart de tout ce qui est prévu. On se quitte avec un grand sourire, à l’heure où blanchit la campagne et où la night commence à peine pour Pumpitup, rassérénées, détendues et rassasiées.
Parce qu’on a beau dire, en semaine, un bon Domac des familles qui te fait rentrer à 22 heures et qui te change les idées plus efficacement que Crazy Stupid Love (pas ouf), ça fait toujours plaisir.
Sinon, l'expo 8 Bit Champions a l'air géniale!