Wannabe entrepreneur (1)
Publié le 21 Septembre 2012
Salut les copains ! Désolée pour le silence radio cette semaine, mais elle fut riche en rebondissements (ou pas). Lundi/mardi, Collègue Blonde a dû me former en quatrième vitesse, puisqu’elle se carapate vers d’autres cieux plus gris (Vélizy) ce soir. Et moi, je suis en formation depuis mercredi. Sauf qu’à partir de hier midi, prise de frissons de fièvre intense qui me faisaient claquer des dents, j'ai soigneusement séché, en priant pour aller mieux lundi. Donc je n’ai pas grand-chose de croustillant à raconter sur la formation proprement dite. Le sujet était encore une fois palpitant : le tableau des flux consolidé. Les gens étaient normaux, si on omet le fait que deux d’entre eux revenaient d’un burn-out, c’est-à-dire d’une dépression nerveuse et physique. Joie et paix dans le monde de la consolidation.
Heureusement, il se peut que si tout se passe bien, dans une poignée de mois, cet univers incroyablement fou soit derrière moi. Je chéris en ce moment un projet follement excitant : je suis en train de monter ma boîte. L’affaire avance à son rythme. Bien sûr, je n’exclue pas que pour une raison ou pour une autre (principalement une absence de financement), la démarche n’aboutisse pas. Mais j’ai décidé de vous en parler malgré les risques d’échecs, parce que j’y pense 24 heures sur 24, donc il me paraît naturel d’en faire part ici, au milieu des considérations sur le couple, les lolcats et les tableaux de chiffre. Et de toute façon, j'en parle déjà à tout le monde IRL, alors.
Vis ma vie d’entrepreneur, donc. Enfin de wannabe entrepreneur. Hier je suis allée voir la banque pour la première fois. Je n’ai pas encore de local pour ma future boutique, donc c’était plus pour nouer contact et commencer à réunir les pièces nécessaires à la constitution d’un dossier. Et aussi pour voir si le mec n’allait pas éclater de rire en entendant mon idée. Je me suis retrouvée face à un monsieur bien en chair avec une bonne tête ronde et un gros rire sympathique. Il m’a demandé si je voulais me lancer dans les sandwiches. Un peu prise de court, j’ai répondu que non, et pourquoi cette question ? Il m’a expliqué : Moi j’en vois plusieurs par semaine, des jeunes comme vous sans expérience dans la vente ou dans la gérance, qui sont persuadés de tenir l’idée du siècle. Ils se lèvent un matin et ils se disent « Mais bien sûr, j’ai trouvé la recette du sandwich parfait, avec des ingrédients importés directement d’Italie, qui vont révolutionner le marché ! » Sauf que moi je leur réponds que des idées de génie comme la leur, j’en ai vu trois la semaine dernière, et je vais en voir trois de plus la semaine suivante.
Je ne vous cache pas que ça calme un peu.
Mais bon, courageusement, j’ai expliqué vite fait mon projet et surtout mes besoins en espèces sonnantes et trébuchantes. Le monsieur dit qu’il n’a rien contre le fait de me financer, mais qu’il ne pourra rien me prêter si un organisme ne garantit pas mon prêt. Cet organisme, c’est OSEO. Il partage le risque du financement bancaire des nouvelles entreprises avec les banques, à hauteur de 40 à 70%. Concrètement, ça veut dire que si ma société pas encore crée se casse la gueule et fait faillite, OSEO assumera dans une certaine mesure les pertes subies par les banques, à qui je ne pourrai plus rembourser mon emprunt. Ils sont gentils, chez OSEO. Le truc, c’est qu’ils ne disent pas oui à tous les projets, surtout quand c’est quelqu’un comme vous qui n’a pas d’expérience du tout, oui merci monsieur, j’avais compris. Un collègue du monsieur est sollicité sur la question. Il me regarde, puis il dit « Mais, OSEO ils n’ont pas un truc spécial pour les femmes ? » Les femmes entrepreneurs peuvent être soutenues par une série de mesures destinées à crever le plafond de verre. Pas de pot, mon besoin de financement dépasse le montant maximal que garantit OSEO quand c’est une meuf qui monte sa boîte. Bon ben, poussez-vous les garçons, je rejoins vos rangs !
Le monsieur m’indique donc tous les documents que je peux commencer à réunir tout en me mettant surtout activement à chercher un local commercial. Etude de marché, présentation des fournisseurs, étude de la zone de chalandise (une fois que je sais où je m’installe), plan de financement, bilan prévisionnel sur trois ans, etc. No problem. Enfin, sauf pour tout ce qui implique les mots « capacité d’autofinancement » et « besoin en fond de roulement ». Le monsieur dit : C’est bien, vous travaillez en comptabilité financière, ça ne devrait pas vous poser de problème tout ça ! Haha. S’il savait l’ampleur du désastre. J’oublie de lui préciser que mes tableaux financiers ont été établis par mon père, comptable de formation. Je me contente de hocher la tête d’un air rassurant.
Du coup, on papote un petit peu, mais il devient évident qu’on ne se reverra que quand j’aurai trouvé le local de mes rêves. Il me dit que de toute façon, je n’y connais rien, à votre activité, le prêt-à-porter féminin, ça ne me concerne pas. Mais tant que vous ne vendez pas des armes ou de la pornographie, c’est défendable. Ah bon, parce que les sex-toys par exemple, ce n’est pas possible ? Air scandalisé du monsieur : Ah ben non hein, ça c’est pas moral ! Après, c’est vous qui voyez, mais nous on vous suivra pas. On a un client comme ça, quinze ans qu’il tient sa boutique juste à côté, et bien il doit déménager maintenant, une école vient d’ouvrir à côté, alors bon… Vous me direz, c’est nouveau ça, avant ça choquait personne… Note à moi-même : ne pas mentionner le fait que je vais peut-être vendre aussi des accessoires dits « coquins ».
A la fin du rendez-vous, le monsieur me détaille vite fait le coût des prestations de sa banque : gestion du compte professionnel, 30 euros par mois. Solution de vente en ligne sécurisée : 25 euros par mois. Terminal de carte bancaire en location : 30 euros par mois. Commissions prélevées sur toutes les ventes en ligne ou via carte bancaire. Ca va aller, oui ? Moi je vais me faire payer en espèces et les planquer sous le comptoir, c’est moi qui vous le dit ! Puis c’est l’heure de partir et le monsieur me dit « A bientôt ». Je lui demande s’il me dit à bientôt parce qu’il trouve que j’ai une meilleure idée que celle des sandwiches italiens. Il éclate de rire et il me dit : Moi, j’y connais pas grand-chose à votre machin, mais je pense qu’on va bien travailler ensemble.
Le monsieur de la banque est fort mystérieux, mais je vais prendre ça comme un encouragement.