Wannabe entrepreneur (2)

Publié le 2 Octobre 2012

Hier, je ne suis pas allée au bureau. J’ai fait une super grasse mat’ et j’ai maté tous les premiers épisodes des nouvelles séries. Not. En fait, j’avais posé un jour pour faire avancer mon projet. Mon super projet qui n’a toujours pas de nom (mais ça se précise). J’avais un nouveau rendez-vous à la banque à quatorze heures, dans une autre banque que la dernière fois. Une dame fort gentille prénommée Isabelle m’a reçue. Je lui ai raconté ma vie, mon œuvre : mon CV, mon CDI, mon salaire actuel, mon projet, mon apport personnel. Je lui ai montré mon business plan illustré et mes hypothèses de travail (elle ne savait pas comment lire un fichier sur clé USB, j’ai dû m’asseoir à son bureau et lui ouvrir le document). On a bien parlé. Elle m’a dit : Qu’est ce que vous attendez de moi ? J’ai dit : Globalement, cent mille euros. Que je vous rembourserai, bien sûr.  Et pour faire bonne mesure, j’ai ajouté : Ah oui, et un accompagnement sur le projet blablabla. Elle a dit Bon. Je crois que vous avez une idée solide, qui tient la route. Ca va marcher, votre truc

Je l’aime bien, Isabelle. Autant qu’Eric (le mec de la dernière fois).

Il se trouve que mon fameux projet, sans en dire trop pour ne pas me porter malheur, tourne autour des rondes. Des filles qui s’habillent en grande taille. Des grosses, comme on les appelle communément. Je connais pléthore de jeunes filles bien en chair, tout aussi ravissantes que leurs congénères plus minces, qui désespèrent de trouver certains articles de prêt-à-porter à leur taille. D’où mon idée. Ce qui est très drôle quand on porte un projet qui concerne les grosses, ce sont les gants que prennent les gens pour en parler. Ne serait-ce que le terme « grosse ». Je me permets de l’employer car je suis personnellement persuadée qu’il n’est en rien dévalorisant et qu’il représente un simple constat, au même titre que « brune », « mince », « avec des lunettes » ou bien « petite ». Je n’ai jamais entendu personne oser le prononcer, à part mes amis proches qui savent bien que dire que quelqu’un est gros n’est pas un jugement de valeur. Note bien que je ne suis ni pro-gros, ni anti-gros, bien au contraire. Je suis juste pour une offre équivalente pour les deux types physiques, vu qu’il y a de la demande.

http://marieclairvoyant.com/wp-content/uploads/2012/06/20100318_dove_560x375.jpg

Mes interlocuteurs, dans les banques, dans les boutiques que je visite, dans les organismes que je contacte, préfèrent parler de personnes fortes. De personnes rondes ou bien en chair. Souvent, ils préfèrent ne rien dire du tout et me regardent en attendant que je finisse leur phrase : « Des personnes… » Des personnes grosses, oui. Souvent, je dis grande taille, c’est plus simple. Les réactions sont ensuite variées. La plupart des gens passent sur le sujet sans relever, naturellement. Certains pensent soulever un problème : Mais, vous n’avez pas peur que ce soit trop segmentant ? Et ta mère, elle segmente ? Je leur réponds qu’en 2011, 41% des Françaises s’habillaient en 44 et plus. 63% s’habillaient en 42 et plus (la cible de mon offre). Que c’est donc loin d’être un marché de niche, comme je l’ai souvent entendu. Généralement, les gens hochent la tête en mode « ah non mais c’est très bien hein, moi j’ai rien contre les gros » en disant quelque chose comme C’est vrai que ça a changé. Comment ça, ça a changé ? Il y a plus de gros ? C’est possible. C’est une tendance, en tous cas. Mais par rapport à quelles mesures ? Je dois également préciser qu’il y a donc des seins de plus en plus gros. Cela peut être le silver lining, le côté positif, si on est de ceux qui voient un nuage négatif.

http://awadyasmin.files.wordpress.com/2012/04/plus-size-models-4.jpg

Puis, ensuite, on me dit Mais c’est marrant, ça, quand même, de ne faire que de la grande taille. Pourquoi ne pas essayer de toucher les 60% ou les 40% restants ? C’est dommage de s’en priver, non ? Va dire ça à Etam, Comptoir des Cotoniers ou Zara. C’est exactement ce qu’ils font, mais en sens inverse, et ça n’a pas l’air de trop mal leur réussir.

Bien sûr, il y a les cas extrêmes. Je sais très bien que le poids est souvent un sujet épineux de nos jours. Parler de problématiques grande taille réveille tout un tas de névroses ou de préjugés assez marrants. Par exemple, Isabelle de la banque. Elle a passé un quart d’heure à me parler de sa fille assez forte qui ne trouve pas de quoi s’habiller et qui commande sur Internet, avant d’embrayer sur les présentatrices télé qu’elle a vu débuter à 20 ans et puis vieillir et apparemment prendre du poids et qui veulent toujours avoir l’air raffiné et séduisant, parce que de toute façon de nos jours c’est ce que la société attend de nous, n’est-ce pas ? Si vous le dîtes. Il y a aussi les gens à côté de la plaque, comme un gérant que j’ai vu aujourd’hui et qui, à l’annonce de mon activité, a commencé à me parler de sa femme qui ne trouve rien à se mettre parce qu’elle fait du 34, et est-ce qu’il ne faudrait pas aussi faire quelque chose pour elle ? J’ai omis de lui rappeler que les femmes qui s’habillent en 34 représentaient en 2006 moins d’un pourcent de la population (lien), et qu’elles peuvent difficilement constituer un marché à elles toutes seules.

http://style-beauty.helium.com/spresources/summarypage_images/00/13/73/plus%20size1137332.jpg

Et puis il y a eu cette dame d’une obscure agence immobilière du 8eme arrondissement, qui avait une voix snobissime au téléphone. Je l’appelais à propos d’une annonce pour une boutique située vers le métro Rome. Elle m’a demandé quelle était mon activité. Je lui réponds en utilisant le terme courant de grande taille. Là, il y a un petit blanc et elle me dit : Ah oui, de la grande taille… Donc pour des personnes assez… assez fortes, c’est ça ? Effectivement, comme son nom l’indique. Je vois… Hmm… Je ne la sentais pas trop convaincue alors je lui précise qu’il s’agit d’une offre djeuns, moderne, glamour, bref, un truc de ouf. Un peu plus motivée, elle acquiesce : C’est vrai que c’est important, il faut bien qu’elles s’habillent, ces dames ! Certes. Puis elle me demande dans quel coin je cherche. Je lui réponds que je souhaite un emplacement assez central, hors arrondissements trop périphériques type 18eme, 19eme… Là, elle me dit : C’est dommage, c’est pourtant là qu’il y en a le plus ! Sous-entendu : Bah oui, c’est pourtant là qu’il y a le plus de gros, chez les pauvres ! Magique. Je n’ai pas bien su quoi répondre. Je ne pense pas entendre à nouveau parler de cette meuf, et ce n’est pas plus mal.

Et, à l’autre bout de l’échelle, il y a les super méga enthousiastes. La banquière entrevue la dernière fois qui m’a demandé ma carte quoi qu’il en soit. Et ce mec d’une autre agence immobilière, que j’ai eu au téléphone vendredi dernier. Je lui précise mon activité future, et il s’emballe : Ah, mais c’est que ça donne envie, ça ! Ca a son charme, je vous le dis ! Moi j’ai le recul et la maturité nécessaires pour savoir apprécier les bonnes choses ! Oui Monsieur, il va falloir se calmer maintenant.

http://santarendeira.files.wordpress.com/2010/03/elle-franca-plus-size-2010-01g.jpg

Demain, je te parle de mon séminaire de la mort. Et si tu es sage, la semaine prochaine, je t’explique pourquoi j’ai besoin de cent patates. 

Rédigé par Nombre Premier

Publié dans #Wannabe entrepreneur

Commenter cet article