Wannabe entrepreneur (3)
Publié le 12 Octobre 2012
Petit silence radio de milieu de semaine. Beaucoup de boulot en fait, des trucs et des machins à consolider. Des amis à voir, aussi. Collègue Blonde qui s’en va, qui fait son pot de départ, qui reçoit un sac Lancel en cadeau, qui est un peu tristoune quand même (mais qui va m’inviter à sa pendaison de crémaillère). Spychopat qui reste fidèle à lui-même, muet et mystérieux, tout en discutant finance avec Stagiaire qui arrive au boulot avec trois quarts d’heure de retard et de petits yeux encore rouges de la pinte de trop. Collègue Brune est globalement plutôt sympa. Chef bosse trop, elle est sur les nerfs, et elle ne va pas aimer la discussion qu’on va avoir la semaine prochaine.
Ah oui, parce que j’ai trouvé une boutique, au fait.
Ceux avec qui je suis amie sur Facebook le savent déjà, je n’ai pas pu m’empêcher de manifester ma joie concernant l’avancement de mon projet sur le réseau social. L’avalanche de « like » et de commentaires enthousiastes m’a mis du baume au cœur et m’a donné l’énergie de me relancer dans les nouvelles étapes qui se profilent. La recherche d’un local où installer ma boutique a constitué en elle-même un grand défi, surtout avec un autre travail à côté.
Déjà, il a fallu trouver des locaux à visiter. Pour cela, comme quand j’ai cherché mon appart, Internet fut mon meilleur ami. Pap a un site dédié aux annonces « commerciales », Bureaux et commerces. Le site Bureaux Locaux n’est pas mal non plus, mais il s’agit plus de biens gérés par des agences immobilières. Ensuite, il y a toujours le Bon coin, qui a apparemment détrôné PaP pour les apparts et les maisons. Je n’ai pas trouvé grand-chose d’intéressant dessus. En plus, les questions pratiques me turlupinaient : quand est ce que j’allais pouvoir visiter les locaux qui me taperaient dans l’œil? Le samedi si possible, quand il s’agit d’indépendants ou de boutiques encore en activité. Mais les agences immobilières, eh bien, elles ont des horaires d’agence. Quand tu évoques la possibilité d’une visite après 18h30 ou le samedi, elles te rient littéralement au nez, et je les comprends, après tout elles font leur boulot en heures ouvrées. Sauf que moi, en heures ouvrées, je suis devant Excel en train de faire des mises en forme conditionnelles.
Il y a un mois, j’ai donc pris mon courage à deux mains et j’ai appelé trois numéros de suite sur Bureaux et Commerces, bim, sans me laisser paralyser par la trouille. Visiter une boutique, moi. Quelle blague ! Je me disais que j’allais passer pour une grosse guignole et que les mecs allaient exploser de rire quand j’allais poser des questions bêtes. Malgré tout, j'ai sélectionné trois annonces qui m’intéressaient du fait de leur localisation et j’ai pris les rendez-vous à la suite un samedi après-midi.
La première boutique était située dans le Passage du Grand Cerf, derrière le métro Etienne Marcel. Chouette !
L'un des plus beaux passages de Paris!
J’ai embarqué mon amie Putafranges pour la visite. Nous sommes entrées, un peu circonspectes, dans cette petite boutique de créateur. Derrière la caisse, un monsieur et une dame d’environ quarante-cinq ans, qui nous regardaient d’un air interrogatif. Je me présente, je présente Putafranges comme mon associée. Et le monsieur est en fait super: il nous fait faire le grand tour de son domaine. Rez-de-chaussée de 20m2, premier étage de 25m2 (attention l’escalier en colimaçon, mais C’est très bien pour mettre les cabines d’essayage par exemple), toilettes et mini-kitchenette en très mauvais état, cave de 30m2 (attention l’escalier, mais elle est saine, les murs sont bien secs, et le monsieur y entrepose ses tissus sans problème d’humidité), et encore une réserve de 9m2 située dans les caves communes de l’immeuble, que le monsieur sous-loue à une boutique de bijoux située plus loin dans le passage. Nous sommes assez enthousiasmées, mais le fait qu’il y ait deux étages ne nous emballe pas. Et puis, parlons chiffres : le loyer est raisonnable, mais pas le droit au bail. Le droit au bail ou DAB, c’est ce que tu paies pour t’installer en tant que locataire dans un local commercial. Attention, c’est différent du fonds de commerce, où tu rachètes le stock à l’ancien locataire, et où tu reprends la même activité pour profiter de la clientèle constituée. Le DAB, c’est juste le droit d’obtenir la clé et de t’installer dans les murs. Ensuite, il faut aussi payer le loyer, plus un dépôt de garantie de trois mois (généralement), plus d’éventuels honoraires d’agence, plus de possibles cautions bancaires ou personnelles.
Le gros problème du droit au bail, c’est que même pour de petites surfaces comme celle que je recherchais, il peut atteindre un prix faramineux. Pour cette boutique de 20+25+30+9 = 84m2, il est relativement raisonnable : 90 000 euros. Pour une boutique de 70m2 rue de Rivoli, il peut facilement atteindre 300 000 euros, ou bien 180 000 euros pour une boutique de 50m2 dans le Marais. Comme le DAB est versé par le nouveau locataire à l’ancien, tu le récupères théoriquement quand tu quittes à ton tour un local. Mais il faut arriver à sortir cent mille euros au début de ton activité pour le payer. Autant dire que cette boutique-là, si elle m’intéresse vraiment, elle va me coûter très cher en prêt bancaire.
Putafranges demande tout de même au monsieur pourquoi il quitte les lieux. Il nous explique que lui et la dame liquident leur société car leur styliste est un incapable. Soit. Il nous demande quand nous comptons démarrer notre activité. Nous répondons Avril 2013. Ses épaules s’affaissent et il nous dit qu’il aimerait bien l’avoir loué avant, tout de même, son local. Nous acquiesçons et nous prenons congé. Plus loin dans le passage, il y a une boutique de sous-vêtements pour hommes. Nous nous arrêtons pour sonder un peu les tenanciers quant à la fréquentation du passage et à leur degré de satisfaction concernant l’emplacement. Pendant que l’un d’eux me répond très gentiment, Putafranges est hypnotisée par un string rouge orné de diamants qui pend derrière moi. C’est du joli, dis donc.
Bon, c’est pas tout ça, mais il faut filer vers une deuxième boutique. Ici, je n’ai pas vraiment rendez-vous, j’ai juste décidé de passer la voir incognito. Au fin fond d’une rue calme pas très loin de la rue Montmartre, nous arrivons devant le magasin de déco bio : il est fermé. C’est pas grave, l’emplacement ne m’emballe pas du tout. Putafranges me quitte et je poursuis seule vers la rue du Faubourg Montmartre, qui est loin de m’être inconnue puisque j’y ai habité un an en 2010, lorsque j’étais en stage. Une jeune fille avec un fort accent asiatique m’a dit de passer vers 17 heures pour visiter cette boutique de chaussures. J’arrive : clairement, le local fait beaucoup moins que les 45m2 annoncés. Il y a une cave accessible par une trappe, mais sur la trappe, il y deux étagères et quinze boîtes à chaussures, donc en fait la cave n’est pas accessible. La meuf ne parle pas vraiment le français et moi pas du tout sa langue, donc nous n’avons pas vraiment la possibilité de discuter des détails pratiques. Un peu dépitée, je sors me prendre un bon coca au petit café d’en face. Failure : 1, Nombre Premier : 0.
La semaine suivante, je fais un peu de veille sur les sites d’annonces, mais rien ne m’emballe spécialement. J’appelle quelques agences, pour leur signaler que je cherche, au cas où. Le mardi suivant, je repère une annonce qui me plaît, un indépendant quitte sa boutique dans le 17eme contre 55 000 euros de DAB, elle a été rénovée et le loyer n’est pas trop cher. Je l’appelle pour venir visiter et lui propose de passer le soir même. Il me répond que non, parce que c’est Kippour. Je lui propose samedi. C’est pas possible, c’est Shabbat. Bon, ben dimanche matin alors, même si c’est Grasse Mat normalement. A neuf heures, je suis devant le magasin, une baguette encore chaude sous le bras, vu qu’il est un peu en retard et que j’en ai profité pour faire mes courses. Son business, c’est le rachat d’or aux particuliers. La porte de la boutique est donc surblindée. Mais le local est sur deux étages, l’escalier casse-gueule, le sous-sol un peu glauque. Lui et son associé me font asseoir pour « discuter ». Ca tourne au méga-bras de fer : il veut une réponse tout de suite, si je veux le local, il faut que je me mouille, que je paie une avance comptant avant même de contacter la banque, il a déjà eu des propositions mais il veut bien faire un effort pour moi… Le baratin classique. De mon côté, c’est déjà mort, je déteste les négociateurs trop agressifs. Il m’envoie tout de même le bail par mail (je lui ai laissé ma carte), puis m’envoie un texto le lendemain, et m’appelle le jour d’après. Non, je n’ai toujours pas changé d’avis. Failures : 2, Nombre Premier : 0.
La suite (et fin !) de cette épopée lundi ! Bon week-end les amis !