Wannabe entrepreneur (5)

Publié le 23 Octobre 2012

Oh mon Dieu oh mon Dieu oh mon Dieu. Ca y est, j’ai démissionné. J’ai parlé à ma chef vendredi soir, ce matin au big boss, il faut que j’appelle les RH. Je me casse, je prends mes cliques et mes claques et je pars (fin janvier, mais je pars).

Je ne ressens aucune jubilation à cet instant présent, juste une trouille monstrueuse que je voulais vous faire partager dans le cadre de cette « série » sur l’entreprenariat. Juste pour dire qu’en fait, ce n’est pas une trajectoire d’étoile filante qui monte, qui monte, qui explose si on bosse bien comme il faut. Qu’il y a aussi des creux de vague et des abîmes sans fond si on se penche un peu trop sur le côté de la route. J’y crois pas, je ne vais plus être salariée. Je ne me suis jamais imaginée non-salariée, c’est même un truc que je pensais très fort en école de commerce : Salariée, c’est tellement plus confortable que patron, les sous mais pas les ennuis, tu es protégé de tous les côtés, haha, moi, monter ma boîte, jamais ! Et voilà où j’en suis en Octobre 2012, à surfer le Net pour comprendre la différence entre une démission et une rupture conventionnelle. En train de flipper sévère.

Du coup j’essaie de prendre de grandes respirations et de me raccrocher aux branches, de me rappeler pourquoi je fais ça, pourquoi ça en vaut la peine. Mais j’ai du mal. Les branches se rompent au lieu de se plier. Je vais faire plus d’horaires, je vais avoir plus de soucis, je vais devoir vendre pour voir l’argent rentrer. Etre payée à la performance, voilà quelque chose de totalement nouveau pour moi. Quand tu es cadre salarié comme je l’ai été pendant un an et demi, tu as des deadlines, des objectifs et du stress, mais si tu te fais une bonne grosse pause Facebook au milieu de l’après-midi, tu sais que tu pourras rester plus tard pour la compenser. Alors que là, j’ai moins de dix heures par jour pour décrocher de quoi vivre. Dix heures à l’affût, à espérer des clientes, à croiser les doigts, à racoler discrètement, à retenir mon souffle quand la fille hésite, à essayer de montrer convaincante, à ravaler ma déception quand la vente ne se fait pas, à plier mes bouts de tissus délaissés sans me laisser le temps d’être amère ou inquiète.

Ce qui est grisant, c’est l’avant, la prise de décision, la projection, les rétroplannings. C’est mon grand truc, ça, c’est ce à quoi j’ai été formée, c’est un environnement dans lequel je suis à l’aise. Ce qui ne vient pas naturellement et qui m’inquiète, c’est le réflexe de descendre la grille de la boutique le soir, c’est de compter les sous pour rendre la monnaie, d’aider une cliente à lacer son corset ou de surveiller au grain le niveau de mes stocks. C’est de scruter avec angoisse mes prévisions du mois prochain et de me demander comment je vais faire pour payer mon loyer. Ca peut paraître idiot, comme considérations, défaitistes ou bien pessimistes. Mais c’est ça qui me tient parfois éveillée le soir dans mon lit.

A quoi tient le succès d’une marque ou d’une boutique ? A un faisceau d’éléments qui coupent le marché pile poil où il faut. Avoir les bons produits, le bon emplacement, la bonne façon de communiquer. Avoir compris ce que veulent les clientes là tout de suite maintenant, et répondre efficacement à leur demande. Je n’affirme rien, hein, je m’interroge. Voilà où j’en suis de ma conception du succès d’une entreprise. Et il me semble extrêmement difficile d’avoir la bonne conjonction d’éléments à l’heure actuelle. Je doute de mon catalogue. Je doute de la qualité de certaines marchandises que je compte proposer. Je doute de mes coûts. Est-ce que je ne les aurai pas un peu sous-évalués ? Je doute de mon concept. Est-ce qu’il n’a pas déjà dix ans de retard ? Je présume de mes forces, aussi. Dans quoi est ce que je me suis lancée ? Est-ce que je vais tenir la distance ? Parce que je sais que ce lundi de janvier où je vais pour la première fois ouvrir toute grande la porte et me placer derrière mon comptoir, ce ne sera pas un aboutissement. Au contraire, ce sera vraiment le moment de faire mes preuves.

J’essaie de creuser encore un peu dans mes souvenirs, pour retrouver de ce qui m’a donné envie de me lancer dans ce projet. Pas envie de passer mes journées devant un ordinateur. Envie de travailler pour moi, toute seule, sur quelque chose qui me tient à cœur. Envie d’autonomie et de responsabilités. Pas envie d’être cantonnée à une seule mission, besoin de toucher à tout. Ok, ok, je vois. Ca tient la route. C’est cohérent. Pas de panique. Oui, je ne serai plus salariée, et alors ? Rien ne dit que je ne retrouverai pas le chemin d’une entreprise si ce projet échoue. Rien ne dit que ce projet ne va pas marcher.

En attendant, il faut profiter des avantages de la grande entreprise. Je vais aller acheter des places au ciné au CE, tiens.

Rédigé par Nombre Premier

Publié dans #Wannabe entrepreneur

Commenter cet article