Wannabe entrepreneur (6) & Reddit

Publié le 13 Novembre 2012

On parle boutique aujourd’hui, mais avant je partage deux choses. D’abord, ce lien qu’un gentil internaute (lecteur circonspect de 50 shades) m’a envoyé : '50 Shades of Grey' Fan Divorcing Husband After He Refuses to Re-Create Scenes From Book. Hahaha. Ah ouais, tu refuses de me fouetter? Ma mère avait raison, je demande le divorce! Et puis, moins drôle mais tout aussi intéressant, ce fil de discussion Reddit découvert via cet article de Jezebel, intitulé Rapists explain themselves on Reddit, and we should listen. L’auteur défend l’idée que c’est important d’entendre le point de vue du violeur en plus de celui du ou de la violé(e), car ça permet de mieux comprendre comment l’idée et le désir de viol naissent, et pourquoi le passage à l’acte se fait ou ne se fait pas. Un utilisateur du site de discussion Reddit a posté le message suivant il y a trois mois : Reddit's had a few threads about sexual assault victims, but are there any redditors from the other side of the story? What were your motivations? Do you regret it? Traduction approximative: Reddit a quelques sujets à propos des victimes d’agressions sexuelles, mais y a-t-il des utilisateurs de l’autre côté de l’histoire ? Quelles étaient vos motivations ? Avez-vous des regrets ?

Effectivement, le post (qui a reçu presque quinze mille commentaires) est passionnant à lire, tout comme l’article synthétique de Jezebel. Un échange de commentaire m’a touchée en particulier ; un mec commente et dit : This thread has been extremely insightful for me. I'm a pretty sensitive guy, and when girls avoid eye contact with me or ignore my existence in public I feel bad about myself. But reading some of the replies to this post made me realize that there's a very real reason that they're doing that. I feel totally fine with women protecting themselves and being cautious, especially now that I understand who they're protecting against. Re-traduction approximative: Ce fil de discussion a été extrêmement éclairant pour moi. Je suis un mec assez sensible, et quand les filles évitent de croiser mon regard ou ignorent mon existence en public, je me sens mal dans ma peau. Mais en lisant certaines réponses à ce post, j’ai réalisé qu’il y a une explication très concrète à leur comportement. Je me sens parfaitement à l’aise avec l’idée que les femmes se protègent et soient prudentes, surtout maintenant que je comprends de qui elles se protègent. Et une fille lui répond: Oh sweetheart, I avoid eye contact because I'm scared. I've been harassed so many times in public and I don't wanna risk drawing attention to myself. (…) So it isn't you. Re-re-traduction : Oh mon chéri, j’évite de croiser les regards parce que j’ai peur. J’ai été harcelée tellement de fois en public que je ne veux pas risquer d’attirer l’attention sur moi. (…) Donc ça n’a rien à voir avec toi. J’aime bien quand les gens, et plus spécifiquement les hommes et les femmes, se parlent sur ce genre de sujets. Rien que parce qu’un mec a réalisé qu’une fille qui évite de le regarder ne lui en veut pas personnellement mais essaie juste d’éviter un relou, ce fil de discussion a été d’une grande utilité.

http://1.bp.blogspot.com/-GGSgE5dYszc/T6LiUEBETkI/AAAAAAAAAh4/-cHbh8izwcI/s1600/don't+tell+me+how+to+dress.jpg

Bon sinon, back to the boutique (retrouvez l'intégralité des articles sur le sujet dans la catégorie Wannabe entrepreneur, sur la droite de ce texte). Le projet avance à petits pas, souvent à tâtons, avec de gros coups d’accélérateurs de temps en temps. Novembre est clairement le pire mois, ce qui fait que je dois souvent abréger ou refuser des soirées entre amis et m’enfermer chez moi comme une sœur mormonne, les yeux rivés sur mon PC, à compter le nombre de culottes que je dois acheter et à réfléchir à comment les ranger. Car le mois de Novembre, c’est le mois où je passe toutes mes commandes. Depuis fin Octobre, je rencontre mes fournisseurs les uns après les autres, pour voir déjà comment le courant passe, et surtout pour pouvoir toucher et voir les produits de plus près, pour apprendre à les connaître. Il y a des valeurs sûres, comme mes deux fournisseurs haut de gamme. Les deux commerciales sont des pros de la lingerie, et la discussion avec elles oscille entre un crash-course en bonneterie et une conversation d’initiés. Voyez, là vous avez le soutien-gorge classique en trois parties, à ne pas confondre avec la corbeille, deux parties seulement, ou le balconnet, plus plongeant. Celui-là il est moulé, pas coqué, attention ce n’est pas pareil. Vous voyez la forme du dos en cheminée ? C’est la plus confortable en général. La dentelle est de Calais, avec surpiqûres en spirale. Le tulle est doublé avec un autre tulle, mais opaque celui-là. Pour le bas, moi je vous recommande plutôt le shorty, il a une forme emboîtante qui prend bien la fesse. Ce soutien-gorge-là, ce qui est bien, c’est qu’il sépare bien les seins, mais celui-là il les rapproche, alors après c’est à vous de voir ce que vous voulez. Et puis celui-là est plus couvrant, il y a des femmes qui n’aiment pas que ce soit transparent, ou qu’on voit leurs tétons. La culotte c’est pareil, celle-là c’est une taille haute, la basse est plus moderne, mais attention à ce que ça ne rentre pas dans la hanche. Je vous déconseille le string, en perte de vitesse. Pour les teintes, vous êtes plutôt quoi ? Saphir ou melba ? Et le coquelicot, il vous plaît le coquelicot ? Parce qu’au final, j’ai beau demander des conseils, que ce soit concernant les tailles, les couleurs ou les formes, la décision finale m’appartient et elles me disent de choisir des produits que je « sens » et que j’aime, pour mieux être capable de les vendre. Dure responsabilité !

http://images.madmoizelle.com/images_contenu/2008-06/lingerie_dentelle_dessous_homme.jpg

Ensuite, il y a les fournisseurs plus expérimentaux, mais pas trop, les « moyenne gamme » assez solides même s’ils ne sont pas distribués partout. L’un d’entre eux, qui représente trois marques anglaises et américaines en France, m’a reçue à 19 heures dans son bureau du 9ème arrondissement. J’en suis sortie à 23 heures. Pendant quatre heures, il a sorti de sa grande valise soutien-gorge après culotte, me présentant rapidement chaque article et attendant mon verdict : Ca j’aime bien. Ca je n’aime pas du tout. J’adore ! Ensuite, ce fut le tour des maillots de bain, en plein mois de Novembre. Pas facile de savoir ce que les femmes vont vouloir porter en juillet prochain, mais il faut se lancer. Les maillots techniques, absolument hors de prix mais dont la promesse peut sembler alléchante : Perdez cinq kilos en dix secondes (le temps de les enfiler). Le mec me propose de passer mes deux avant-bras dans le maillot et d’essayer de les écarter au maximum. Impossible, ce tissu est pire que celui des bas de contention, rien ne doit bouger une fois là-dedans, c’est une armure sculptante de folie. Allez, j’en prends quelques-uns, on verra comment ils se vendent. Et puis les nuisettes, de beaux produits en soie et en satin tout fluides qui glissent entre les doigts, que j’imagine déjà délicatement suspendus sur un cintre en satin noir. Il y a de l’excitation, quand on tombe sur un beau produit vraiment original, qu’on est sûre de ne jamais avoir vu ailleurs et à propos duquel on se dit : Ca va être un succès. Et puis des doutes le plus souvent, sur des produits chers, moins fun, plus techniques : Vont-ils se vendre ? Vais-je me retrouver avec du stock sur les bras ?

http://images03.olx.fr/ui/16/81/67/1318149583_262047467_1-Photos-de--Jockstrap-de-couleur-rose-sur-lavant-Lingerie-Homme.jpg

Enfin, il y a les fournisseurs carrément originaux, ceux que j’ai dénichés au fin fond du Web quand je désespérais de trouver enfin un beau porte-jarretelles pas trop cher en grande taille. Généralement, ce sont de toutes petites entreprises, qui produisent localement, dans mon cas plutôt en Grande-Bretagne. Ils arrivent, comme tous les autres fournisseurs, avec une valise à roulettes pleine de leurs produits. On se rencontre parfois à la boutique (où trônent deux chaises pliables bien pratiques), parfois dans des cafés ou des brasseries. L’enjeu est donc de regarder les produits sans passer pour deux gros pervers auprès du reste de l’établissement. J’avais notamment rendez-vous avec un certain Andrew, qui représente une marque de lingerie sophistiquée tendance rétro : guêpières, porte-jarretelles, combinaisons… On avait prévu de se retrouver dans un beau café à dorures, assez chic. J’entre, je fais le tour de la salle du regard, et je vois un vieux monsieur aux cheveux blancs se lever et me faire signe. Surprise ! On s’installe, on boit un thé (origine anglaise du Monsieur oblige), et il finit par ouvrir son coffre au trésor. Tranquillement, pas gêné le moins du monde, il me fait toucher sa guêpière léopard avec de la vraie fausse fourrure, pas juste un imprimé !, sa gaine ouverte à l’entrejambe et même sa nouvelle gamme plus audacieuse à base de vinyle et de cuir, elle a eu un grand succès à Erofame à Hanovre début Octobre. Je me jure d’aller l’an prochain à ce Salon de l’érotisme mondial, parce que, comme me l’avoue pudiquement Andrew, on y voit des choses que je ne pensais jamais voir de ma vie. Andrew me confie ensuite que sa femme est sa principale inspiration et qu’elle porte tous ses produits. A peine le temps de chasser une vision de sa femme en body en résille noir qu’il m’annonce que je la rencontrerais sûrement au Salon de la lingerie fin janvier à Paris. J’ai hâte !

http://images04.olx.fr/ui/16/46/46/1318152042_262054046_1-Photos-de--Costume-Homme-panthere-Lingerie-Homme.jpg

Parfois, on a de très bonnes surprises, comme avec Andrew et ses excellents produits (même si on va attendre un peu pour le léopard, le vinyle et le cuir). Ou comme ce fabricant anglais de collants délirants que j’ai tous envie d'acheter. Mais parfois, on en a de moins bonnes, comme avec ce grossiste en lingerie polonais et ses produits absolument nuls. Heureusement que j’avais demandé des échantillons avant de passer commande. Idem pour cet autre Anglais fort sympathique, mais dont les guêpières n’ont aucune tenue.

Et puis il y a le souci des tailles « à la marge ». J’ai une petite idée des tailles qui vont se vendre le mieux. Mais je dois quand même stocker des tailles plus rares, car elles existent et car il y a une demande. Mais comment évaluer cette demande ? C’est le dilemme de la poule et de l’œuf : est ce que les distributeurs usuels ne proposent pas ces tailles ou presque parce qu’il n’y a pas de demande, ou bien est ce qu’il n’y a pas de demande quantifiable pour ces tailles parce qu’elles ne sont presque jamais proposées ? Mystère. Et boule de gomme. Alors je fais au jugé, comme un peintre qui jetterait des taches de couleur sur une toile. Un soutien-gorge par-ci, un soutien gorge par-là, roulez jeunesse. Heureusement que la plupart des marques ont un délai de réassort très court, ça permet plus de souplesse.

Enfin voilà où j’en suis en ce formidable mois de Novembre. D’ici une dizaine de jours, toutes les commandes devraient être parties, et je pourrai passer à une autre phase de ce passionnant projet : l’aménagement de la boutique physique, pendant que le site Web est tranquillement développé en parallèle. Et vendredi qui vient, on tourne le film promotionnel, hâte de vous raconter !

Rédigé par Nombre Premier

Publié dans #Wannabe entrepreneur

Commenter cet article
P
j adore
Répondre