Wannabe entrepreneur (8)
Publié le 6 Décembre 2012
Un adorable lecteur a émis l’espoir sur Facebook que je continue à tenir ce blog lorsque je n’aurai plus de travail-normal de bureau et que je serai jusqu’au cou dans mes histoires de culottes. Ce à quoi je réponds : évidemment que oui, et plutôt deux fois qu’une. Y’a intérêt à ce que je rentabilise ma connexion Orange pro dans ma boutique ! Et comme je ne m’attends pas non plus à être submergée de clients, surtout les premiers temps, je pense qu’on va se continuer à se fréquenter un moment, vous et moi. Enfin si vous le voulez bien.
Côté travail-culottes, plein de nouveautés : déjà, ma société a enfin une existence juridique. Je l’ai enregistrée en ligne auprès du Tribunal de Commerce de Paris la semaine dernière. Pour obtenir une existence légale, un numéro SIREN et un numéro de TVA intracommunautaire, j’ai dû soumettre pas moins de quinze documents différents, tous dûment signés. Dont les fameux statuts de la société, où tu dis qui fait quoi, qui a droit à combien d’actions et qui a le droit de décider d’installer une machine à café. Normalement, c’est mieux de faire rédiger les statuts par un juriste, histoire de vérifier que chacun est bien protégé au niveau de la cession d’actions, de la répartition des droits de vote au Conseil d’administration… Sauf que bon, j’ai décidé de m’en passer, parce que je suis pour l’instant la seule actionnaire. Je renverrai des statuts plus complets lorsque mon frère et ma pote me rejoindront au capital (en mars prochain).
Du coup, je me suis dit que ça allait être facile : j’ai pompé un exemple de statuts d’une Société à Actions Simplifiée et j’ai adapté à mon cas de figure. Je me suis mise Présidente-Directrice Générale (bam, ça a de la gueule quand même !) et j’ai envoyé ça au greffe de Paris, confiante.
Patatras, trois jours après, ils me rappellent : Vous ne saviez pas que dans une SAS, le Président ne peut pas être en même temps Directeur Général ? Ah non, tiens. Qu’à cela ne tienne, je mets ma mère Présidente et je reste DG. J’en informe ma mère au téléphone :
- Au fait, tu es présidente de ma société.
- Ah bon ? Mais j’ai rien signé !
- T’inquiète pas, j’ai imité ta signature.
- Ah d’accord. Et j’ai le droit de faire quoi alors ? J’ai le droit de prendre des décisions ? De négocier avec les fournisseurs ?
- Non.
- J’aurais une carte de visite ?
- Non.
(oui, je suis dans une phase Tardar en ce moment, désolée !)
- Bon ben, je sers à quoi alors ?
- A réunir le Conseil d’Administration.
- Ah, super ! Il y a qui dans ce conseil ?
- Moi.
- Et ?
- Juste moi.
- …
Mais en fait, le greffe m’a rappelée le lendemain : Bon, qu’est ce que vous avez foutu ? (ce n’était pas leurs mots exacts, mais le sens était le même). On s’en fiche de votre mère ! Vous n’êtes pas obligée de mettre un DG, alors vous allez virer votre mère des statuts et vous serez vous-même Présidente, sans DG ! Ah d’accord, c’est vrai que c’est plus simple comme ça.
Voilà donc une bonne chose de faite, je peux officiellement passer mes commandes au nom de la société. Bon, je n’ai toujours pas de carte pro, c’est le seul problème. Je suis passée à la banque vendredi dernier (j’ai pris une RTT. Il m’en reste deux et je compte bien les utiliser d’ici mon départ). J’ai rencontré l’expert en monétique responsable du 7eme, 6eme et 5eme arrondissement de Paris. Un expert en monétique, c’est un mec d’une cinquantaine d’années à lunettes et cartable qui t’explique combien ça va te coûter de gagner des sous. Au bout d’une heure et demie de discussion, nous nous sommes décidés pour un terminal de paiement fixe en boutique (le truc où tu mets ta carte et où tu tapes ton code), une connexion Orange pro illimitée (la banque se charge de tout, création de la ligne, installation de la box), et une solution de paiement sécurisé en ligne, site marchand oblige. Par mois en fixe, on en est déjà à plus de cent euros, plus trois cents euros de frais d’installation. Ensuite, il y a les commissions, pour chaque achat en carte effectué en magasin ou en ligne. Doux Jésus, il va falloir en vendre, des soutiens-gorge.
Et puis, en parallèle de tout ça, il y a l’épineux sujet des travaux. Ca y est, la boutique est officiellement en chantier. Petit, le chantier : il s’agit de peindre les murs, de coller un peu de papier peint, de mettre du lino impression parquet au sol, et de bricoler deux ou trois trucs par-ci par-là. Je travaille avec un artisan qu’un ami de mon frère m’a recommandé. Le mec est sympa, plein de bonnes idées, mais il ne faut pas le chercher. Lors de notre première entrevue, on discutait de ce qu’on pourrait faire dans ce beau local, il parle, j’ai l’impression de lui répondre, mais lui n’a clairement pas la même impression puisqu’il me dit : Vous m’avez interrompu, là, non ? Heu, non non, allez-y, je vous en prie. Je crois qu’il m’en veut à mort à cause du choix du sol. Ça a été un peu une epic battle, cette histoire. Premier contact, on se demande quoi mettre au sol de la boutique. Un truc pas trop salissant et résistant, évidemment. Il propose du parquet, je dis pourquoi pas, j’attends de voir le devis. A la réception de ce dernier, je me rends compte qu’entre les plinthes, l’isolation et le parquet en lui-même, même clipsé, il y en a pour 4 500 euros. Gloups. Je consulte mon architecte (aka mon père), qui me suggère le sol en lino imitation parquet. Certes, c’est moins beau, mais c’est pratique à nettoyer, et comme j’ai un bail précaire, je ne suis dans ce local que pour 23 mois de façon certaine. Pas vraiment la peine d’investir, donc. J’en parle à l’artisan, qui prend ça comme une attaque personnelle et qui baisse donc le prix du parquet, pose incluse, à trois mille euros. Ah. Je réfléchis, je fais un devis grosso modo pour le lino : ça se monte à la moitié du prix du parquet. Ça ne paraît pas forcément énorme comme différence, mais ça me paiera mes meubles. J’annonce ma décision à l’artisan, en redoutant sa réaction. Le pauvre est en plein déni : il me répond qu’on verra plus tard pour le sol, que j’ai le temps de bien réfléchir pour le parquet. Je n’insiste pas, je sens bien que ça lui ferait trop de mal.
Sauf qu’à force de prendre mon temps, ça devient urgent d’acheter les matériaux. Vendredi dernier, me voici donc au Leroy Merlin de Rambuteau à l’ouverture, bien décidée à repartir d’ici avec mon lino sous le bras. Pas de chance, ils ne le font que sur commande : il arrivera mi-décembre. Ah. Je suis tellement désemparée que j’envisage de repasser au parquet, ce qui ferait jubiler l’artisan. Mais en passant devant le Saint Maclou boulevard Sébastopol, prise d’une inspiration subite, j’entre : ils ont du lino, il est plus beau que l’autre, ils peuvent l’avoir sous une semaine. Joie tellement énorme que j’achète les deux rouleaux nécessaires et que je paie immédiatement en carte bleue (ce qui m’a valu de dépasser mon plafond, mais bon, c’est un détail). J’appelle l’artisan pour lui faire part de la nouvelle : il m’engueule. Non mais vous vous êtes précipitée là, c’est pas une bonne idée, ça va rien rendre. Vous auriez dû plus réfléchir, c’est idiot. Et ta mère, elle est idiote ? Après vingt minutes de discussion, il se remet de ce coup fatal et rend les armes : ce sera donc du lino. Moche ou pas moche.
Spéciale dédicace à mon gentil frère qui, en plus d’être le papa du plus chouette neveu de la Terre, est aussi quelqu’un de bien : il m’a conduit jusqu’au Leroy Merlin de Saint-Denis un lendemain de mariage pour acheter le papier peint (ils n’avaient plus celui que je voulais à Rambuteau. D’un autre côté, ils ne l’avaient plus non plus à Saint-Denis, j’ai fini par en prendre un autre). Durant le trajet aller, mon frère marmonnait : Mais c’est pas possible, qu’est ce qu’ils font tous ces gens en voiture le dimanche aprem ? Pourquoi ils font pas la sieste ? Et puis, arrivé au Leroy Merlin : Je sens que ça va être long… Je te préviens, tu te dépêches. Et puis, quand la dame me dit qu’ils n’ont pas le papier que je veux et que je fais une tête comme celle-ci :
Bon, t’inquiète pas, on va bien chercher, on va en trouver un encore mieux. Quand je me décide pour un autre papier effectivement beaucoup mieux au bout d’une minute de recherche : Ah ? Déjà ? Heu… parfait ! Quand on passe devant les rideaux et qu’il est pris d’une inspiration subite : Tu sais ce qui serait cool ? C’est que tu mettes des cordons à pompons aux rideaux de ta cabine. Ca fait classe. Quand je n’arrive pas à me décider entre deux cordons : Prends plutôt celui-là, il fait plus raffiné. (???) Quand on repart en voiture sur le périph : Mais c’est pas possible toute cette circulation, sérieux, qui va à Leroy Merlin le dimanche ? Tout le monde, grand frère, tout le monde. Et encore, tu n’as pas encore fait Ikea le dimanche après-midi. Vivement ce week-end !
Promis, dans le prochain post, on ne parle pas de boulot.