When I grow up, I want to be a reply girl
Publié le 12 Mars 2012
-Qu’est ce que vous faîtes dans la vie ?
-Je suis reply girl sur Youtube.
-Ah. C’est une bonne situation, ça, reply girl ?
-Vous savez, moi je ne crois pas qu'il y ait de bonnes ou de mauvaises situations. Moi si je devais résumer ma vie, aujourd'hui, avec vous, je dirais que c'est d'abord des rencontres…
Depuis mai 2011 (d’après Knowyourmeme), des filles à gros seins ont compris comment faire de l’argent avec leurs gros seins, sans devenir travailleuses du sexe. Ce sont les reply girls de Youtube. Voici par exemple l’Américaine Megan Lee Heart alias Meganspeaks, la Canadienne Alejandra Gaitan alias The Reply Girl, Laura et ses différents pseudos, dont Lauradefined…
Leur business model ? Elles postent des commentaires vidéo, c’est-à-dire des vidéos qui réagissent à une autre vidéo et qui viennent s’afficher parmi les recommandations à droite, ou bien en dessous. Comme ici. Lorsqu’un internaute clique sur un commentaire vidéo, il atterrit sur la page de la chaîne Youtube de la reply girl, où celle-ci se rémunère avec la publicité qui s’affiche. Pourquoi l’internaute clique ? Parce qu’il voit une paire de seins à l’écran. It’s just the way the human brain works, affirme Alejandra Gaitan. Les seins attirent le chaland, qui croit tomber sur du sexy made in Youtube (c’est-à-dire suggestif mais pas porno). Et là, pas du tout, il tombe sur une fille assise sur son lit, qui donne son avis en trente secondes sur une autre vidéo Youtube, avec un cadrage certes soigneusement élaboré (angle avantageux pour le décolleté). Et la reply girl se rémunère sur les publicités présentes sur sa page, vu qu’elle génère beaucoup de trafic. Youtube interdit à ses affiliés (ceux qui bénéficient de son programme de publicité) de communiquer leurs revenus. Cet article de Gawker estime qu’une de ses vidéos à audience moyenne –moins de 5 000 vues- lui rapporte environ 100 dollars. Les vidéos vraiment populaires –autour de 500 000 vues- rapporteraient 1 000 dollars. Rien de mirobolant, mais sachant qu’elle publie autour de dix commentaires vidéo par jour, ça peut représenter une belle somme. Le record d’Alejandra : près d’un million et demi de vues pour cette vidéo.
On s’en doute, les propos des reply girls ne sont pas bien passionnants. Et pourtant, comme les internautes cliquent sur leurs seins, leurs vidéos sont toujours bien placées parmi les recommandations de la vidéo qu’elles commentent. En outre, l’algorithme de Youtube joue en leur faveur : ces filles reçoivent de nombreux thumbs down, soit des votes négatifs des spectateurs. Mais Youtube ne fait pas la différence entre les thumbs up et les thumbs down pour mesurer la popularité : il compte simplement le nombre de votes. Haters gonna hate : les reply girls sont donc constamment en tête de gondole, en partie grâce aux internautes qui déploient tant d’énergie à les conspuer. Comme le dit Alejandra Gaitan sur sa chaîne Youtube: The more attention/hate I get, the more my channels will grow, the stronger I’ll become.
Un florilège des commentaires adressés à The Reply Girl aka Alejandra Gaitan.
Pourquoi donc ce déferlement de haine de la part des internautes? Déjà, ces commentaires vidéo sont complètement inintéressants. Ensuite, pour le mâle moyen par les boobs alléché, ils constituent de la publicité mensongère. Quoi ? Cette fille garde son T-shirt ? Tromperie sur la marchandise ! Et enfin, le fonctionnement de l’algorithme youtubien commence à sérieusement taper sur les nerfs des artistes pour qui le site constitue une plateforme de diffusion et de communication privilégiée. Par exemple, notre chère Alejandra commente souvent les épisodes de la web-série Yogcast, ce qui fait que sa paire de seins apparaît sans cesse dans les recommandations, au milieu des épisodes précédents et suivants de la série, par exemple. Les internautes cliquent sur le décolleté au lieu de cliquer sur les vidéos Yogcasts, qui perdent des spectateurs potentiels. Mouais. J’ai envie de dire : c’est le jeu, braves gens. L’algorithme a été construit ainsi. Ces reply girls exploitent avec intelligence (bien que sans scrupules et sans classe) une faille dans le système. You go, girls.
Oui enfin, ne te penche pas trop en avant quand même, ça va déborder.
Sauf que Youtube a décidé de riposter et de modifier sa méthode de calcul et d’affichage des recommandations, ce qui devrait signer la fin de l’ère des reply girls. Le site a fini par réagir suite aux multiples demandes des chaînes concernées par le phénomène, mais aussi suite aux plaintes des internautes lambda. Des commentaires vidéo anti-reply girls ont fleuri un peu partout, certains atteignant les 500 000 vues, voire le million ! C’est devenu super trendy de se plaindre de ces filles et de leurs deux seins. Pourtant, Alejandra Gaitan affirme avoir des fans qui la suivent depuis le début. Elle pense donc ouvrir sous peu une chaîne de vlog (video-blogging). Son autre projet : une série de vidéos intitulées Kill the reply girl, où elle mettra en scène sa propre mort de façon répétée, selon les suggestions/menaces de ses commentateurs. Plutôt fine, la mouche.
Depuis peu, et plus pour longtemps, on peut effectivement gagner de l’argent sur Internet sans montrer (entièrement) ses seins. Mais la roue tourne. Pas la peine de sortir les décolletés les filles, reply girl n’est décidément pas une carrière d’avenir.
-Qu’est ce que vous faîtes dans la vie ?
-Je suis consolidatrice.
-Ah. C’est une bonne situation, ça, consolidatrice?
-Vous savez, moi je ne crois pas qu'il y ait de bonnes ou de mauvaises situations. Moi si je devais résumer ma vie, aujourd'hui, avec vous, je dirais que c'est d'abord des rencontres…