Anatomie du stagiaire (2)
Publié le 26 Septembre 2011
Paraît-il qu’il a fait beau à Paris ce week-end. Je ne saurais vous dire, je suis allée faire un tour outre-Manche, où je me suis découverte une nouvelle passion : les dim-sum. Ce terme signifierait « collation » en cantonais et regroupe en fait tout un éventail d’exquises bouchées à la vapeur à partager joyeusement en bonne compagnie. Je ne saurais vous dire ce que j’ai mangé, mais c’était juste magique. J’ai déjà repéré plusieurs potentielles bonnes adresses à Paris. Je cherche des volontaires pour les tester avec moi, alors qui aime les dim-sum me suive !
Sinon, je pense que le lundi, c’est un bon jour pour une anatomie des stagiaires – part 2 (part 1 ici).
- Timide le stagiaire
On est
d’accord, un peu de timidité en arrivant en stage dans une équipe, une entreprise et un poste que l’on ne connaît pas, c’est tout à fait normal. Mais il y a des limites. Timide, c’est celui dont
personne n’a retenu le prénom, même six mois après. « Mais si, tu sais, le stagiaire de Truc, là, celui qui ne dit jamais rien ». Alors certes, il a l’air gentil, il sourit à profusion,
mais on n’a jamais entendu le son de sa voix. Il préfère envoyer un mail à une personne travaillant au bout du couloir plutôt que d’aller la voir directement. Même les autres stagiaires ne le
situent pas bien, vu qu’il déjeune rarement avec eux et ne prend jamais la parole. Il travaille efficacement et ses chefs en sont contents, quand ils arrivent enfin à associer le prénom au
visage. Sur son évaluation de stage, il y aura marqué « Bon élément, mais manque d’assurance ».
- La boîte à cookies
Elle, c’est la morfale du coin. Elle a toujours un truc à manger. Son
tiroir du haut lui sert de garde-manger : brioche Pasquier, cookies, tablette de chocolat, bonbons… Il n’y a qu’à se servir. Comme elle n’est pas radine, elle en propose à tout le bureau. Un
peu comme Karadoc dans Kaamelott, elle a plusieurs casse-croûtes dans la journée : elle commence par dévorer un pain au
chocolat en arrivant (« J’ai pas eu le temps de petit-déjeuner », s’excuse-t-elle, en crachant plein de miettes). Puis elle enchaîne avec un Kit Kat du distributeur à onze heures,
« parce que j’ai un petit creux ». A midi pile, elle se lève comme un ressort de sa chaise et entraîne toute l’équipe vers la cantine donc elle connaît déjà le menu du jour (elle est
allée voir sur l’intranet). A seize heures, elle vient te taper sur l’épaule discrètement : « Dis, tu n’aurais pas dix centimes ? Je voulais m’acheter un Balisto… » Ce qui est
chouette, c’est qu’elle est souvent dotée de talents de cuisinière, qu’elle mettra à profit pour pas grand-chose (un peu de reconnaissance, quelques compliments adéquats). A toi les brookies et
les muffins maison (true story, le nôtre en a apporté ce matin !)
- Le gros fêtard
Bizarrement, à l’entretien, il était complètement sobre et avait l’air mûr et responsable pour son jeune âge. Joli bluff. C’est le
premier vendredi où tu as compris l’ampleur de son alcoolisme mondain : cernes sous les yeux, haleine fétide, cheveux en vrac et teint de Robert Pattinson. Il s’avachit sur son fauteuil de
bureau, le menton posé dans une main, et se fige, telle une statue de sel. De temps en temps, il clique sur la souris, pour faire genre. Impossible de savoir si ses yeux sont ouverts ou
fermés ; en tous cas, il a un petit sursaut quand tu lui parles, comme si tu le réveillais. Douze cafés plus tard, il se requinque un peu au déjeuner, et avoue pudiquement qu’il est
« sorti hier soir ». Entre stagiaires, il raconte plus en détail les six pintes avalées rue Mouffetard, le bar à cocktails d’Oberkampf et le retour mouvementé en vélib dans le
quinzième. Au début, c’est juste le vendredi qu’il est irrécupérable. Mais ensuite, c’est aussi le mercredi (« le mardi soir, il y a une soirée organisée par l’école, pour entretenir le
réseau »), le jeudi (« le mercredi, on va prendre l’apéro avec les autres stagiaires »), et même le lundi (« c'est triste le dimanche soir, alors on s'est fait un bar à vins
avec des amis »). Un jour, tu le retrouves en train de vomir dans les toilettes. A part lui glisser un prospectus des AA, tu ne peux pas faire grand-chose.
- La mythomane
Bon, ok, tous les stagiaires ont déjà menti. Il existe quantité de pieux mensonges : non, ce
n’est pas moi qui ai pris le dernier Oreo du paquet. Oui, j’ai envoyé le mail hier soir comme on avait dit (enfin, je vais le faire dans la seconde qui suit parce que j'avais oublié). Non, je
n’ai pas touché à la clim, pourquoi ? Oui, j’ai eu beaucoup de cours de comptabilité en école de commerce, c’était très formateur (…). Mais la mythomane va plus loin. Impossible de t’y
retrouver avec elle, elle t’embrouille sur tout et n’importe quoi. Quand elle fait une bêtise (ça arrive à tout le monde), elle préfère soutenir mordicus le contraire plutôt que d’avouer son
erreur. Du coup, tu lui confies un dossier, et quand tu fais un suivi, elle te dit que tout roule. Pourtant, le jour J, tu te rends compte qu’elle n’a jamais contacté Machin comme tu lui avais
dit de le faire (alors qu’elle t’a dit qu’elle l’avait fait), ou qu’elle a bidouillé tes documents du logiciel comptable sans te le dire (et elle soutient qu’elle n’a touché à rien). Plutôt que
de te prévenir ou de te demander de l’aide, elle a soigneusement passé sous silence ce qui lui posait problème, jusqu’à ce que tu sois devant le fait accompli. Elle n’admettra jamais ses ratés,
même prise en flag grâce à l’identifiant qui permet de savoir qui a enregistré le document en dernier. Tu hésites à l’envoyer à la concurrence, pour les torpiller en douce.
- La gossip queen
Ca fait deux semaines qu’elle est là mais elle connaît déjà tout le monde. Enfin,
pas face-to-face, juste assez pour pouvoir colporter des potins à leur sujet. Pas une démission, une grossesse ou un différend professionnel qui lui échappe. Elle interroge tour à tour
l’intégralité des stagiaires pour obtenir une vue d’ensemble de la boîte. Mieux vaut l’avoir avec toi que contre toi, sinon il va falloir se cantonner à des sujets de discussion neutres, comme la
météo ou les courses cyclistes. Parce qu’elle va enregistrer, classifier et surtout interpréter ta moindre parole. J’en ai une comme ça, c’est très désagréable. Tu lâches un truc anodin du genre
« Oui, je crois qu’elle a changé de bureau, elle ne s’entendait pas très bien avec Bidule », et elle te fixe, super concentrée : « Ah bon ? Bidule et elle ne s’entendent
pas ? » Et, deux jours après, à la machine à café, Untel te dit : « Tu as entendu ? Il paraît que Bidule et Machine se sont tellement pris la tête qu’ils ont dû les
séparer, elles ont failli en venir aux mains ! » Car l’info circule dans les deux sens : des embauchés vers les stagiaires, et vice-versa. Alors à toi les ragots croustillants sur
toute la boîte, si tu réussis à copiner avec la Gossip queen.
Bientôt, une troisième partie à cette anatomie exhaustive!