Ici Radio Londres

Publié le 16 Février 2021

Bonjour bonjour. Ou devrais-je dire, hello hello.
Eh oui. J'ai sauté le pas. J'ai pensé "YOLO" et je l'ai fait.

J'ai déménagé en Angleterre.

Oui, je sais, l'année du Brexit et du variant anglais, pas la peine de me le rappeler. J'ai toujours eu un sens aigu du timing.

Peu de temps après mon dernier article (il y a dix mois peu ou prou), j'ai été rappelée par l'une des centaines d'entreprises (j'exagère à peine) à qui j'avais envoyé mon CV. Une entreprise grand-brittonne donc, qui cherchait quelqu'un pour un poste que je n'avais jamais occupé de près ou de loin. Coup de chance, ils m'ont embauchée. Je n'y croyais absolument pas. Mais le plus beau, je l'ai découvert quasiment à la fin du processus de recrutement: les employés de cette entreprise sont tous en télétravail permanent.

Oui, je sais, moi aussi j'ai eu du mal à le croire.

Depuis le 1er Octobre 2020, je n'ai donc pas pris le métro le matin. Je n'ai donc pas enfilé de veste de tailleur ni de chaussures inconfortables. Je n'ai pas bu de chocolat chaud dégueu à la machine du bureau (je n'aime pas le café), je n'ai pas mangé à la cantine, je ne suis pas restée dans un open space désert jusqu'à 20h30 parce que j'avais un truc à finir.

Il y a des gens comme mon frère qui détestent le télétravail (il dit, je cite, qu'il "déjeune tout seul comme un crevard"). Pour quelqu'un qui a trois enfants aussi remuants que mes neveux, je trouve qu'il apprécie bien peu la solitude, mais bon. Moi, je revis. Je me sens plus légère, moins stressée, je mange plus sain, j'essaie de faire une petite promenade tous les jours. 

Bon, évidemment, je pense très fort à tous les travailleurs de première ligne, indispensables, et dont le métier ne peut pas être fait en télétravail. Je vous souhaite beaucoup de courage et un vaccin très vite. J'ai beaucoup de chance et je m'en rends compte.

Ce nouveau rythme de vie a été accompagné par un autre changement majeur: j'ai quitté Paris pour la campagne anglaise. Paris. 10 ans putain! C'était chouette. J'ai des souvenirs de dates foireux dans tous les cafés près de Saint-Michel (j'exagère, cinq). J'avais mes habitudes dans quelques petits troquets du quartier Saint-Denis. J'y ai encore la plupart de mes amis (et mes charmants neveux). Et pourtant. Il était temps pour moi de partir.

Du coup, munie de mon fabuleux poste en télétravail, j'ai ouvert une carte de l'Angleterre sur Google Maps et je me suis dit: "Où vais-je donc construire ce nouveau chapître?" Après moultes discussions avec l'Anglais qui partage ma vie, on s'est arrêté sur Brighton, une ville de djeuns, une ville qui bouge, avec des sex shops, des soirées de folie, des boutiques de dingue et le fameux pier en bord de mer. Tout contents, nous nous sommes quittés ainsi début Juillet, moi pour rester bosser à Paris, l'Anglais pour aller nous trouver un logement en location de l'autre côté de la Manche.

Fin Juillet: l'Anglais nous a trouvé la maison "parfaite". Je cite: "It is gold" - traduisez, c'est de l'or en barre. Je demande joyeusement: "Elle est où par rapport à Brighton alors?"

Quelle naïveté. La vraie question à poser était: "Elle est où par rapport à ma belle-mère?"

Et la réponse est bien sûr: "A cinq kilomètres".

Voilà voilà.

Me voilà donc dans un village de 6 000 habitants, à cinq kilomètres de ma belle-mère, dans le Sud de l'Angleterre.

Bon, cela dit, ce n'est qu'à 1h20 de Londres en train, la nature est très jolie et surtout c'est une maison et non plus un appartement (j'ai mis dix jours à ne pas me perdre dedans tellement ça me faisait bizarre d'avoir plus que deux pièces).

Donc nous avons emménagé là fin Septembre, juste avant le 2eme confinement, dans une rare éclaircie de Covid.

Depuis, tout va bien dans le meilleur des mondes sauf que nous n'avons toujours pas Internet.

Oui, vous avez bien lu: depuis bientôt 6 mois, Virgin Media n'est toujours pas venu pour nous installer Internet.

Je laisse l'Anglais gérer, après tout c'est son pays, chacun sa merde. On se sert d'un genre de hot spot en attendant. Sinon, j'ai réglé toutes les affaires les plus urgentes: on a un vétérinaire (le chat a évidemment développé une allergie dans le mois suivant son arrivée), un créneau de livraison par Asda (tous les jeudis de 17h à 18h, à l'heure de l'apéro), une voiture (d'occasion bien sûr), un médecin traitant (même si je n'ai toujours rien compris au système anglais) et dans mon cas, un statut de pré-résident qui fait que même avec le Brexit, je peux continuer à travailler tranquille.

J'ai échangé mes neveux parisiens pour mes neveux anglais: toujours autant de blondeur mais plus de rousseur (l'un d'entre eux est même carotte, c'est très mignon), un nombre multiplié par 3 (oui, j'ai 9 neveux grands-britons), des prénoms étranges à tout va (on compte tout de même une Olive et un Bertie), et toujours du grand n'importe quoi. Tous les samedis soirs, je dîne chez ma belle-mère et on regarde un épisode de The Crown. Vous me l'auriez dit en Juillet, pas sûr que j'aurais déménagé. Maintenant, je suis tel le coq en pâte, ravie de rompre la monotonie de ma semaine confinée (même les écoles sont fermées ici) en allant rendre visite à ma belle-mère fort sympathique.

A part ça, en ces temps de Covid pré-vaccin, la vie se déroule sans souci majeur pour moi et je m'en réjouis. Bien sûr, la famille et les amis me manquent, hâte de vous rendre visite en France (en 2022? Non je plaisante). Le chat s'est bien adapté à ce nouvel univers impitoyable (il a dû mettre une raclée au chat des voisins qui venait manger dans sa gamelle, non mais) et il roupille paisiblement avant d'aller faire un petit tour quotidien de son domaine (le jardin de derrière). Grâce au confinement, j'ai évité de devoir aller dîner chez les amis de l'Anglais que je n'aime pas trop (ouais) mais du coup je ne me suis pas fait de nouveaux amis (moins bien). Heureusement, les apéros Zoom continuent avec les Français, à des heures diverses et variées - le contact est maintenu.

Pour finir, démontons ensemble quelques clichés:

. Oui, il pleut. Beaucoup. Bon après, c'est le Sud de l'Angleterre, donc ça va quand même. Mais on s'habitue. Je porte mes bottes de pluie tous les jours quand je vais me promener. Ma mère me les a offertes avant mon départ comme un cadeau "clin d'oeil". Bien vu. Idem pour le parapluie anti-tempête de mes anciens collègues - merci!

. C'est bizarre, il fait nuit à 16h en hiver. On a un peu envie d'aller se coucher à 18h du coup. Heureusement, j'ai acheté l'intégrale de Game of Thrones en DVD (je vous rappelle que je n'ai pas vraiment Internet).

. La nourriture n'en finit plus de me ravir. Evidemment, pas de boeuf bourguignon ou de confit de canard en vue. Mais du fromage intéressant (comprendre: du cheddar extra mature qui pue), des curiosités alimentaires du genre la Marmite, le Sticky Pudding ou les beans on toast, le Cream Tea délicieux (scones et confiture), le sucré en tous genre (brownies, shortbreads, biscuits...) et enfin les restaurants indiens, ma grande passion. Bref, je ne mange plus à la cantine, mais je mange toujours.

. Les pubs: c'est fermé.

. L'accent: j'ai des collègues français, anglais, indiens, italiens, américains... Et la seule que j'ai du mal à comprendre, c'est bien sûr ma collègue écossaise. Le jour où elle m'a donnée sa recette de gâteau à la barre chocolatée Mars (tout un concept - il faut 12 barres Mars pour un gâteau, pour vous donner une idée), j'ai compris qu'un gouffre culturel nous séparait.

. Le thé: il est immonde, noir, et ils le prennent toujours avec du lait. Heureusement qu'il y a des infusions qui donnent des sensations fortes, du genre anis/fenouil.

. La télé-réalité: alors là, bravo: les Anglais ne déçoivent pas. Je suis bouche bée devant leur talent créatif. Mes deux programmes chouchous du moment: GoggleBox, où il s'agit de regarder des gens qui regardent la télé chez eux (mise en abyme magnifique, c'est vertigineux), et Naked Attraction, où des inconnus se découvrent mutuellement... tous nus. Mais alors, vraiment tout nus. En gros plan. Avec des commentaires sur les parties intimes. Ensuite, Robert, 45 ans, plombier à Leeds, candidat malheureux qui n'a pas été choisi par la célibataire du jour, quitte le plateau, la quéquette ballotant gaiement, tout fier, dans le plus simple pas pareil.

Comment ne pas aimer le peuple britannique après ça.

 

Rédigé par Nombre Premier

Publié dans #Ma life

Commenter cet article