Glamour Cosmo etc (6)
Publié le 10 Avril 2012
Les week-ends de trois jours, c'est clairement l'avenir. J'ai passé deux jours et demi riches en aventures (et en cacao) à Amsterdam, la Venise du Nord (et la Pigalle de l'Europe). Je vous en parle demain a priori. Pour aujourd'hui, je préfère miser sur un grand classique: la revue de presse des magazines féminins du mois de Mai (sortis en Avril, donc).
Commençons par Cosmo, qui ce mois-ci est paru avec un supplément hommes. Parcourons-le ensemble, voulez-vous, car c'est du lourd.
Après une sélection shopping masculine et une interview de Bénabar, on attaque direct avec 10 gestes de héros. Sous-titre: Pas besoin d'affronter le dragon, mon amour, ni de voler comme Superman pour que tu sois mon héros jour après jour. Le message ne pourrait être plus clair: moi princesse détresse, toi héros courageux. Accrochez-vous à vos principes féministes, ça va swinguer. L'article consiste en dix situations où le Pilou de la narratrice fait preuve d'un héroïsme à toute épreuve.
Numéro 1: Tu es fort. La narratrice nous dit: La larme à l'oeil devant mon four, je pense aux invités installés à ma table et qui, en ce moment même, rient et bavardent sans savoir que la famine les menace. Bah oui, elle est en cuisine évidemment, elle tente un chili con carne trouvé sur Marmiton. Malheureusement, Dindounette (la narratrice) a cuisiné le tout dans un plat en fonte qui est trop lourd pour qu'elle puisse le sortir du four. C'est cela, oui. Elle a réussi à le mettre dans le four, déjà, et puis elle devait quand même le savoir, que ce plat pesait une tonne. Mais ça ne l'a pas arrêté une seconde, elle s'en sert quand même. Du coup, elle en est là de son scénario catastrophe quand son héros, son homme, son Pilou (qui jusque là glandait à côté en buvant un Martini avec les invités) apparaît à ses côtés et saisit la marmite de ses deux maniques musclées (sic), ponctuant son geste d'un sobre "la vache, c'est lourd. Tu prends le dessous de plat?" Le héros dans toute sa splendeur: puissant, sobre, viril, un plat en fonte de chili con carne au bout des bras. Petite précision: Pilou est trop chouette car il aide également les dames dans le métro avec leur poussette ou leur valise. Moi aussi, pour info. Les filles peuvent aider les autres filles, il paraît.
Situation numéro 2: Tu me protèges. Je ne plaisante pas, c'est vraiment ce qu'il y a écrit. Dindounette a peur en avion alors Pilou lui met des boules Quies et la serre fort fort fort dans ses bras costauds, et ça va mieux. Dindounette ne peut donc quitter le territoire par la voie des airs qu'avec Pilou. Si elle a un séminaire professionnel à New York, par exemple, elle y va en bateau en partant trois semaines avant.
Situation numéro 3: Tu me secours. Pincez-moi, je rêve. Dindounette s'est séchée les cheveux (ça lui a pris cinq bonnes lignes pour nous dire ça) et elle ne sait pas où poser le sèche-cheveux. Pilou se pointe dans la salle de bains et articule (sic): Donne. Vachement sexy, en conclut-elle. On ne doit avoir la même définition ni du sexy, ni du héros.
Situation numéro 4: Tu es là pour moi. Quand Dindounette se lance dans le bricolage, elle se retrouve évidemment en situation précaire, à ne plus pouvoir bouger sans tout faire foirer. Les filles, vous avez bien compris: n'essayez pas de bricoler toutes seules, vous n'y arriverez pas, votre cerveau n'est pas programmé pour cela. Laissez faire Pilou qui sait également faire les lacets et les paquets de Noël, ce qui permet à Dindounette de conclure qu'il est « là pour elle ».
Situation numéro 5: Tu vois. Dingue, moi je pensais que Dindounette aussi avait un sens de la vue en état de marche, d'après les anecdotes ci-dessus. Mais Pilou, il a une vision bionique: il repère la tache sur le top en soie et coton tout fin, tout aérien, une merveille de tissu précieux, que Dindounette veut à tout prix acheter. Ouf, elle l'a échappé belle (tache = dragon). Pareillement, quand Dindounette traverse la rue sans regarder parce qu'elle envoie un texto à une autre dinde, Pilou l'arrête virilement en mettant son bras musclé dans le passage. Ce héros!
Situation numéro 6: Tu me devines. En gros, Pilou devine que Dindounette a faim en rentrant d'une -énième- virée shopping, à 19h30. Mais comment fait-il?
Situation numéro 7: Tu sais tout. Pilou sait la date d'aujourd'hui, dans quoi tel acteur a joué, à qui appartient cette voix doublée... Tout, on vous dit. Parce que Dindounette, elle est incapable de retenir une date ou des faits de cinéma. Si ça ne concerne pas la mode ou la cuisine, ce n'est pas son rôle, de toute façon.
Situation numéro 8: Tu me sauves. Pilou rappelle à Dindounette qu'elle a un rendez-vous et qu'elle doit se lever (d'une voix virile, of course). Déjà, ça me paraît extrêmement peu réaliste, et surtout: Dindounette a-t-elle zappé l'invention de cet appareil fabuleux qu'est le réveil? Elle n'en a pas marre que son mec doive lui dire quoi faire sans arrêt? Et lui non plus, il n'en a pas marre?
Situation 9: Tu apportes du renfort. Quand Pilou a appelé la hotline d'Orange, un vrai quelqu'un a répondu. Et a résolu le problème de connexion en plus. Ca m'énerve tellement, ces filles qui démissionnent de la technologie de la vie courante, juste parce qu'elles ont un mec sur qui se reposer. Elles n'ont donc jamais habité toutes seules ou avec d'autres filles? Elles ne savent pas décrocher leur téléphone et dire "Bonjour, j'ai un problème de connexion" et ensuite suivre les instructions du "vrai quelqu'un"? Pourquoi, dès que c'est "technique", elles prennent peur? Allez, on se motive pour regagner son autonomie les meufs !
Situation 10: Tu es parfait. En gros, Pilou répond "Tu es éblouissante" à tout ce que dit Dindounette. Et ça tombe bien, c'est tout ce qu'elle attend de lui.
Passons à l'article suivant, intitulé Là j'ai pleuré(rassure-toi, moi aussi, d’affliction). D'émotion, de joie ou de douleur, les hommes aussi versent des larmes. Moi qui croyais qu'ils étaient faits exclusivement de poils, de métal et de bière, je tombe de haut. Notons simplement l'image d'illustration: un joueur de foot. Parce que c'est quand même surtout pour le sport que l'homme pleure, faut pas déconner. Ensuite, c'est Le souvenir sexuel qu'ils n'oublieront jamais. Un peu de tout, et quand même deux mecs qui n'osaient pas demander respectivement la fessée et la sodomie à leurs copines (au bout de deux ans de relation, pourtant).
Après ces croustillantes révélations sur ces messieurs, continuons avec le numéro de Cosmo proprement dit. Un article sur le code amoureux de couples qui témoignent, bonjour le mignoniais (et surtout le niais). Mes contradictions et vice versa, un article avec de vrais bouts de révélations dedans, du genre: J'aime les stilettos, mais le confort c'est important. J'aime être impeccable, mais je n'ai pas que ça à faire non plus. Je n'aime pas ranger, mais j'aime bien retrouver mes affaires. La Cosmoliste du mois, c'est A ne pas dire à mon banquier. L'image d'illustration, c'est une fille qui essaie de trouver le résultat de 2+2. Coucou le cliché de la fille nulle en maths, complètement perdue dès qu'on parle chiffres ou argent. Puis Quoi faire quand l'amour fait mal. Mycoses et vaginisme (le vagin qui se contracte au point d'empêcher la pénétration) sont mis sur le même plan que le témoignage de la fille qui raconte les envies incessantes de son mec qu'elle ne peut pas suivre. Ok pour "l'amour fait mal" dans les deux premiers cas, mais je ne comprends pas trop dans le cas du mec qui ne sait pas respecter le rythme de l'autre. Puis Je l'appelle ou pas? La narratrice (sûrement toujours Dindounette) se demande pendant deux pages si elle doit rappeler son date. Je suis sûre que ce suspense vous tue, alors je vous livre la conclusion: elle l'a finalement appelée, et ils sont ensemble depuis six mois. Ben tiens. Elle aurait moins fait sa maligne s’il l’avait poliment jetée.
Bon, j'en ai marre de Cosmo et il ne reste plus grand chose d'intéressant dedans, donc ouvrons à présent Biba.
Sur la première page du Bibascope, il y a Bérengère Krief, que j'étais allée voir avec des amies au Point-Virgule (j'en ai parlé ici). Biba mentionne son sketch sur Pretty Woman, mais en censuré. Biba, ne fais pas ta prude: le gimmick du sketch, c'est que c'est l'histoire d'une pute qui a de la chatte, pas d'une pute qui a du bol. C'est pas drôle, une pute qui a du bol. Alors qu'une pute qui a de la chatte, là on se marre. Bref. En fait, c'est aussi un Spécial Hommes, ce Biba. Apparemment, le mois de Mai est particulièrement propice à s'intéresser aux mâles qui nous entourent. Du coup, soixante-dix spécimens, probablement les mêmes que ceux qui ont répondu aux questions de Cosmo, avouent l'inavouable. Je vous rassure, c'est beaucoup moins croustillant que c'en a l'air. Du coup, pour savoir s'il a déjà tué quelqu'un ou s'il a déjà fait l'amour avec des animaux, Biba propose de décrypter le langage corporel de son bien-aimé. Jouons ensemble, si vous le voulez bien. Il toussote, se plante devant sa fenêtre les yeux au loin, mordille sa lèvre supérieure. Dans les Feux de l'amour, c'est effectivement ainsi que Jean-David s'apprête à avouer à Brenda qu'il est ruiné. Pour Biba, il en est de même pour Félix (le Pilou de Cosmo) : il a des aveux à vous faire. Il fronce des sourcils, croise les bras, se gratte le menton, écrase sa clope: il est préoccupé. Il se gratte le cou ou le lobe de l'oreille, suçote la branche de ses lunettes en vous regardant: il a envie de baiser (ou de badiner, comme dit Biba). Il a la mâchoire et les poings serrés, il sourit avec beaucoup de dents, un pied solidement calé: il a de grands projets pour vous. Du genre, aller au ciné ou vous faire nettoyer la salle de bains sans doute. Enfin, ma préférée: le regard noir et la mâchoire serrée, il clapote (sic) des doigts, griffonne (re sic), respire bruyamment. Cela signifie qu'il a des reproches à vous faire. Du coup, faîtes diversion en proposant du sexe, ça devrait apaiser Félix.
Passons à la liste des 40 plaisirs égoïstes à vivre tout de suite. On y trouve notamment Recevoir des compliments dans la rue, avec la notice explicative: Se faire siffler, se faire complimenter: "Vos êtes charmante": oui, ça fait du bien. Ca s'arrête là et c'est toujours bon à prendre. Faut pas voir de la drague lourdingue partout, un homme qui est aimable sans rien attendre, ça existe aussi. Biba, mon chou, tu es déjà allée faire du shopping aux Halles un samedi après-midi? Crois-moi, au quinzième "Vous êtes charmante", tu préfèrerais être invisible. Un parfait inconnu qui commente sur mon physique, ça ne me fait pas plaisir, ça me rappelle juste que je suis scrutée et évaluée sur mon apparence, et que certains se permettent d'apporter une critique non sollicitée. Bon, quoi qu'il en soit, Biba propose de marcher le regard ouvert, le pas et le coeur léger. Sourire à la vie, c'est récolter du sourire. Mais bien sûr. Sinon, ça va à la rédac, la culture de champis?
Autres éléments de la liste des quarante plaisirs égoïstes: un orgasme et un cunni bien fait, à côté du massage des mains, d'une salle de bains privatisée et d'un compliment sincère d'une copine. Personnellement, j'ai une petite préférence pour certaines de ces propositions, mais bon, cela dit, ça doit être sympa, le massage des mains.
Autre article de fond: Comment refroidir un chaud lapin? En gros, comment repousser les dragueurs lourds. Ben faut savoir, je croyais que ça faisait du bien et que c'était toujours bon à prendre. Puis Vivre seule, quel pied: des filles racontent à quel point elles se sentent bien dans leur chez-elles. Agreed. Enfin, une double page intitulée Bien vivre l'entre-deux mecs. Comment gérer l'après-rupture et se remettre dans le bon état esprit pour rencontrer quelqu'un d'autre. Pourquoi pas. Dommage, la dernière phrase de l'article: Plus tard, on repensera à cet entre-deux hommes en se disant "Je me suis quand même bien amusée, avant le bon." Le Bon. Ce mythe, cette idée qu'il y a une "bonne" personne, un seul grand amour, qu'il ne faudrait surtout pas rater, parce qu'on va finir notre vie avec lui. Comment se construire une vie sentimentale libre avec cette pression énorme sur les épaules?
Comme vous le voyez, le mois de Mai est vraiment une bonne cuvée. Il manque Glamour à l'appel, mais ce post est déjà suffisamment long comme ça. Je l'ai écrit dans la voiture, sur la route Amsterdam/Paris, avec les meilleures radios néerlandaises et belges en fond sonore. Il pleuvait, on mangeait des Doritos en essayant d’oublier qu'aujourd'hui on serait au boulot. C'était un bon lundi de Pâques!