L'outil l'Internet
Publié le 11 Octobre 2011
(Pas d’images aujourd’hui, elles seront là demain. Pas de panique. Je suis sur le coup.)
J’écrivais dans un article précédent que les entreprises ont intégré à leur fonctionnement le fait que leurs salariés perdent du temps sur Internet. Finalement, c’est sans doute une opinion à nuancer (je reconnais quand je dis des trucs bêtes). Par exemple, ma boîte ne prend pas le facteur Web en compte. Sur les ordinateurs de travail, Internet Explorer (seul navigateur autorisé) date d’il y a huit ans. J’ai réussi à mettre à jour ma version, autrement la moitié des sites que je visitais ne s’affichait pas bien. J’ai eu un peu peur en essayant de consulter Gmail la première fois : le site refusait de s’afficher. Le technicien que j’ai eu au téléphone m’a dit qu’il ne pouvait pas m’aider, la consultation de ses mails privés au bureau étant officiellement interdite. Je n’ai pas osé lui parler de la longueur du chargement des images de 9gag, je ne pense pas qu’il aurait été trop réceptif.
A l’heure actuelle, tout marche, mais le Web reste un sujet tabou. L’autre fois, mon collègue a dit « Il faut dire qu’il y a des gens qui font vraiment n’importe quoi sur Internet. On est quand même là pour bosser. »
…
Je ne leur ai jamais dit pourquoi j’avais demandé à changer de place dans l’open space. Officiellement, c’est parce que le soleil se reflétait sur mon écran. Officieusement, c’est parce que je considère qu’un accès à Internet et un écran que personne ne voit devraient être deux droits inaliénables du salarié moderne. Là où je suis, c’est idéal. Je suis face à la fenêtre et à la porte. Je peux glander en toute quiétude. Je ne suis pas mal lotie en plus : j’ai accès à Facebook, à la plupart des blogs, aux sites de jeux en ligne… Tout en dehors de la pornographie et des jeux d’argent. J’ai des amis qui doivent lutter pour se divertir. Quand il n’y a que le site des Echos et Boursorama d’accessible, il faut ruser… Le plus simple, c’est encore de surfer sur son smartphone. Mais c’est moins discret. Une de mes amies imprimait des mots croisés à l’avance chez elle et les remplissait l’air de rien sur son bureau. Un pote écoutait de la musique discrètement, l’écouteur dans la paume de sa main sur laquelle il venait poser sa tête, et le fil dans sa manche. Interdiction d’écouter de la musique dans l’open space chez moi. C’est jugé anti-convivial.
En parlant de convivial, j’ai testé récemment le service de discussion instantanée de la boîte. Sauf que je n’avais personne à qui parler. Je ne me voyais pas bien envoyer un nonchalant « salut J » au directeur financier, et à l’inverse, je n’avais pas envie que les stagiaires viennent taper la discute online. Surtout qu’IRL, on se partage un bureau de trente mètres carré à 7, donc on se parle bien assez comme ça. Il y a pas mal de jeunes de mon âge pourtant, mais personne n’était connecté. Les gens préfèrent encore la bonne vieille pause café à l’ancienne, devant une machine qui crachote un jus de chaussette. Mon pote de pause café, c’est un consultant plutôt marrant. On aime bien se plaindre du boulot, ça détend. Mais on parle surtout d’autre chose. On s’envoie un petit mail pour caler notre rendez-vous. Armés d’un café ou d’un Coca Zéro, on profite de « l’espace détente ». Dans ma boîte, ce dernier consiste en une petite salle sans fenêtres ni chaises, mais avec une imprimante qui fait du bruit, une armoire de rangement et une machine Nespresso dont on n’a pas le droit de se servir, elle appartient aux mecs des systèmes d’information. Sympa. Du coup, on papote deux minutes debout dans cinq mètres carré pendant que des gens viennent chercher leurs feuilles en nous regardant bizarrement. On se détend, quoi.
Puis on reprend le chemin de nos bureaux respectifs, la mort dans l’âme. Reste à patienter jusqu’à la prochaine pause. En attendant, on revient s’asseoir sur notre chaise à roulette, devant l’écran qui s’est mis en veille. Il y a une pile de trucs à faire, posée sur le coin droit du bureau. A gauche, quelques classeurs qu’il faut remplir, ou consulter, ou archiver. La to-do list posée près du clavier nous envoie des signaux que l’on s’applique à ignorer. Tiens, notre critérium n’a plus de mine. Sur le calendrier en carton, les vacances semblent à des années-lumière de là. Soudain, le téléphone se met à sonner, il faut décrocher.
Et si on ne décrochait pas ?