Les clients de la semaine (8)

Hello les jeunes ! Ça fait un bail que je n’ai pas posté ici, j’en suis fort désolée. Le temps passe quand on s’amuse, ou plutôt quand on saisit toutes ses factures en retard depuis Juin. Grosse marrade, la compta c’est décidément super rigolo. Les mois de septembre et octobre ont été très calmes, peu de clients, beaucoup de stock, donc pas mal d’angoisse aussi. Ça a un peu repris depuis le début du mois, suffisamment pour que mon moral s’allège et que je retrouve le sourire, et surtout des clients. Ils m’avaient manqué, tiens ! Petit tour d’horizon des derniers Clients de la semaine :

- L’homme mystère

Pas plus tard qu’il y a deux minutes, quand je m’apprêtais à commencer à écrire ce post. Un monsieur bien mis, la cinquantaine, entre la boutique : Vous n’auriez pas une combinaison rouge à enfiler, un peu gainante ? WTF ? Non. Il s’en va comme il est venu. Je ne saurais jamais pourquoi il a besoin d’un tel vêtement, et ça m’attriste un peu.

Peut-être pensait-il à ça?

- La jeune fille pas très bien dans sa peau

Mardi soir, vers 19 heures, elle rentre dans la boutique, le visage fermé. Elle a mon âge. Elle porte des bottes plates à lacets avec une jupe longue jusqu’à la cheville, assortie à un gros pull qui lui arrive à mi-cuisse, le tout recouvert d’une parka bleu marine dégoulinante. Elle a une voix haut perchée, pas très assurée, et respire tellement la gêne que je me sens presque mal à l’aise. Elle finit par passer en cabine pour essayer. Quand elle revient à la caisse après avoir fait son choix, elle me dit qu’elle est venue suite à nos dernières photos publiées sur le blog d’une de nos mannequins. Et ce qui m’a décidée, c’est que la blogueuse disait bien qu’ici c’est un espace où l’on vous accueille avec le sourire et où l’on ne vous juge pas. J’étais un peu étonnée, et je lui ai dit que c’était quand même la moindre des choses non ? Elle m’a répondu : Je ne vais plus à Etam depuis que les vendeuses regardent mes bourrelets de travers. Elle m’a remerciée et m’a dit qu’elle allait parler de la boutique à toutes ses amies. J’étais ravie.

Word!

- L’éternelle insatisfaite

Elle entre pour regarder. La trentaine, petit look travaillé, bien maquillée. Un petit 40 mais un bon 90F, à l’œil. Elle fait le tour et puis elle me dit comme ça, de but en blanc, pendant que je remets des articles sur cintre à la caisse : C’est compliqué, pour moi, la lingerie. Chaque fois que je passe devant une vitrine de chez Etam, je bave. J’adorerais pouvoir me lâcher et en acheter super souvent. Mais le souci, c’est que je n’y rentre presque jamais. Alors je me force, voyez, j’essaie quand même de me loger dans un bonnet D d’Etam, mais ça ne marche pas, à mon grand regret…

Je compatis, et je lui précise qu’au moins, ici, elle n’aura pas ce problème.

Et là, elle balaie du regard tous mes rayonnages et elle me sort, sereine : Oui, mais chez vous, vraiment, il n’y a rien qui me plaît.

Et elle s’en va.

- La dame au petit chien

Elle doit avoir cinquante ans, elle vient toujours le matin et elle est toujours suivie de son petit chien à bouclettes. Celui-ci rentre dans la boutique et se couche au pied de la chaise qu’il y a près des cabines d’essayage. Sa maîtresse ne veut voir que des choses sexy, glamour : des babydolls, des corsets, des nuisettes et compagnie. Il y a dix ans, je pesais vingt kilos de moins. Je ne rentre plus dans toute la belle lingerie que j’avais auparavant. Du coup, il faut que je me refasse une collection ! La dame revient tous les deux mois, est adorable et refuse que je lui fasse la moindre réduction : Ma pauvre chérie, vous n’arriverez à rien si vous faîtes des réductions à tout le monde. Pas à tout le monde, juste aux gens que j’aime bien.

- L’ado sympatoche

Il y a deux semaines, une fille d’environ 17 ans est entrée dans la boutique, avec une dame un peu trop jeune pour être sa mère. Elle a essayé pas mal de modèles, ravie d’avoir plusieurs options pour son 85H. J’entendais la dame dire : On a une enveloppe de cent euros, donc si tu veux tu peux prendre deux soutien-gorges… J’en conclus donc qu’elle était en foyer, sous tutelle ou autre. Quand elle est passée à la caisse, je lui ai demandé si elle ne connaissait pas quelqu’un de son âge qui serait intéressée par de la vente ponctuelle à la boutique. Elle me dit Ben oui, moi ! Résultat, je la vois demain pour 2h30 de formation, et j’espère qu’à termes elle pourra tenir la boutique toute seule de temps à autre. Je suis joie ! Elle est effectivement en foyer dans le 14eme, et elle était toute surprise que je l’aie compris toute seule. Mon deuxième prénom, c’est Sherlock… Elle va aussi bosser avec moi deux samedi après-midi vers la fin décembre. Je croise les doigts pour que ça se passe bien, vu que ça me permettrait plus de souplesse dans mon emploi du temps. Ca me permettrait éventuellement d'avoir des week-ends de deux jours de temps en temps. C'est presque trop beau pour être vrai.

- Le livreur UPS

Bon, ce n’est pas vraiment un client, mais il mérite une petite mention. C’est un grand mec toujours souriant, qui me livre un jour sur deux en ce moment. Et un jour sur deux, il me sort un truc improbable. Hier, c’était : Nombre Premier… (oui, il connaît mon prénom vu qu’il est marqué sur les colis). Vraiment, je vous aime beaucoup. Il y a quelque chose… Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis amoureux, mais… Pendant que je signe le bon de livraison, je réponds gentiment : Ah non, amoureux, ça serait un peu fort, on se connaît à peine ! Et il répond, le plus sérieusement du monde : Vous avez raison, le terme est mal choisi. C’est plutôt que vous me plaisez.

- Le vendeur du magasin pour professionnels

De temps en temps, le matin avant d’ouvrir, je vais dans le Sentier acheter des petites choses pour la boutique : sacs pour les clients, enveloppes pour les colis, étiquettes produit, déco diverse, présentoir, cintres… Ce matin, j’y suis allée pour des enveloppes mais aussi pour faire du repérage pour Noël. Il va falloir décorer, et je suis juste trop contente. J’adore Noël, et j’adore les décos de Noël. Je compte donc bien me lâcher sur les reines en plastique et les boules multicolores. Et ça tombe bien, le vendeur avec qui je discute à la caisse me sort le grand jeu et me montre tout ce qu’ils ont en magasin : sapin design avec branches blanches ornées de LED bleues, guirlande clignotante, ours polaire ou renne blanc lumineux, fausse neige dans de grands sacs transparents, boules géantes, étoiles d’un mètre de haut, fausses branches de houx, sacs-cadeaux blancs à rubans gris perle… Je repars finalement avec un chapeau de Mère Noël, j’ai décidé de le porter tout le mois de décembre pour donner une touche festive à la boutique. Et j’ai jusqu’à vendredi prochain pour me décider sur ma déco de vitrine, avant d’aller dévaliser le magasin. J’hésite pour le sapin en LED blanc et bleu. Too much ?

Un peu chargé peut-être?

- Le pompier/infirmier/obsédé

J'en profite comme ça en passant pour vous donner des nouvelles du pompier, l'une des stars de ce blog, il faut bien l'avouer (ça vous donne une idée du niveau global des articles). Il va bien, il est toujours là. Sa femme actuelle attend leur premier enfant ensemble (même s'il en a déjà deux de précédents mariages). Il compte bientôt déménager dans le Sud-Ouest, dans le Lot-et-Garonne pour être précise. La région manque d'infirmiers apparemment, donc la mairie de tel bled serait prête à lui payer un an de loyer pour l'attirer là-bas. Et moi, j'en ai marre de Paris, je veux de la campagne, que les gamins puissent courir partout, je veux me casser! Reste pour lui à vendre sa patientèle. En attendant, il continue vaille que vaille, son boulot tout comme ses inepties. J'ai quand même eu la surprise l'autre jour de l'entendre déclarer, lors d'une pause clope avec la fille de l'agence immobilière: Moi, l'astrophysique, ça me fascine.

Pardon? Evidemment, je m'approche, flaîrant le moment lol, et réellement étonnée de cette dérogation à son propre cliché. Il s'avère que l'ami Pompier regarde souvent des documentaires et des émissions éducatives sur l'espace, à l'heure de sa sieste journalière. Il a donc entrepris d'expliquer à la fille de l'agence le concept de multivers et de relativité de l'espace-temps. J'ai rarement autant ri intérieurement (ou ouvertement, quand je n'arrivais pas à me retenir). Le pire, c'est qu'il ne disait pas trop de conneries (d'après mes maigres connaissances sur le sujet), mais le voir là, en train de gesticuler avec sa clope, avec son T-shirt blanc moulant et son rire idiot, c'était magique. La fille de l'agence était absolument fascinée. Au bout de l'explication (dix bonnes minutes tout de même), elle a conclu par: Mais moi, j'aime pas ce genre de trucs. Ca m'angoisse. Après je me mets à penser à l'infini, à pourquoi on est là, et qu'est ce qu'il y avait avant, et ça me stresse. Et le Pompier de répondre, philosophe: Ah ben c'est sûr que c'est un peu flippant, oui. Tu pars loin loin loin loin. Mais moi, personnellement, ça me donne envie de croire en Dieu, tu vois.

Et c'est là que je suis partie. Je suis désolée, mais mes culottes ne vont pas se compter toutes seules.